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lundi 30 avril 2018

Foxcraft. Les possédés

J'ai trouvé ce bouquin d'Inbali Iserles un peu par hasard. J'hésitais à le lire. Et puis finalement, je suis entrée dans ce petit roman jeunesse. C'est le début d'une série donc ne vous attendez pas à comprendre le pourquoi du comment à la fin du roman (même si c'est très devinable en fait).

Isla et Pirie sont deux jeunes renardeaux qui grandissent en marge des Terres grises ou La grande rumeur (la ville). Un jour, leur terrier est attaqué et Isla fuit. Aidée de Siffrin, un drôle de renard qui cherche son frère, elle part à la recherche des siens et tente d'échapper à Karka, la renarde qui les poursuit. Isla découvre petit à petit la foxcraft (oui, les renards ont des pouvoirs presque magiques) et apprend à se débrouiller en échappant aux broyeuses (voitures) et aux peaux-nus (les hommes).

Plein de rebondissements et de courses-poursuites, ce roman vise un public jeunesse. Il n'est pas très travaillé, qu'il s'agisse des personnages, du style ou de l'intrigue. N'est pas J.K. Rowling qui veut.


lundi 23 avril 2018

Baol

Stefano Benni, c'est une surprise et un délice à chaque lecture. On ne sait jamais trop ce qu'on va y trouver mais on sait que ce sera foufou, inventif et drôle. Et même critique !

Notre héros, Bed, est un mage Baol. Il vit à une triste époque où tout toute pensée est contrôlée par un régime expert en montages vidéos. La télé est reine et diffuse des images montées en studio avec des guerres contre des rebelles, des sitcom, du foot et bien d'autres images qui récurent les cerveaux. Baol traine dans un bar, l'Apocalypso. Il écoute les dealers et la police se tirer dessus, les prêtres annoncer la fin du monde, les pilleurs de cadavre lui proposer des fringues, les gens coincés dans les embouteillages s'entretuer. Avant, il faisait des trucs fous comme disparaitre des oies ou organiser des attaques de lapins blancs... mais les mages baol n'ont plus la cote. Sauf peut-être pour des missions spéciales. Comme celle de retrouver une vidéo de Grapatax, le plus grand des comiques. Une vidéo qui montre bien que Grapatax n'était pas un ami mais un ennemi du régime et du grand Hiérarque... 

C'est ainsi que commence un polar, aux allures de fable, où tous les genres se mélangent, où l'écriture est inventive est vive, drôle et travaillée. Où l'on découvre petit à petit ce qu'est la fantaisie baol, ce qu'elle apporte à un monde bien sombre...
Keith Haring 1981

vendredi 20 avril 2018

Oedipe sur la route

J'ai fait ma rebelle, j'ai commencé par Antigone avant d'emprunter ce titre. Cela ne m'a pas réellement gênée mais c'est mieux de lire dans l'ordre. 





Comme j'ai aimé cet Oedipe de Bauchau ! Cet aveugle sculpteur, cet homme qui gagne en lumière à chaque pas, qui suit sa route intérieure. Cet homme qui se raconte, avant le drame, un homme fier, aventureux, qui trace la route. Un homme assommé par la prophétie mais qui se réinvente à chaque pas. Cet homme qui favorise la parole juste. Qui souvent se tait. Un homme qui ne part pas seul, qui a un bâton, qui est suivi par sa petite Antigone, sa fille, sa sœur. Qui rencontre le brigand Clios et le séduit. Qui est chassé à coup de pierres et d'injures puis accueilli comme une bénédiction. 


J'ai aimé les rencontres d'Antigone et Oedipe sur leur route. J'ai aimé leurs gestes simples : soigner, tisser, sculpter, nourrir. J'ai aimé les histoires qu'ils contaient. Celle de Clios, ravagé par la violence d'une guerre de clans qui a tué son amour. Celle de Constance et du peuple des collines, guidé par des reines. Celle d'Oedipe dans le labyrinthe (tiens, tiens, ce serait pas une question récurrente chez Bauchau). J'ai aimé la proximité instaurée avec ces personnages mythologiques. Et bien entendu, j'aime l'écriture de Bauchau, poétique et simple. Les images qu'il évoque. Cet Oedipe devenu géant, devenu pestiféré. Cet Oedipe transformé par la route...

