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jeudi 5 juin 2014

Mémoire de mes putains tristes

Quand j'ai appris la mort de Gabriel Garcia Marquez, ma première réaction a été d'un égoïsme absolu : quoi, je ne pourrai plus jamais lire d'autres œuvres de cet écrivain colombien ?! Alors quand j'ai vu que Stéphie organisait une LC pour lui rendre hommage, je n'ai pas hésité une seconde à renouer avec ses livres.


Mémoire de mes putains tristes est un roman sur l'amour et sur l'âge. Ce n'est certainement pas celui que j'aurais choisi de relire le premier, si, en voyant ce titre, je n'avais eu un affreux doute : et si je n'avais pas lu celui-là ? Et c'était bien le cas, je ne l'avais pas lu. La relecture de De l'amour et autres démons et de L'amour aux temps du choléra attendra. 

Le narrateur, quatre-vingt dix ans aujourd'hui, est un homme qui s'est laissé vivre. Il est journaliste, il vit dans une maison familiale dont il vend régulièrement les objets pour se renflouer, il n'a ni femme, ni enfant : "Les putes ne m'ont pas laissé le temps de me marier". Pourtant, pour son anniversaire, une terrible envie le démange. Celle d'une vierge. Il contacte une maquerelle auprès de qui il avait ses habitudes pour qu'elle lui trouve une jeune fille.

Commence alors une étrange histoire d'amour, qui fait penser pour les circonstances aux Belles endormies de Kawabata, transposé sous la moiteur de l'Amérique du Sud. Notre narrateur vient régulièrement admirer la demoiselle, qui dort tout le temps. Il lui invente un nom, la couvre de baisers et de cadeaux. Parallèlement, il continue à écrire pour le journal, s'interrogeant sur l'amour, sur l'âge et... sur les chats (parfois). Car, bien que vieux, il se sent jeune, physiquement (malgré des douleurs lombaires) et mentalement. La vieillesse est pour lui un sujet bien difficile à cerner puisqu'elle ne s'accompagne pas des limites que posent un corps décrépi ou un esprit fatigué. Au contraire, porté par l'amour qu'il porte à cette petite prostituée de 14 ans, notre héros ne s'est jamais senti plus jeune. Ce n'est que dans les passages un peu nostalgiques, où il se remémore ses amours et ses rencontres, qu'on sent combien cet homme a finalement vécu. 

Expert dans le traitement de l'amour fou, Garcia Marquez se révèle encore une fois inventif. Il renouvelle le thème de Kawabata en l'inscrivant dans un contexte moins onirique. Et cette histoire qui devrait nous choquer (on n'est pas loin de la pédophilie) nous attendrit. Certainement parce que d'un désir physique, le narrateur passe à un amour platonique puis à un amour fou ! 

chambre à coucher

6 commentaires:

  1. Un avis effectivement très différent de celui de Stephie... Voil qui m'intrigue !

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    1. Oui, complètement ! Mais je suis habituée à cette amour des jeunes filles chez Garcia Marquez.

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  2. Pas lu celui-ci, mais j'avais adoré "100 ans de solitude".

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  3. Envie de relire aussi " L'amour au temps du choléra " ( et tu me rappelles que je n'ai toujours pas lu ce Kawabata. )

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    1. Il est tout petit le Kawabata, il se glisse très bien entre deux pavés ;)

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