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vendredi 28 mars 2014

Infidélités

Merci au Livre de Poche pour ces nouvelles délicieuses de Vita Sackville-West. D'une plume légère, élégante et ironique, l'auteur nous invite dans des intérieurs très british, tout en retenue. En apparence. Car de véritables drames se jouent dans ces atmosphères feutrées et cosy.

A. Laprade, Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, perspective de la voûte d'eau lumineuse, Paris, CAPA
D.R.

Son fils. C'est une journée spéciale pour Mrs Martin. Elle va revoir son fils, qui vient de passer cinq ans en Argentine. Elle prépare chaque détail avec amour et précision. Sans laisser paraître sa folle joie. Mais quand Henry arrive, tout ne se déroule pas comme prévu. De sourdes déceptions pèsent sur leurs retrouvailles. Chacun joue son rôle... jusqu'à la fausse note. 
Cette nouvelle, la plus longue du recueil, nous imprègne de la vie tranquille dans la campagne anglaise, qui ne ressemble en rien à celle du jeune Henry. Entre hypocrisie et cruauté, ce séjour contraste vivement avec l'heureuse attente. 

Patience. Pendant que son épouse joue aux cartes, dans un intérieur rangé et bourgeois, Paul est entraîné, un peu malgré lui, par ses souvenirs. Il repense à une femme, libérée, volage, extravagante. Tout le contraire de sa vie actuelle (je vous mets un extrait pour vous montrer jusqu'où va la notion de l'ordre dans la bonne société) : "Il attendit patiemment, sans jamais montrer aucun agacement, se contentant d'observer la manière dont elle tapotait les coussins de son fauteuil. 
"Tout va bien, dear ; bien sûr, on ne peut éviter d'écraser les coussins quand on est assis dessus. Mais après tout, si on les a inventés, c'est pour s'en servir ?"". Bref, le contraste n'aurait pu être plus accentué entre présent et passé.

Fiançailles. Cela fait huit ans qu'un jeune marin vient la voir à chaque permission. Il est amoureux. Elle le méprise un peu. Mais aujourd'hui, elle ne se demande plus si elle ne devrait pas l'accepter comme époux, tout en sachant qu'il ne colle pas trop à son monde : "Il lui arrivait aussi de se demander si elle n'aurait pas honte de lui comme mari". Elle a pris une décision. 
Une fin assez classique et attendue pour cette nouvelle, mais une fine analyse psychologique du personnage.

Liberté. Un triangle amoureux. Ruth est l'épouse de Paul et l'amante de David. Paul encourage la liberté individuelle. Ruth ne souhaite pas lui faire part de son nouvel amour. Et d'ailleurs, elle respecte et dit aimer Paul plus que David. Lequel veut que la situation soit clarifiée. Evidemment, rien ne se passe comme prévu ! Mais l'on reste en bonne société, donc pas de scandale...

Cet été-là. Ils sont quatre jeunes gens, libres et en vacances. Deux jeunes filles et deux jeunes hommes. Ils prônent l'amitié et refusent que l'amour ou la sexualité viennent changer leurs relations. C'est pourtant ce qui arrive lorsque Simon offre une bague à Judith. Michael sent la jalousie l'envahir... et les rapports se tendent, inexorablement.  

Justice. Certainement la nouvelle la plus terrible de ce recueil car ici l'on n'est plus dans cette bonne société policée. Dans un pub, un homme aux cheveux blancs attire l'attention du narrateur. Il en découvre l'histoire. Encore une fois, le triangle amoureux. Notre homme est l'amant. Sauf que le mari n'est pas du style à se laisser faire et imagine un terrible supplice. 

Ces nouvelles révèlent une grande subtilité psychologique et une plume douce-amère. Les ressorts des êtres humains sont finement décrits et mis en scène. Dans tout le recueil courent une ironie et une clairvoyance qui m'ont fait penser aux nouvelles d'E. Wharton et K. Mansfield. Bref, Vita Sackville-West explore et dessine, de façon assez classique mais non sans intérêt, la société de son temps à travers des thématiques intemporelles.


4 commentaires:

  1. Je viens de le finir et j'ai beaucoup aimé aussi (sauf la dernière dont le supplice m'a paru trop énorme).

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    1. Oui la dernière contraste beaucoup avec les précédentes.

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  2. J'ai découvert l'auteur cet été et il faut bien dire que je me suis un peu ennuyée...

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    1. Je trouve que la forme "nouvelles" lui va bien. Avais-tu lu un de ses romans ?

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