Un très beau roman initiatique et d'aventure, une superbe réécriture du mythe... C'est décidé, je continue à explorer sa bibliographie !

mercredi 18 avril 2018

La clef de Gaïa

C'est un peu par hasard que nous sommes tombés sur ce spectacle au théâtre des Mathurins. C'est un one woman show de Lina Lamara, accompagnée par Pierre Delaup à la guitare.

Entre histoires et chansons, notre actrice se dédouble, devenant Mouima, une grand-mère algérienne, ou Gaïa, la petite française. Et l'on voit Gaïa grandir, de petite fille à femme, et Mouima vieillir et raconter de plus en plus la vie d'avant. Histoire de cultures qui changent, de secrets qui se confient de femmes à femmes... C'est tendre, c'est parfois triste et violent (moment guerre d'Algérie qui vient assombrir le spectacle et ne s'y intègre qu'à moitié), mais dans l'ensemble c'est gai, poétique et chantant. Une jolie découverte !


lundi 16 avril 2018

La dernière fugitive

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu cette auteur. D'ailleurs, je ne suis pas sûre d'avoir déjà lu Tracy Chevalier traduite. Je n'en attendais rien de spécial. Le bouquin trainait sur ma PAL, il était bleu...
Galen Kallela Imatra hiver

Grace et Honor quittent l'Angleterre pour rejoindre Adam, le fiancé de Grace dans l'Ohio. Honor, abandonnée par son promis, décide d'accompagner sa sœur. Mais jamais elle n'imagine ce qui l'attend. D'abord l'horrible traversée, puis la mort de Grace et l'arrivée chez Adam Cox... De quoi déstabiliser la jeune et discrète quaker. Tant bien que mal, Grace s'adapte à ces nouveaux paysages, à ces personnes brutales, à ces villes en chantier. Elle rencontre Belle, une modiste qui devient son amie. Donovan, son frère, un chasseur d'esclaves. Et puis la communauté de Faithwell. La jeune brodeuse va-t-elle y trouver une place ?

Honor, découvre aussi en Amérique le chemin de fer clandestin, réseau des personnes qui aident des esclaves à gagner le Canada. Petit à petit, elle rejoint ce réseau, au grand dam de sa famille. 

Un joli roman d'initiation de cette jeune Honor, qui cherche à ne pas faire mentir son nom. Un roman très féminin, autour de la vie familiale, du travail de la ferme, de la religiosité, de la couture... Une belle évasion !

jeudi 12 avril 2018

Landfall

Voilà un livre dont j'ai complétement manqué la sortie et qui s'est retrouvé par hasard entre mes mains. J'ai commencé à le feuilleter, curieuse, et j'ai eu du mal à m'arrêter. Je ne sais pas bien ce qui m'a plu dans cet ouvrage d'Ellen Urbani. Peut-être la recherche de Rose, peut-être l'ambiance apocalyptique post Katrina, peut-être l'écriture ? Beaucoup de belles choses. 

C'est un roman à deux voix. Celle de Rose et de Rosy, une blanche et une noire, l'une à Tuscaloosa, l'autre à la Nouvelle-Orléans. Du côté de Rose, on a tendance à avancer dans le temps tandis que chez Rosy, on recule. Et ce pour une raison très simple : Rosy est morte percutée par la voiture de Gertrude, la mère de Rose. Livrée à elle-même, l'adolescente va chercher à retrouver les parents de Rosy pour les avertir. Car la police n'a pas réussi à remettre la main sur eux. 


A travers cette quête, le lecteur découvre deux jeunes filles, d'âge similaire, que leurs mères ont élevées seules. Rapports mère-fille bien différents, façon d'élever les enfants, fragilités et maladie... Mais c'est aussi un visage des Etats-Unis qui se révèle. Celui du contraste entre les plus vulnérables et les autres, entre les bandits et les bons bourgeois. C'est toujours un peu le far west, mais avec quelques nuances.
Seul bémol, la fin, que j'avais deviné depuis le début et qui fait un peu trop happy end. 

