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lundi 22 février 2021

Poésie guarani

C'est souvent à l'occasion de challenge que je redécouvre des trésors dans ma bibliothèque ! Voici un ouvrage de poésie trilingue (guarani, espagnol et français) de Ruben Bareiro Saguier et Carlos Villagra Marsal acheté et feuilleté avant d'aller vivre au Paraguay. J'imaginais m'entrainer au guarani avec ce livre... Autant dire que j'ai appris par d'autres moyens ! Mais que j'ai retrouvé avec joie des sonorités, des mots, en espagnol et guarani, à l'occasion de cette lecture. 

Après une introduction historique et culturelle (le lecteur français connait souvent mal le Paraguay et la culture guarani), l'ouvrage propose une sélection de poésies, d'abord autour d'une genèse mythologique, un récit de la création de Ñamandu, l'être divin et ses œuvres ; puis, des poésies populaires et des poésies lettrées des XIX et XXe siècles. Elles parlent de la nature, de l'amour, de la patrie mais aussi du quotidien du paysan et de sa pauvreté. 
En voici quelques extraits (en guarani voire jopara ou français).


Ferrocarril / En chemin de fer :
che gataha / je voyage

Paraguari / A Paraguari :
che vy'aha / mes plaisirs

Paraguay / Asuncion
che perdicion / ma perdition

Galopapu / La galopa (une danse):
che diversion / mon passe-temps

Cerro Leon :
che campamento / mon campement

Los veinticuatro / les Vingt-Quatre :
che batallon / mon bataillon

Ha upeva ku / voilà tout :
che elemento / mon élément

Cada mes / Et chaque mois :
che pagamento / ma récompense

Tetâ Rayhu / Exil - Rudy Torga
Bienheureux celui
qui n'a pas connu 
l'exil, et repose
au sein de sa terre.

Voyageurs perdus
en terre étrangère,
ni la nuit ni le jour
ne connaissent le repos.

Seul nous ranime parfois 
le souvenir de notre terre : 
sa sève soudain monte en nous
comme un chant d'oiseau

Au cœur de la nuit
l'angoisse chasse le sommeil,
et le jour, le souvenir
en étreint notre gorge.

Notre amour
pour cette terre
est si profond

qu'à sa source
prend naissance
notre souffle.

Au détour d'un rêve,
soudain je retrouve
les jeux et les rires
de mes compagnons.

Au matin, le chagrin
sur mon oreiller
a creusé son nid
humide de regrets.

Tereho Mboriahu / Va-t'en pauvreté - Ramon Silva
Allons, laisse moi. 
Va-t'en, caillou de mon chemin.
Libère mon bras, épine du roncier.
Sors de mes entrailles, instrument de Satan.
Va-t'en, laisse moi.
Va-t'en, pauvreté.
Va-t'en.
Va-t'en.

Laisse-moi à présent,
Laisse-moi, te dis-je.
Tu lèches ma peau et elle s'ulcère. 
Tu sautes sur mon front et m'arraches les cheveux.
Tu pèses sur mon ventre de ton poids de pierre.
Tu fermentes dans mon sang et uses mes forces.
Comme le feu tu consumes mes os.
Retire-toi, avant que n'en restent que cendres.
Va-t'en, pauvreté.
De ces parages va-t'en, va-t'en.

Cesse de me faire trébucher.
Cesse de jouer avec ma vie.
Cesse de te pendre à mon bras.
Cesse de creuser comme un termite dans ma tête. 
Assez.
Assez. 
J'en ai assez de toi, pauvreté. 
Va-t'en, pauvreté, va-t'en.
Déjà fleurit sur mon front ma sueur d'homme.
Va-t'en, lâche-moi.
Va-t'en, pauvreté.
Va-t'en.
Va-t'en.



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