Pages

vendredi 31 juillet 2015

Le juste milieu

Annabel Lyon nous invite dans l'intimité d'Aristote... et vaguement d'Alexandre. Nous suivons le philosophe en Macédoine, dans sa vie quotidienne aux côtés de Philippe. Enfin, plutôt aux côtés de ses fils, dont il est le précepteur. "Chaque étudiant est à la fois un défi et une feuille de laurier". Bon, on le suit d'un peu loin puisqu'il ne vit pas dans le palais mais dans sa propre maison. 

Cette plongée dans la Macédoine du IVe siècle nous présente des lieux, des personnes, des coutumes qui nous sont étrangères. Avec plus ou moins de réalisme et de justesse. Que les non-historiens et non-philosophes se rassurent, ce n'est pas du tout complexe. Le langage est très contemporain, les détails historiques dilués. Quant à la relation avec le futur maître du monde, elle est faite de coups d'éclats et de violence, de proximité et d'affectivité, d'orgueil aussi. Elle se construit difficilement car Aristote n'est pas des plus diplomates et Alex a un caractère de chien. C'est surtout la personnalité d'Aristote, sa curiosité, ses relations, ses habitudes qui intéressent la romancière. 


Bref, c'est plutôt l'imagination qui prend le dessus. Et c'est à la fois plaisant, car c'est assez bien écrit et coloré, et dommageable, puisqu'on ne voit pas le philosophe philosopher... Enfin, presque pas. Voici tout de même quelques passages où s'amorce une discussion avec Alexandre : 

"Comment un monde parfait et immuable peut-il être la forme idéale de ce monde-ci, où nous sommes entourés de changements ?"

"On agrandit son monde par la conquête, mais on perd toujours quelque chose au passage. On peut apprendre sans conquérir"

"Qu'est-ce que l'excellence chez un homme ? Quand un homme est-il un homme bon ? Que signifie mener une vie bonne ?
- Triompher. Agir au maximum de ses capacités. Prospérer.
- Prospérer...
Je hoche la tête. J'évoque l'exercice des facultés humaines, et toutes les manières dont l'homme peut exceller : par son caractère, en amitié, par son intellect. Je m'attarde sur l'intellect, j'explique qu'il est un don divin qu'aucun autre animal n'a reçu en partage. Dans la hiérarchie des excellences, l'intellect se trouve tout en haut ; par conséquent, la meilleure vie, pour un homme, est celle qui est consacrée à la poursuite de l'excellence intellectuelle.

"A la philosophie", précise Alexandre"

"Rendre connu l'inconnu, n'est-ce pas là la plus grande des vertus, le plus grand des bonheurs ? N'est-ce pas exactement la chose dont nous parlons ?
- Tu confonds plaisir et bonheur, le vrai bonheur qui dure.
[...] J'accepte que l'idée du bonheur est réservé aux êtres capables d'accomplir les plus grandes choses [...] Vous et moi, nous pouvons apprécier la splendeur des choses. Nous marchons jusqu'à l'ultime rebord du monde tel que tous les hommes le perçoivent, le connaissent et en font l'expérience, et alors nous faisons un pas de plus. Nous traversons des lieux que nul n'a jamais visités"

Petite déception pour cet ouvrage. 


jeudi 30 juillet 2015

Trois petits tours au Centre Pompidou...

...Avant que Le Corbusier ne file !

Le Corbusier, mesures de l'homme 

Comment une amatrice d'architecture aurait-elle pu rater cette exposition, je vous le demande ? Et pourtant, j'ai attendu les derniers jours pour la découvrir. Célébrant le cinquantenaire de la mort de l'architecte, cette exposition est une rétrospective construite de façon chronologique. Au programme, une dizaine de salles bien remplies qui tendent à couvrir tous les champs d'action de Corbu. Si l'axe des "mesures de l'homme" est effectivement mis en avant, bien d'autres aspects sont explorés.