Un roman puissant, bien ficelé malgré la rigidité de l'alternance entre les voix. A découvrir !

lundi 9 avril 2018

Le boulevard périphérique





Ce Henry Bauchau, pourtant au top sur ma LAL, n'est finalement pas mon préféré. Je crois qu'il manquait de héros mythologiques à mon goût. Ou que ma lecture d'Oedipe sur la route était trop présente. Ou L'Enfant bleu. C'est le problème quand on engloutit tout un auteur d'un coup, on fait des indigestions.


C'est une étrange histoire que celle-ci, à deux temporalités. La jeunesse du narrateur, qui escaladait avec Stéphane, qui est entré dans la Résistance, qui a retrouvé trace du meurtrier de Stéphane après la guerre. Et l'aujourd'hui d'un quotidien de transports en communs ou de périph' entre sa maison, l’hôpital où il travaille et celui où il visite sa belle-fille malade. 
Un personnage qui fait le pont entre un ami de jeunesse et une femme en fin de vie. Un personnage que l'on peine à rassembler entre ces deux extrêmes. Et dont les interlocuteurs n'ont pas tous la même épaisseur. Ce Stéphane mystérieux, qui occupe la mémoire, prend souvent plus de place que cette Paule suffoquant derrière son masque. 
Un personnage coincé entre une culpabilité latente et l'obligation d'accompagner l'autre. Tournant en rond sur son périph' récurrent. N'osant pas prendre les devants. 
Un personnage méditant sur la mort et ses diverses formes, sur son effacement de nos vies et la douleur malgré tout dévastatrice.

Un beau roman, mais pas au bon moment, qui n'en fera pas un inoubliable.

jeudi 5 avril 2018

Feminismo para principiantes

C'est une des mes collègues qui m'a passé cet ouvrage de Nuria Varela en m'expliquant que, grâce à lui, elle avait mieux compris les enjeux du féminisme. Et c'est vrai qu'il est bien fichu, commençant par un historique du féminisme mondial, puis espagnol, avant de s'attacher à tous les champs concernés (pouvoir, économie, corps, culture, violence etc). S'attachant à la justice, le féminisme dénonce toutes les inégalités subies par les femmes pour l'unique raison qu'elles sont femmes. Chaussez vos lunettes violettes, comme dirait l'auteur, et entrez dans ce livre !

Historiquement, c'est au siècle des Lumières que se font entendre les premières voix de femmes qui revendiquent des droits à l'éducation, au vote... aux mêmes droits que ceux que réclament les hommes à la Révolution. Bien entendu, elles ne sont pas entendues. Et Olympe de Gouges finit sur une guillotine. Deuxième moment fort, au XIXe siècle avec les suffragettes. On parle un peu du Deuxième Sexe (que j'ai bien envie de relire avec mes nouvelles lunettes). Troisième temps autour de l'origine de la National Organization for Women et des différents mouvements féministes du XXe siècle.

Puis elle s'intéresse à la construction de la compréhension du monde, régie par les hommes. Elle parle d'androcentrisme, ou l'homme (au masculin) est la mesure de toute chose. Et du patriarcat où l'homme est chef de famille et a pouvoir sur la femme, les vieux sur les jeunes etc. Cette structure de pensée et de pouvoir est vue comme la seule façon d'ordonner le monde. Elle signale que la norme est toujours le masculin. C'est ce qui n'est pas questionnable, ce qui est normal. L'homme agit et parle au nom de l'humanité. En contrepartie, le féminin est l'analysable, le truc à définir...


Dans un second temps, elle analyse la place de la femme selon les thématiques nommées plus haut. Pour ce qui est de l'économie, je suis frappée par le fait que les métiers, s'ils sont exercés par des femmes n'ont pas le même nom, ni le même salaire que les hommes : "elles sont cuisinières, ils sont chefs ; elles sont modistes, ils sont stylistes ou grands couturiers". Et quel place pour le travail des mères au foyer ? Dont l'objectif n'est pas de faire des bénéfices mais d'accompagner la vie. C'est d'ailleurs un véritable enjeu que cette question de la maternité : on accuse les femmes de la baisse de la natalité, cite Nuria, parce que c'est plus facile : mais s'il y a une baisse de natalité, c'est parce que les hommes n'ont pas voulu s'occuper de l'éducation de leurs enfants. Ni même la société. La maternité est toujours un obstacle au développement professionnel de beaucoup de jeunes femmes. Et les temps de loisirs pour les mères restent du domaine du rêve. 

