Cet essai est une invitation à repenser la ville et une dénonciation des archistars et de leurs créations ex nihilo, détachées des préoccupations et de la culture locale. C'est aussi une réflexion personnelle sur le métier d'architecte et un résumé des dernières transformations architecturales du XXIe siècle.
La première partie 'Pourquoi je ne suis pas devenu architecte' est certainement la plus belle. La Cecla se rapproche de Pamuk, un écrivain qui m'est cher, et qui a choisi l'écriture plutot que l'architecture. Comme lui, il signale la séparation entre ceux qui vivent et perçoivent la ville et ses rythmes et ceux qui la transforment, insensibles à cette identité.
Nous commençons notre lecture par une promenade à New York (Et plein de belles citations en intro de chapitres, dont certaines de Solnit dont j'ai très envie de lire les écrits). C'est la critique de la marque et de l'architecture du prêt à consommer, ce caractère qui s'efface derrière des 'emballages'. C'est le principe des façades 'peaux' qui habillent une architecture du vide. Pourtant, notre ballade nous fait croiser des hommes bien différents... Et c'est aussi le lieu de l'interpellation, de la dénonciation : Rem Koolhaas, Jean Nouvel, Frank Gehry en prennent pour leur grade ! Et La Cecla ne se cantonne pas à New York, ces critiques touchent aussi d'autres villes, 'victimes' de ces abérations architecturales. Souvent sévère mais hélas à raison, ce 'Contre l'architecture' tire à boulets rouges sur les excès des architectes.
Les chapitres suivants tiennent plus de l'analyse de cas. Certainement inspirés de son expérience de consultant, La Cecla nous parle de Tirana, des archistars et du fossé criant entre architecture et urbanisme, des banlieues, de leur laideur et de l'instauration difficile d'un espace plus humanisé dans ces habitats inadaptés, de Barcelone, de Columbia et de Harlem, de la communication qui prend le pas sur les problèmes de fond et les noie sous ses discours !
Un bien bel essai, de parti pris bien entendu, qui ne pratique pas la langue de bois. Un essai qui me fait encore plus apprécier la démarche de Renzo Piano. Un essai qui confirme les impressions qu'on peut avoir à la cité de l'architecture : qu'est-ce que cette architecture déconnectée de l'homme, cette 'architecture-marque', cet esthétisme à rebrousse poil, ces caprices de stars qui polluent la compréhension et l'harmonie de la ville sans se soucier des problèmes qu'ils engendrent ou exacèrbent : le dialogue des communautés, le logement, la spéculation immobilière, le kitsch bling bling...
Passionnant et très lisible : bien écrit et bien traduit, il se lit comme un roman !