Modulor, Le Corbusier mesures de l'homme 1954

Les premières salles plantent déjà le décor. Oui, Corbu est un architecte. Il est fasciné par le Parthénon et dessine la villa Schwob. Mais la salle suivante nous rappelle que Corbu s'est longtemps rêvé peintre. S'inspirant du cubisme qu'il critique et transforme, avec Ozenfant, en purisme, il peint des natures mortes colorées et géométriques. On retrouvera ce goût de la peinture plus loin dans l'exposition avec ses peintures de femmes ou ses "Ubu". Bon, on comprend bien pourquoi on a plutôt retenu l'architecte en lui.
C'est aussi ce qui occupe beaucoup l'exposition : villas particulières comme la villa Savoye, ensembles comme les unités d'habitation et même urbanisme comme Chandigarh sont largement présentées à travers dessins, maquettes, photographies ou films. Le Corbusier y apparaît essentiellement comme un théoricien, un homme qui veut faire rentrer les choses dans des cases conceptuelles. Entre l'Esprit Nouveau, le système Dom-Ino, le Modulor, etc. tout semble devoir être standardisé, balisé, géométrisé. L'homme du Modulor, qui est le sujet central de l'expo, parait une simple mesure, un être sans humanité. C'est d'ailleurs un peu ce qui transparaît dans les unités d'habitation : certes, l'espace est pensé pour chaque chose et propose un maximum de logements sur un espace minimum. Cela s'entend dans la période d'après-guerre où il faut reconstruire vite et pas cher. Mais les appartements façon casiers de bouteilles font vite clapiers à lapins... et l'humain y est oublié.

Maquette Ronchamp Corbusier 1950-55Le détour par Ronchamp et La Tourette est plutôt sympathique avant de rejoindre la lointaine Chandigarh. Là, l'expo reste évasive et l'on peine à comprendre les différents espaces de la ville. C'est dommage.

Et je ne vous ai pas parlé de Corbu designer mais une salle y est consacrée. Je vous laisse la découvrir, elle n'a rien de très inattendu.

Ce qui est chouette dans cette expo, c'est l'abondance et la diversité des oeuvres. Majoritairement issues de la Fondation Le Corbusier, on ne les voit pas tous les jours sorties. Par contre, rien ne donne véritablement d'âme à tout cela... Corbu est un peu un robot.

Mona Hatoum 

Après Corbu, j'ai profité de mon passage au Centre Pompidou pour m'intéresser à l'oeuvre de Mona Hatoum dont je ne connaissais pas grand chose. J'ai été agréablement surprise par son oeuvre engagée qui met l'accent sur les conflits, réels ou latents. Son Present Tense qui montre les territoires palestiniens problématiques, son Light Sentence qui nous met tous en prison, son Hot Spot qui fait du monde entier une zone dangereuse... Il est d'ailleurs intéressant de voir combien le monde la préoccupe : ses cartes et planisphères projettent sur le monde une grande fragilité.

Mona Hatoum, hot spot, 2013

Son utilisation des objets quotidiens, qu'elle détourne et empreint d’étrangeté, est très inspirée de surréalisme (Gater Divide, Daybed, Incommunicado, etc). J'ai cependant été moins emballée par ses vidéos.

L'ensemble laisse une impression de monde instable et angoissant.

Valérie Belin, les images intranquilles 

Valerie Belin, Untitled, 2006

Enfin, petit détour par le musée et les collections permanentes pour croiser les photographies de Valérie Belin. Là encore, le climat est malsain et étrange. Photographiant des visages de mannequins, elle fait douter le spectateur. Sont-ils artificiels ? Sont-ils vivants ? Au-delà de la simple image, les sujets questionnent. Et si l'homme n'était plus qu'un vulgaire mannequin, enfermé dans les apparences, les objets, la consommation...


mercredi 29 juillet 2015

Le prince foudroyé. La vie de Nicolas de Staël

J'aime les biographies d'artistes. Je puise dans leurs vies des éléments de compréhension ou d'incompréhension. J'y saisis mieux leurs évolutions. De Nicolas de Staël, je ne connaissais que de rares éléments : son exil d'aristocrate russe, son suicide... et beaucoup de ses tableaux. J'avais déjà croisé l'homme dans le bel Atelier Rouge de S. Tabet. Je découvre un peu plus de son intimité dans cette biographie par Laurent Greilsamer