La question des violences sur les femmes, qu'il s'agisse des femmes battues, mutilées, excisées est aussi brulante. Et l'on a souvent tendance à la confondre avec la violence tout court, comme s'il n'existait pas une violence particulièrement dirigée contre la femme.

Puis elle aborde la question du corps. Et là, les écailles me sont tombées des yeux. Ou presque. Elle signale un bouquin que je vais m'empresser de chercher en bibli, Le Harem et l'Occident de F. Mernissi. Elle y explique la violence symbolique qu'exercent les images des mannequins sur toutes les femmes. En Orient, l'homme établit sa domination à travers l'espace : les femmes sont exclues des lieux publics et dans les lieux privés, les zones sont différenciées. L'homme occidental manipule le temps : il affirme que la femme est belle quand elle a quatorze ans. Il en fait un idéal de beauté qui condamne à l'invisibilité la femme mûre. Elle parle d'un harem de la taille 38 ! C'est le même type de violence que celle du voile ou des pieds bandés de la Chine féodale. Elle cite La domination masculine de Bourdieu  « La force symbolique est une forme de pouvoir qui s’exerce sur les corps, directement, et comme par magie, en dehors de toute contrainte physique ; mais cette magie n’opère qu’en s’appuyant sur les dispositions déposées, tels des ressorts, au plus profond du corps ». Puis il est question de l'appartenance du corps féminin, au delà de sa normalisation.

On passe ensuite à la question culturelle avec cette intro intéressante : normalement, c'est l'ordre alphabétique qui régit le dictionnaire. Mais on y trouve toujours le masculin (en "o" en espagnol) avant le féminin (en "a" en espagnol). Ainsi nous dit-elle, gato précède gata. Car les dictionnaires ne reflètent ni la réalité, ni la langue, ni le monde. Il reflètent seulement le pouvoir de ceux qui les écrivent. Et bim ! Elle revient sur les formes de coercition culturelle exercée sur les femmes comme celui d'Arabie Saoudite par exemple. Et se demande s'il l'on en est si loin avec le patriarcat de "consentement" de nos démocraties occidentales où se reproduisent les inégalités à travers mythes et stéréotypes.

Et puis, elle rappelle que le féminisme n'est pas une théorie du pouvoir mais de l'égalité, contrairement au machisme qui établit une hiérarchie. Il se construit sur un préjugé initial, celui de l'inégalité naturelle, non biologique mais entre les droits des uns et des autres. Autre préjugé : les féministes sont des suffragettes célibataires et sexuellement insatisfaites alors que nombre d'entre elles sont mariées et mères de famille. Et la liste est longue !

Ouvrage très complet, regorgeant de sources et d'ouvrages qu'on a envie de lire en le refermant. C'est dense, c'est riche, ça ouvre les yeux, ça questionne... A mettre entre les mains de beaucoup d'hommes et de femmes !
 

lundi 2 avril 2018

Danser les ombres

Haïti, l'esprit Ravage s’arrête devant Lucine et promet de bouleverser sa vie. Peu de temps après, sa sœur Nine meurt, laissant deux orphelins. Lucine part à Port au Prince, annoncer la nouvelle au père. Elle y retrouve la vie de ses années d'étudiante, ce bouillonnement, cet appel à la lutte. Et elle y recroise des personnes oubliées. 
Matrak, taxi, vient de perdre son coq. Il sent bien que les esprits sont contre lui mais il est décidé à lutter. 
Saul, le batard, pas encore médecin, soigne les pauvres. Il se réunit avec Tess, Sénèque et les autres dans un vieux bordel pour refaire le monde. A côté d'une école de jolies infirmières. Tout démarre avec les voix, les personnages que l'on découvre petit à petit, puis qui se croisent, se voient, se rencontrent. Puis se perdent avec le tremblement de terre... Jusqu'à confondre les morts et les vivants.

Un Laurent Gaudé qui n'a pas ce souffle épique du début à la fin, mais qui monte progressivement en puissance, jusque à cette fin hypnotique, cette danse des vivants et des morts qui subjugue le lecteur et lui fait oublier le début un peu lent.