Échange à trois voix entre Christophe André, psychiatre, Alexandre Jollien, philosophe et Matthieu Ricard, moine bouddhiste retranscrit dans cet ouvrage. Ils se retrouvent à la campagne quelques jours pour échanger sur leurs questions existentielles : leurs aspirations, l'ego, les émotions, l'écoute, le corps, la souffrance, la cohérence, l'altruisme, la simplicité, le pardon et la liberté. La forme est plutôt dynamique grâce aux trois compagnons, le fond est centré sur la méditation et l'abandon. J'ai noté quelques phrases, que j'ai trouvé jolies ou justes. Et je sors de cet ouvrage, comme souvent de ce genre d'ouvrage d'ailleurs, un peu sceptique, un peu déçue : non, pas de réponse claire à mes questions, il va falloir continuer à chercher en soi et non en l'autre !
"Je venais de réaliser, raconta-t-elle au maître spirituel du monastère, que mon corps avait ressenti l'impact du coup pendant quelques secondes, mais que mon ego en avait souffert pendant une heure"
"Je sors du métro. Les gens sont si beaux. Mais ils ne le savent pas !"
"Travailler sur la manière dont on réagit aux compliments et aux critiques est un très bon exercice pour nos patients en mésestime de soi. Ils sont complexés, doutent d'eux, se font souvent exploiter, écraser, manipuler par les autres. Et parfois, à l'inverse, ils deviennent agressifs parce qu'ils sont mal dans leur peau"
"Dans ce bonheur que je suis en train de ressentir, ou dans ce succès que j'ai pu attendre, qu'est-ce que je dois aux autres ? Et très paradoxalement, plus ils apprenaient à fonctionner sur ce mode, plus ils prenaient confiance en eux ! Parce que, au fond, la gratitude les libérait de cette "fausse confiance en soi" qui ne consiste qu'à croire en ses forces et en ses capacités [...] "La gratitude se réjouit de ce qu'elle doit, quand l'amour propre préférerait l'oublier""
"Il faut une sacrée liberté intérieure pour cesser de vouloir transformer l'autre à sa guise, lui dicter ses conduites, façonner ses opinions. Toujours subsiste la tentation de prendre le pouvoir, même inconsciemment"
"Dans la vie spirituelle, je décèle un autre danger : vouloir jouer au super-héros, prétendre avoir surmonté les blessures. Il n'est peut-être pas inutile de se rappeler les paroles de Nietzsche :"Il faut porter du chaos en soi pour accoucher d'une étoile dansante""
"En fréquentant des maîtres, ce qui m'a le plus frappé, c'est que je n'ai jamais décelé chez eux le moindre désir de plaire. Ils rayonnent de leur cœur une profonde adéquation au réel et un amour inconditionnel pour chaque être. Tandis que les blessures peuvent nous transformer en mendiants avides d'affection, prêts à tout pour être consolés"
"Le manque de cohérence est souvent lié au sentiment exacerbé de l'importance de soi. Celui qui veut absolument afficher une image flatteuse ou trompeuse de lui-même a du mal à admettre ses fautes et à se montrer tel qu'il est. Il a tendance à tricher quand ses paroles et ses actes ne sont pas à la hauteur de l'apparence qu'il veut donner"
"La nature est bien faite, car le bonheur nous donne l'énergie nécessaire pour venir en aide à autrui, pour agir, pour changer le monde. C'est assez logique au regard des travaux sur les liens entre bonheur et attention : le bonheur élargit notre vision du monde, alors que la souffrance réduit notre focale attentionnelle"
"Etre généreux sans se laisser bouffer par le désir de plaire : c'est un devoir sacré de découvrir une liberté intérieure. Comment y arriver si on obéit au doigt et à l'oeil à son ego, si on est totalement soumis au qu'en-dira-t-on ? Passer du désir de plaire au pur amour, gratuit et sans pourquoi, et poser là, tout de suite, des actes altruistes"