Ce livre couvre toute la vie du peintre. Il débute avec la famille de Staël (qui est bien la même que celle de Germaine Necker-de Staël) en Russie et en Suède, la petite enfance à Saint-Petersbourg alors que le tsar Nicolas II tourne mal, la guerre, la fuite vers l'Estonie... "La Russie est devenue une broyeuse d'hommes, une gueule de glace insatiable". S'ensuit la jeunesse du peintre dans sa famille adoptive, Les Fricero, en Belgique, sa formation comme peintre et son premier succès comme fresquiste avec Geo de Vlamynck. Nicolas est jeune, il poursuit sa formation par des voyages et des visites. Sans le sou, il se contente de peu et se nourrit des peintures et du soleil. On entre dans la partie "artiste bohème" de la biographie : l'amour pour Jeannine, la vie à Paris sous l'occupation, les tableaux jamais satisfaisants... C'est là que ça devient vraiment un mélange entre la presse people (toutes les rencontres de Staël avec d'autres artistes) et le roman de la bohème (la faim de l'artiste maudit, la maladie de sa femme). J'ai trouvé que c'était un peu trop. Trop longuet sur les rencontres et les échanges, trop accentué sur le drame. La suite, c'est-à-dire la rencontre avec Françoise, les échanges avec Char, le début du succès, sont aussi pesants. Et tout est passé au crible du caractère emporté du peintre, tout est plus ou moins expliqué par son instabilité, sa cyclothymie. 

Sur les œuvres en elles-mêmes, peu d'éléments sont donnés par le biographe. Il les liste mais ne les décrit ou n'explicite leur composition que très rarement. Et comme toujours dans ce genre d'ouvrage, c'est bien joli de citer les peintures mais une reproduction serait la bienvenue.

Une biographie qui m'a semblé à la fois intéressante sur le fond (des archives et des interviews ont été réalisées) mais pénible sur la forme par son incapacité à faire le tri entre indispensable et bavard.

cathedrale Stael



mardi 28 juillet 2015

Lettres

Mon classique du mois de juillet est un peu particulier puisqu'il prend la forme épistolaire. Avec les Lettres de Madame de Sévigné, de son nom de jeune fille Marie de Rabutin-Chantal.


Bureau de Mme de Sévigné
Mon édition propose ses lettres de 1655 à 1696. Entre Paris, Versailles, la Bretagne et le Sud, notre marquise croque à traits vifs la société de l'époque de Louis XIV. Ses correspondants favoris ? Le Comte de Bussy Rabutin, son cousin, mais surtout Madame de Grignan, sa fille adorée. De sa plume alerte, notre marquise évoque à la fois les potins de la Cour (salons, lectures et religion), les événements appelés à devenir historiques (procès de Foucquet, mort de Turenne et de La Rochefoucauld, représentation de Bajazet, affaire des poisons, etc.) et sa détresse d'être si loin de sa fille. "Ah ! ma bonne, que je voudrois bien vous voir un peu, vous entendre, vous embrasser, vous voir passer, si c'est trop que le reste ! Eh bien, par exemple, voilà de ces pensées à quoi je ne résiste pas. Je sens qu'il m'ennuie de ne plus vous avoir : cette séparation me fait une douleur au cœur et à l'âme, que je sens comme un mal du corps".

Bon, notre marquise a parfois des visions du monde paysan et de ses gens un peu angéliques... ce qui ne l'empêche pas de mener sa barque comme elle l'entend :
"Savez-vous ce que c'est que faner ? Il faut que je vous l'explique : faner est la plus jolie chose du monde, c'est retourner du foin en batifolant dans une prairie ; dès qu'on en sait tant, on sait faner. Tous mes gens y allèrent gaiement ; le seul Picard me vint dire qu'il n'iroit pas, qu'il n'étoit pas entré à mon service pour cela, que ce n'étoit pas son métier, et qu'il aimoit mieux s'en aller à Paris. Ma foi ! la colère m'a monté à la tête ; je songeai que c'étoit la centième sottise qu'il m'avoit faite ; qu'il n'avoit ni cœur, ni affection ; en un mot, la mesure étoit comble. Je l'ai pris au mot, et quoi qu'on m'ait pu dire pour lui, je suis demeurée ferme comme un rocher, et il est parti. C'est une justice de traiter les gens selon leurs bons ou mauvais services. Si vous le revoyez, ne le recevez point, ne le protégez point, ne me blâmez point, et songez que c'est le garçon du monde qui aime le moins à faner, et qui est le plus indigne qu'on le traite bien".

