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lundi 25 janvier 2021

La vie, la mort, la vie

Erik Orsenna s'est intéressé à Pasteur à cause de son siège à l'Académie Française. Il occupe celui du savant et ne connait rien à la biologie. Pourquoi pas écrire une biographie du grand homme, du vainqueur de la rage qui a son nom dans toutes les communes de France ? 

On découvre un homme froid, méthodique, intéressé par la science et par sa gloire. Peu sociable, il veut se distinguer. Normalien, agrégé de physique, il doit enseigner mais n'est intéressé que par la recherche. Qu'à cela ne tienne, il fait en sorte d'être nommé en faculté après un bref passage en lycée. Il se marie, a priori sans passion, à une femme qui tiendra bien sa maison - et ses enfants. Et il cherche, d'abord autour du tartre, puis des bactéries et des germes jusqu'à la "pasteurisation", il soigne les vers à soie et le choléra des poules, s'intéresse à la contagion, à la vaccination, jusqu'à réduire au silence la rage.

Tout cela est raconté sans passion, avec la froideur du savant qui ne rit pas. Il fait un héros bien peu attachant, même quand il subit attaques et revers. Pas d'éléments personnels ou presque dans cette biographie, une écriture rapide, avec des bouts de phrases, des hypothèses, comme s'il n'y avait pas de temps à perdre. Eh bien n'en perdez pas non plus pour cette lecture. 



lundi 18 janvier 2021

Un homme remarquable

Simon Darcourt s'est engagé dans la rédaction d'une biographie de Francis Cornish pour le lancement de la fondation Cornish. C'est Arthur Cornish, banquier, héritier et neveu de Francis, qui dirige l'affaire. Hélas, ce n'est pas si simple car Francis était plutôt secret et "sous l'influence de Mercure" comme le rappellent les astrologues du roman. Observateur et messager, trompeur et radin, mais aussi très droit et tourmenté par sa morale... Voilà un drôle de personnage. Si les hommes ne peuvent le percer à jour, Zadkiel et Meimas, un ange et un daimon (au sens platonicien et chrétien), peuvent se repasser sa vie. C'est donc ce qu'ils vont faire, en commentant de temps à autres les chemins pris par Francis.

Saraceni, Judith et Holopherne
Ils débutent l'histoire avec les parents et grands parents de Francis, à Blairlogie, une petite bourgade canadienne où Francis voit le jour après un grand frère idiot. Il s'intéresse très jeune à l'art et au dessin, sous l'influence de sa tante Mary-Ben, la seule à se soucier de lui et de son âme. Son père le souhaite protestant alors que les McRory, famille de sa mère, sont catholiques. Voilà déjà une des lignes de tension qui construit le jeune garçon. Toujours amoureux du dessin, il grandit, va à Oxford, se fait recruter, comme son père, par les services secrets. Il se fait avoir par la femme qu'il aime avant de s'engager plus avant dans le monde de l'art, sous la tutelle de Saraceni, un grand restaurateur de tableaux de maîtres anciens. C'est là qu'il découvre véritablement sa voie, jusqu'à devenir l'expert et le collectionneur que connaissent ses amis et héritiers. 

Biographie d'un héros rarement sympathique mais intéressant, le roman est assez bavard, touche à l'astrologie, aux symboles artistiques et aux questions religieuses, ce qui lui donne à la fois un fond assez profond mais aussi pas mal de lourdeur. Je regrette aussi que l'ange et le démon ne soient que des commentateurs, avec humour certes, de la vie de Francis. C'est donc un roman du canadien Robertson Davies que j'ai apprécié mais dont je ne retiendrai pas grand chose. 

lundi 11 janvier 2021

J'ai rêvé la révolution et Comédies tragiques

Deux pièces de théâtre de Catherine Anne, chacune intéressante et engagée dans son genre. L'une est plus féministe, l'autre plus sociale. Toutes deux parlent de droit et d'égalité. 

J'ai rêvé la révolution
Une femme, en prison, pendant la Révolution française. Elle semble être là par erreur. Avec le soldat et sa mère, parfois, elle discute mais ce n'est pas très autorisé. Elle écrit aussi. Certains tentent de la faire sortir de prison, mais elle a trop confiance en ceux qui vont la juger pour cautionner une fuite. Olympe de Gouges en prison, parlant d'amour, de mort, de gouvernement et de société...

Comédies tragiques
Dans un monde où la rentabilité est maître mot, des petites scènes viennent explorer la lutte des individus pour exister. Il y a ceux qui manifestent, ceux qui font la queue au Pole Emploi, ceux qui décident pour les autres, les machines qui remplacent mal les hommes, bref, plein de situations d'aujourd'hui et de demain, vues avec humour et lucidité. 



lundi 4 janvier 2021

Pastel

Joli roman que celui d'Olivier Bleys sur la couleur au XVe siècle ! Ce roman historique, découvert par hasard, m'a beaucoup plu par son style et sa langue, médiévaux et rythmés. 

Albigeois, 1423, Simon nait avec une tache rouge sur le visage. C'est un signe du destin pour ce fils de teinturier qui ne jure que par la pourpre, l'écarlate, la garance, le coquelicot... Il est formé à l'art de teindre par Lucas, son père, plein d'orgueil et de principes. Leurs rouges sont recherchés mais le jeune homme a besoin de reconnaissance, il veut sa propre affaire. 

Lorsqu'il croise Fressard, il s'engage dans un drôle de contrat. Le voilà dédié au bleu. Cela vous parait dérisoire ? ça ne l'est pas. Simon est chassé de chez les siens. A cause d'une histoire de couleur mais aussi d'une histoire d'amour ancienne, entre l'épouse de Fressard et son père. Il s'adonne au bleu, cherchant sans cesse à le perfectionner, pour atteindre le bleu du manteau de la Vierge. Cela devient son unique quête. Et pourtant, le monde continue de bouger autour de lui. Une femme le visite souvent, Fressard s'enrichit, le rouge baisse et Lucas est en prison... Les aventures ne manquent pas mais Simon n'en est souvent que spectateur. 

Un roman historique sympathique, que j'aurais aimé plus détaillé sur les techniques de la couleur justement, les pigments, les bains, les durées.