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mercredi 19 octobre 2016

La Sociedad del Cansancio

Le philosophe coréen allemand Byung-Chul Han a vu les ventes de son petit ouvrage exploser à la publication. Enfin, pour un ouvrage de philo. Il ne fait certainement pas le même chiffre d'affaire que Dan Brown. Personnellement, je ne l'ai pas vu passer et ce n'est que maintenant que je le découvre. En espagnol qui plus est...

Remouleur, Malevitch

Il se compose des parties suivantes :

El Prometeo Cansado
La violencia Neuronal
Mas Alla de la Sociedad disciplinaria
El aburrimiento profundo
Vida activa
Pedagogia del Mirar
El Caso Bartleby
La sociedad del Cansancio


L'essai débute avec une analyse de ce qu'était la société du XXe siècle. L'auteur parle d'un processus immunologique c'est-à-dire de défense contre tout ce qui est étranger, à l'image de la Guerre Froide. Si tu n'es pas avec nous, c'est que tu es contre. Cette protection contre l'ennemi se lit dans tous les aspects de la société, qu'il s'agisse de l'histoire, du droit, de la médecine, etc. C'est une disposition tout à fait contraire à la globalisation, qui dresse des murs plutôt que des ponts. 
Ce procédé de "négativité" est aujourd'hui remplacé par la "positivité", qui au lieu de rejeter, inclut. Mais asphyxie par la saturation du semblable, du même. 

D'une société de la discipline et du devoir telle que la décrit Foucauld, on passe à une société du rendement et du pouvoir, du "Yes, we can". Une société qui produit des échecs aussi. Devant cette course au rendement, l'homme moderne se fatigue de chercher à devenir soi-même, de travailler et de s'exploiter librement... jusqu'à la dépression. Il se confronte à sa liberté obligatoire et à sa libre obligation de maximiser le rendement ! Au travail, bien sûr, qui devient l'unique absolu mais aussi dans ses loisirs. Pas question de ne rien faire, de s'ennuyer. De toute façon, il existe tellement de stimulus extérieurs que ce n'est même plus possible de ne rien faire. Et cette abondance de stimulus, qui va jusqu'à l'excès, n'est pas forcément preuve de progrès. C'est l'animal sauvage qui est tout le temps aux aguets, qui a besoin d'une attention fragmentée, pour veiller en même temps sur sa proie, sa femelle et ses prédateurs... et assurer sa survie. Au contraire, l'ennui pour notre auteur, est nécessaire pour sortir de la répétition et créer quelque chose de neuf. 
Cette déferlante d'activités va de pair avec l'éphémère... et conduit à un monde superficiel, qui manque d'être. Plus d'emphase, de colère, de passion... au milieu de cette dispersion. La pensée devient un simple calcul, comme celui des ordinateurs, mais ne conduit plus à une intériorité. Pour cela, il faudrait revaloriser la vie contemplative, l'ennui, le repos du dimanche, le sabbat où il est interdit d'agir, et peut-être la négativité, c'est à dire de fait de lutter contre quelque chose, de savoir dire non plutôt que de se noyer dans un relativisme et un égoïsme solitaire, étouffant et impuissant. 

Cet essai court mais puissant m'a beaucoup interrogée sur mon rapport au devoir et au travail, à cette nécessité de se réaliser à travers d'une activité économique. A cette valeur de notre société pour laquelle seul le succès compte et où l'épanouissement doit passer par le travail. J'ai noté toutes les pressions que l'on peut subir lorsqu'on n'a pas de boulot, de la part de la société mais aussi de soi-même. J'ai aussi questionné mon rapport à l'ennui, mon besoin de sortir mon téléphone ou mon bouquin dès qu'il faut patienter, mon impatience devant un jour sans activité prévue, mon besoin de faire quelque chose pour que la journée vaille quelque chose. Mais je connais aussi l'importance des moments de calme, le goût d'une retraite spirituelle au rythme d'une communauté religieuse. Et la valeur que ces pauses permettent de donner à toutes nos activités galopantes, qui, sans ce recul, passent semblables et stériles.

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