En quelques lignes alertes, elle nous brosse un portrait, elle nous fait sentir une époque, elle nous introduit chez les plus grands. Ce qui frappe, c'est la liberté de son ton. Elle s'émeut, elle s'agace, elle se réjouit avec une simplicité qui nous la rend proche. Un bon moyen de découvrir l'esprit et les mœurs du XVIIe siècle !



lundi 27 juillet 2015

Marins de nos vies

J'ai croisé un peu par hasard ce livre de Christian Buchet. Le sujet m'a semblé intéressant puisqu'il liait à la fois la mer, la foi et nos vies. Et surtout, le point de départ était séduisant : après la mort, il n'y aurait point de mer ! Quel dommage... Et si cela avait un sens autre ?


L'idée de l'auteur est de sortir de la Bible les épisodes qui mettent en scène la mer ou l'eau, de les expliquer. L'image récurrente est celle de la mer à traverser comme l'homme doit traverser les tempêtes et les calmes de sa vie. 

Ce livre se divise ainsi : 

La traversée de la mer comme passage vers la vie 
Jonas ou la remontée vers la vie 

Ces deux premiers chapitres sont liés à l'Ancien Testament et reviennent sur les épisodes de la traversée de la mer rouge et de la fuite de Jonas. On passe ensuite au Nouveau Testament et aux épisodes de la vie du Christ avec : 

L'immersion du baptême comme renaissance à la vie 
Les marins du Christ 
La vie n'est pas un long fleuve tranquille, c'est une traversée maritime 
La confiance comme source de vie 
Pour une vie pleine et débordante 


Si l'idée me semblait belle, la réalisation l'est un peu moins. L'explication est souvent très collée au texte. On a l'impression parfois d'un condensé d'homélies. Mais rarement les mots touchent et percutent. On reste à la surface des flots, sur la vague, mais l'on n'entre pas dans une discussion profonde des textes. De plus, chaque chapitre est très indépendant des autres, il n'y a pas de progression pour le lecteur. Je retiendrai toutefois le message de courage, de confiance et de persévérance que véhicule ce livre... Au vent de l'Esprit !

vendredi 24 juillet 2015

Jeanne Lanvin

Plus qu'un mois pour profiter des superbes robes de Jeanne Lanvin au Palais Galliera !

L'exposition s'ouvre sur le logo de la maison de mode. Jeanne Lanvin et Marguerite, sa fille, immortalisées en noir et or, tournent infiniment sur la panse du parfum Arpège. Et les robes sombres, noires ou bleues, piquées d'or et d'argent, font écho à ce contraste.

Organisée de façon thématique, l'exposition nous présente des robes de bal, des robes de style, des robes de mariées mais aussi des chapeaux, des vêtements pour enfant, etc.
La technicité de la maison est aussi mise en valeur notamment via ses robes perlées, ses matelassés, ses surpiqûres, ses broderies... qui viennent magnifier les coupes. 

Parmi les robes qui m'ont le plus frappée, il y a celles de l'exposition des arts décoratifs, aux décors stylisés et aux couleurs inattendues (absinthe, coquelicot, etc.) et celles d'inspiration monacale, "Elsa", "La Diva".

Une rétrospective sans fioriture ni fantaisie qui révèle la variété et la virtuosité des créations Lanvin. Les écrins des vitrines, tout en miroirs, sont idéaux pour le déploiement des broderies et tissus. Attention, cette expo va vous en mettre plein les yeux !


jeudi 23 juillet 2015

Check Point

Le dernier roman de Rufin dresse un portrait sombre de l'engagement humanitaire. Sur fond de guerre de Yougoslavie, il propose une course poursuite à travers la Bosnie. 

Cinq personnes s'engagent sur les routes d'Europe, direction la Bosnie en guerre. Dans leurs deux camions, des vêtements, des vivres et des médicaments pour venir en aide aux populations. Parmi les humanitaires, Maud, notre héroïne. Engagée récemment dans une association lyonnaise, c'est son premier déplacement sur le "terrain". Mais son enthousiasme de départ est bien vite remplacée par la méfiance et les tensions. Entourée d'hommes, militaires ou humanitaires, elle découvre que chacun a des motivations très différentes de celles des autres... Et ne va pas tarder à devoir prendre parti pour répondre à cette question : Faut-il aider les victimes à survivre ou leur apporter des armes pour se défendre ? Peut-on rester neutre dans un conflit ? Cela aurait pu être un vrai débat si le côté gros dur au cœur tendre de Marc n'avait fait pencher la balance... Mais bon, notre rebelle bobo est et reste naïve du début à la fin.


