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vendredi 10 octobre 2014

Virata

Il est fascinant de remarquer qu'à plusieurs années d’intervalle, mon ressenti sur un livre a beaucoup changé. Je viens de relire cette nouvelle de Stefan Zweig, poussée par une amie. Je me souvenais assez vaguement de l'intrigue et, dès les premières pages, j'ai eu l'impression de relire Siddhartha d'H. Hesse

Je ne vous raconterai pas à nouveau l'histoire, elle est explicité plus bas, dans mon premier billet de 2010. Je vous parlerai de ma lecture.

Virata a porté les quatre noms de la vertu : "L'éclair du glaive", "Source de la justice", "le Champ du conseil" puis "l'étoile de la solitude". Se détournant de plus en plus de l'action, il espère faire le bien. Agissant de plus en plus pour lui-même et sur lui-même plutôt que dans le monde, il imagine ne pas influencer l'autre. Cette quête d'une place qui soit la sienne est d'une grande justesse et d'une grande beauté. Bien entendu, comme dans tous les contes, ce sont des personnages perturbateurs qui viennent questionner Virata à chaque tournant. Une répétition salvatrice pour le personnage. Et une leçon de vie pour le lecteur ! 

Est-ce en s'éloignant de l'action que l'on agit bien ? N'a-t-on pas chacun un rôle à jouer ? Et refuser de jouer le jeu, n'est-ce pas s'enorgueillir, se croire plus libre que l'on est ? Virata passe sa vie à le découvrir :"Même celui qui n'agit pas commet une action qui le rend responsable sur cette terre". Et vlan pour toutes les philosophies et religions qui prônent l'absence d'action, l'érémitisme et l'éloignement du monde. Même si le propos n'est pas exactement le même, cela fait écho à cette phrase de W. Burke :"Il suffit que les hommes de bien ne fassent rien pour que le mal triomphe". Cette notion de responsabilité, sans culpabilité, me semble essentielle. En est-on bien conscient ? Sait-on bien que l'on peut changer les choses ?  

Et pourtant, la réponse de Virata n'est pas de prendre la place du roi, de retrouver les honneurs et la possibilité d'agir librement. Il en a bien vu les limites et les ornières. Quelle place peut donc être celle de Virata ? "L'homme libre de tout n'est pas libre, de même que celui qui n'agit pas n'est pas exempt de faute. Seul est libre celui qui est au service de quelqu'un, qui abandonne à un autre sa volonté, consacre ses forces à un travail et agit sans questionner. Seule la moitié de l'acte que nous accomplissons est notre oeuvre véritable ; le commencement et la fin, la cause et l'effet dépendent des divinités". Ou le bonheur de la liberté dans l'esclavage et le service. Cela a des relents très chrétiens. Mais Zweig aurait pu pousser encore plus loin son conte. Que fait le serviteur quand il a des ordres à exécuter qu'il pense être mauvais ? Ce serviteur est-il réellement irresponsable ? Zweig aurait-il pris le risque d'écrire une telle phrase après 1945 ? Ne fait-il pas le lit ici de cette irresponsabilité ou responsabilité collective ? 

Une nouvelle que j'ai la joie de trouver bien plus riche qu'à ma première rencontre, qui m'interpelle à titre personnel et qui me pose question. 

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Voilà un destin bien particulier que celui de Virata. Zweig place ici encore cet homme dans un temps lointain, un temps historique puisque l’écriture semble exister… mais un temps où l’oralité est reine.

Virata est un homme dont nul ne se souvient mais dont l’histoire extraordinaire méritait qu’un narrateur la racontât. Guerrier puissant, il est aussi humble et discipliné. Pas d’ambition ni d’orgueil chez cet homme, juste une volonté de bien faire les choses. A quatre reprises, Virata change de vie radicalement. Ces décisions sont prises dans une optique particulière : atteindre à la justice, à la pureté et à la vérité. Et pourtant, Virata a bien des difficultés à devenir un saint. Quel que soit son choix, il nuit à l’un ou à l’autre.

Je ne vous dirai pas où sa quête de perfection le mène mais c’est certainement là qu’il s’humilie et s’approche le plus de la sainteté.


Une histoire un peu différente des autres, une quête sans fin pour un personnage perfectionniste, à la limite de l’agaçant ! Pour le lecteur et pour le roi !

2 commentaires:

  1. Il en va de même pour moi. À 20 ans j'ai lu avec passion les 5 piliers de la sagesse de D.H. Lawrence. J'ai réessayé il y a deux ans, je n'ai jamais pu dépasser 100 pages (j'en ai 70)..

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    1. Je suis étonnée de voir à quel point nos goûts changent. Cela ne fait guère que 4 ans que j'ai lu cette nouvelle la première fois et pourtant, je l'ai lue tout à fait autrement !

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