Ce roman tourne au thriller aux multiples rebondissements (parfois un peu faciles et attendus) à mesure que les camions passent les différents check-points et avancent dans le pays. Et les personnages, qu'on imaginait plus nuancés, se figent dans leurs rôles. C'est un peu dommage car tout devient alors très prévisible et se concentre plus dans l'action que dans l'analyse psychologique. Une déception pour moi que ce roman finalement pas très disert sur l'aventure humanitaire.

jeudi 9 juillet 2015

Velázquez au Grand Palais

Même si je peste souvent contre le Grand Palais, il n'y a pas à dire, pour une rétrospective, les espaces sont chouettes. Surtout lorsque le peintre concerné crée aussi bien des toiles gigantesques que des peintures plus réduites. Et puis, il y a de la place. On n'est pas trop frustré question mètres carrés. Mais pourquoi choisir de parler autant des suiveurs et contemporains de Velázquez que du "peintre des peintres" lui-même ?

L'organisation de cette exposition est hyper classique. C'est la bonne rétrospective des familles, qui retrace la carrière du peintre depuis l'atelier de Pacheco à Séville jusqu'à sa mort, comblé d'honneurs, à Madrid. 

Marguerite Velzaquez

A Séville, on commence avec la production religieuse de Velázquez et de Pacheco. Tout n'est pas très excitant et j'ai eu un peu de mal à reconnaître dans ses premières œuvres la main de Velázquez. En passant à ses bodegones, c'est déjà plus clair. S'ils conservent une part de sacré, le profane est bien présent avec ces pauvres gens, dans des camaïeux de brun. On voit déjà la virtuosité et la vibration de ses couleurs et de ses textures. J'ai regretté que plus d’œuvres de cette période n'aient pas été prêtées. Elles sont à la fois sensibles et simples. Un peu le contraire de ce qui nous attend après avec les toiles mythologiques et les toiles royales. On change de format, on éclaircit la palette tout en retenant les leçons des caravagistes... Oui, Velázquez a changé de commanditaire. Il devient peintre du roi dès 1623 et, sur les conseils de Rubens, il voyage en Italie pour compléter sa formation. A son retour, il continue à peindre le roi Philippe IV, son héritier, Baltasar Carlos, et la cour. Là, on regrette que Les lances n'aient pas fait le voyage depuis Madrid. Tout comme on regrette Les Ménines, quelques salles plus loin. 
L'expo se poursuit essentiellement à travers des portraits, celui du pape Innocent X, des comédiens, de la princesse Marguerite aux robes impressionnantes. On admire la beauté des textures et des couleurs. Chaque portrait nous étonne par sa force et sa présence. Et personnellement, je ne me suis pas du tout lassée d'eux. 
Par contre, la suite m'a paru beaucoup moins passionnante. Les grands tableaux de la fin, Les Ménines et Les fileuses sont restées à Madrid. Bon, c'est certainement mieux pour leur conservation. Du coup, on nous montre la version Juan Bautista Martinez del Mazo. 

Toute cette partie sur les suiveurs de Velázquez m'a semblé à la fois longue et peu intéressante. Car les suiveurs sont quand même bien en dessous du maître. Et en quelques tableaux, on a compris. Pas besoin  de tous nous les mettre ! A se demander qui est au cœur de la rétrospective. Et pourtant, cette partie est essentielle pour comprendre la problématique des attributions à Velázquez : c'est l'éternelle question de savoir qui a fait quoi, du maître ou de l'élève. 

C'est d'ailleurs une question qui parcourt toute l'expo. On peut lire sur les cartels des "attribués à" qui permettent au visiteur d'envisager la question. Pour l'historique détaillé des attributions successives, il faut s'en référer au catalogue. 

Une exposition qui permet d'aborder la carrière du peintre espagnol tout en sensibilisant le visiteur à la problématique des attributions, c'est pas mal. Si l'on ajoute les chef d’œuvres exposés, ça devient encore plus chouette. Et ça donne envie de prendre un billet pour Madrid pour voir le reste ! Pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller voir l'expo avant qu'elle ne ferme, c'est peut-être la solution. Vous pouvez tenter Vienne aussi, il y a toute une série de portraits royaux là-bas ! 

mardi 7 juillet 2015

Amours

Il m'est arrivé une étrange expérience en dévorant ce titre de Léonor de Recondo : même si je l'ai beaucoup aimé, je n'ai pas eu l'impression de lire un titre du même auteur que Pietra Viva. Je n'ai pas retrouvé cette petite musique ciselée et ces mots si justes, je n'ai pas senti ce monde qu'ils décrivent. Pour autant, ce ne fut pas une mauvaise expérience de lecture mais je m'attendais à d'autres sensations. 

Boucher, Selene et Callisto


Le sujet ? A la fin du XIXème, Anselme et Victoire mènent la vie tranquille de bourgeois de province. Anselme saute sa bonne, Céleste, parce que sa femme le tient éloigné du lit conjugal. Elle ne supporte pas les assauts de son mari et déplore de n'avoir toujours pas d'enfant. Par contre, Céleste se retrouve dans une situation délicate... Une occasion rêvée pour Victoire : elle va pouvoir adopter cet enfant sans même devoir le porter. Mais avec la naissance d'Adrien, Victoire et Céleste se rapprochent et nouent d'étranges amours ancillaires. Le sujet d'abord assez classique, dérape avec le lesbianisme des héroïnes. Il transforme le regard du lecteur sur ce monde suranné et l'interroge sur la vie secrète des grandes maisons d'avant guerre et leurs secrets. C'est étonnant ce sujet récurrent d'amours homosexuelles chez cet auteur. Je me demande à quel point ce genre de choses étaient possibles. Surtout dans ces milieux un peu étriqués, très catholiques et peu imaginatifs. 

Pour ma part, je n'ai guère été émue par ces femmes et leur éveil à la vie. J'ai noté quelques belles pages mais l'ombre de Michel Ange vient surplomber celles-ci. Un bon moment de lecture qui ne restera pas marquant. Dommage.

lundi 6 juillet 2015

Main Square Festival 2015

Voilà plusieurs années que nous n'avions pas mis les pieds au Main Square d'Arras. Mais il y avait cet été un argument pour nous convaincre : Muse ! Notre groupe britannique chéri commence une tournée suite à la sortie de Drones et il n'était pas question de rater ça ! Mais, idiots que nous sommes, nous avons raté la mise en vente des billets et avons dû prendre un pass trois jours. Une première ! Pour ceux qui me suivent depuis 2008, sachez que le Main Square s'est déplacé de la Grand Place à la citadelle d'Arras, un espace qui est réservé pour le week-end à deux scènes et à une quinzaine de groupes. 

Main square festival 2015

Nous avons pu écouter rapidement Lenny Kravitz, juste avant d'aller nous coucher pour profiter de Muse le lendemain. Le samedi, place à Skip the Use et Muse tandis que dimanche, nous avons découvert Lilly Woods and the Prick et Mumford and Sons en concert. 

Skip the Use a bien chauffé l'esplanade : son dynamisme a emporté la foule qui s'est retrouvée à jouer à 123 soleil avec lui, à chanter et à danser (contre le FN notamment). Des tubes qui envoient, un côté très convivial et un chanteur qui se démène sur scène tout en lançant des messages politiques... Nous voilà bien en forme pour Muse. 

Quelque longues minutes plus tard, les trois musiciens s'avancent et se lancent dans un show bien rodé, aux multiples effets spéciaux. Mat gesticule moins qu'avant, Christopher se lance dans des impros... Au programme, cinq morceaux issus de leur nouvel album, Drones, entrecoupés des grands classiques du groupe : Psycho, Supermassive Black Hole, The Handler, Plug in Baby, Dead Inside, Interlude, Hysteria, Munich Jam, Madness, Apocalypse Please, Supremacy, Mercy, Time is Running out, RReapers, Starlight, Stockholm Syndrome, Uprising et Knights of Cydonia. 

Un show raccourci de 20 minutes par rapport au programme, une impression de maîtrise et de performance bien calée... On sort heureux mais un peu frustré de ce concert. On en voulait plus ! Et l'on zappe le petit génie de l'électro, Madeon, pour rentrer. 

Dimanche, sous un ciel plus couvert, Nili Hadida s'agite (et secoue ses cheveux en rythme) sur des titres en anglais et français. Il y a de l'énergie, le courant passe visiblement bien entre le groupe et le public, qui s’électrifie littéralement quand le groupe chante son tube : Prayer in C. Place ensuite à Mumford and Sons. Les britanniques ont été pour nous LA bonne surprise du festival. Il faut dire que musicalement, on en a eu pour notre compte : les chœurs chantés par les trois compères de Marcus Mumford appuient juste comme il faut sa voix, si bien que ça vous fait frissonner l'échine ; le groupe alterne entre mélodies douces, morceaux rock avec des parties de guitare électrique et de basse bien efficaces, et, ce qui nous a laissé le meilleur souvenir, un espèce de country aux amphétamines à base de banjo, contrebasse, guitare sèche, avec de savantes touches de cuivres et violon, et encore une fois, des chœurs au top. Bref un concert bourré d'émotions, qui ne laisse pas son spectateur en reste puisque les membres du groupe prennent un malin plaisir à mixer les rôles : le chanteur passe à la batterie, les guitares tournent... 

On quitte la citadelle avant la star du jour ; non, Pharell Williams n'est pas notre came, malgré le chouette Happy ! On a de la bonne musique plein les oreilles et la furieuse envie d'aller plus régulièrement à des concerts.

jeudi 2 juillet 2015

La toilette, naissance de l'intime

Comme souvent, je vais vous parler un peu in extremis d'une exposition. Au musée Marmottan, cette histoire de la toilette a attiré notre attention. J'aime beaucoup ce qui a trait à l'histoire du corps, à la prise en compte de sa matérialité ou son refus, à ce que fait passer l'apparence selon les époques, à ce que sont les canons de beauté... J'avais donc très envie de voir ce que nous livrerait cette exposition. 

Boucher, oeil indiscret

Celle-ci débute avec une tapisserie de la fin du Moyen Age : une femme au bain, dans une nature luxuriante, est entourée de serviteurs. Scène de bain ? Ou scène de prestige ? Scène très peu réaliste, où la baigneuse ne fait même pas semblant de se laver. Dans le même genre, on peut penser au Portrait présumé de Gabrielle d'Estrées et de sa soeur la duchesse de Villars, déjà plus intime puisque à l'intérieur... Entre Moyen Age et Renaissance, se dessine un basculement. Le bain médiéval hérité des thermes se fait rare et l'eau est vue comme vecteur de maladie. Seuls quelques grands utilisent des bains, mais c'est dans l'intimité. Au XVIIe siècle, on se lave encore moins. Ou plutôt, la notion de toilette évolue vers la toilette sèche : on se maquille, on se parfume, on se coiffe mais sans eau. Le siècle suivant renoue avec l'eau mais devient plus discret quant à sa toilette : pas besoin de faire cela devant des serviteurs ! La toilette est l'objet de peintures un peu coquines et non plus idéalisées à la manière des Suzanne au bain de la Renaissance. Les peintures de Boucher telles que L'Oeil indiscret ou La jupe relevée vont jusqu'à la trivialité ! Au XIXe, la toilette redevient un geste intime et quotidien que se plaisent à saisir les peintres : on pense aux pastels de Degas, à la baignoire de Bonnard qui introduisent un temps pour soi, comme un tête à tête intime. Aujourd'hui, la toilette fait partie de notre quotidien, elle n'est plus un sujet. Elle apparaît toutefois dans les questionnement autour du corps féminin, et notamment de son utilisation esthétique et publicitaire. 

Une exposition riche, qui ferait presque suite au Bain et le miroir. Pour chaque siècle, seules quelques œuvres sont choisies : c'est malheureusement parfois réducteur et l'on aimerait plus de peintures et de textes (ou plus d'espace). Sinon, le propos est à la fois clair et intéressant, il donne envie de se replonger dans les ouvrages de Vigarello.