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jeudi 30 décembre 2021

Dickinson, poèmes choisis

511

If you were coming in the Fall,

I'd brush the Summer by

With half a smile, and half a spurn,

As Housewives do,  a Fly.

 

If I could see you in a year,

I'd wind the months in balls -

And put them each in separate Drawers,

For fear the numbers fuse -

 

If only Centuries, delayed,

I'd count them on my Hand,

Subtracting, till my fingers dropped

Into Van Dieman's Land.

 

If certain, when this life was out -

That yours and mine, should be -

I'd toss it yonder, like a Rind,

And take Eternity -

 

But, now, uncertain of the length

Of this, that is between,

It goads me, like the Goblin Bee -

That will not state - its sting.

 

561

I measure every Grief I meet

With narrow, probing, Eyes -

I wonder if It weighs like Mine -

Or has an Easier size.

 

I wonder if They bore it long -

Or did it just begin -

I could not tell the Date of Mine -

It feels so old a pain -

 

I wonder if it hurts to live -

And if They have to try -

And whether - could They choose between -

It would not be - to die -

 

I note that Some - gone patient long -

At length, renew their smile -

An imitation of a Light

That has so little Oil -

 

I wonder if when Years have piled -

Some Thousands - on the Harm -

That hurt them early - such a lapse

Could give them any Balm -

 

Or would they go on aching still

Through Centuries of Nerve -

Enlightened to a larger Pain -

In Contrast with the Love -

 

The Grieved - are many - I am told -

There is the various Cause -

Death - is but one - and comes but once -

And only nails the eyes -

 

There's Grief of Want - and Grief of Cold -

A sort they call "Despair" -

There's Banishment from native Eyes -

In sight of Native Air -

 

And though I may not guess the kind -

Correctly - yet to me

A piercing Comfort it affords

In passing Calvary -

 

To note the fashions - of the Cross -

And how they're mostly worn -

Still fascinated to presume

That Some - are like My Own -

 

579

I had been hungry, all the Years -

My Noon had Come - to dine -

I trembling drew the Table near -

And touched the Curious Wine -

 

'Twas this on Tables I had seen -

When turning, hungry, Home

I looked in Windows, for the Wealth

I could not hope - for Mine -

 

I did not know the ample Bread -

'Twas so unlike the Crumb

The Birds and I, had often shared

In Nature's - Dining Room -

 

The Plenty hurt me - 'twas so new -

Myself felt ill - and odd -

As Berry - of a Mountain Bush -

Transplanted - to a Road -

 

Nor was I hungry - so I found

That Hunger - was a way

Of Persons outside Windows -

The Entering - takes away -

 

580

I gave myself to Him -

And took Himself, for Pay,

The solemn contract of a Life

Was ratified, this way -

 

The Wealth might disappoint -

Myself a poorer prove

Than this great Purchaser suspect,

The Daily Own - of Love

 

Depreciate the Vision -

But till the Merchant buy -

Still Fable - in the Isles of Spice -

The subtle Cargoes - lie -

 

At least - 'tis Mutual - Risk -

Some - found it - Mutual Gain -

Sweet Debt of Life - Each Night to owe -

Insolvent - every Noon –

 

609

I - Years had been - from Home -

And now - before the Door -

I dared not enter - lest a face

I never saw before

 

Stare vacant into mine -

And ask my Business there -

My Business - just a Life I left -

Was such – still dwelling  there?

 

I fumbled at my nerve –

I scanned the Windows o’er -

The Silence - like an Ocean rolled -

And broke against my Ear -

 

I laughed a Wooden Laugh

That I - could fear a Door -

Who Danger – and the Dead – had faced -

And never shook - before.

 

I fitted to the Latch - my Hand

With trembling care -

Lest back the Awful Door should spring -

And leave me - in the Floor --

 

Then moved my fingers off, as cautiously as Glass -

And held my Ears - and like a Thief

Stole - gasping - from the House.

 

610

You'll find - it when you try to die -

The Easier to let go -

For recollecting such as went -

You could not spare - you know.

 

And though their places somewhat filled -

As did their Marble names

With Moss - they never grew so full -

You chose the newer names -

 

And when this World - sets further back -

As Dying - say it does -

The former love - distincter grows -

And supersedes the fresh -

 

And Thought of them - so fair invites -

It looks too tawdry Grace

To stay behind - with just the Toys

We bought - to ease their place -

 

613

They shut me up in Prose -

As when a little Girl

They put me in the Closet -

Because they liked me "still" -

 

Still! Could themself have peeped -

And seen my Brain - go round -

They might as wise have lodged a Bird

For Treason - in the Pound –

 

Himself has but to will

And easy as a Star

Abolish his Captivity -

And laugh - No more have I -

 


669

No Romance sold unto

Could so enthrall a Man -

As the perusal of

His Individual One -

'Tis Fiction's – to dilute plausibility

Our – Novel - When 'tis small eno’

To Credit - 'Tisn’t true -


lundi 27 décembre 2021

Les contes de l'Alhambra

J'ai noté ce titre de Washington Irving lorsque j'ai visité ce magnifique monument de Grenade. Croisé au hasard d'une boite à livre (eh oui, parfois il y a des petits trésors là-dedans), je l'ai finalement lu récemment. Notre auteur, américain, se met en scène lors d'un voyage en Espagne. Il vantera fortement le caractère des espagnols, fiers, honnêtes, un peu rustres, et de la terre qui les porte. A mesure de son récit de voyage et de son installation dans l'Alhambra - on peut faire ça au XIXe, c'est dingue, non ?-, il collecte des contes. Ceux-ci se passent souvent à l'époque médiévale, sous le règne des Maures ou à la Reconquista. Il est question de trésor, de fantômes, de femmes... C'est charmant !



mercredi 22 décembre 2021

La ballade du calame

Jolie découverte que cette œuvre d’Atiq Rahimi que je lis pour la première fois. J’ai un magnifique souvenir de Syngue Sabour, le film qui a été tiré de son livre. Encore une histoire d’exil, avec un afghan, c’est un peu monomaniaque ce blog ! Eh bien, pas vraiment. Car l’exil, même s’il en est question, n’est pas au centre de l’ouvrage. Ce sont plutôt des digressions poétiques sur l’écriture, la callimorphie (un art de l’encre, des lettres et des formes féminines – mais pas que), l’enfance, la spiritualité, l’exil enfin.

Ne cherchez pas un témoignage dans ce livre, vous aurez plutôt des morceaux de vie et beaucoup de pensées.

« Mon pays a sombré dans la terreur de la guerre, dans l'obscurantisme, et, là-bas j'ai perdu les clefs de mes songes, de ma liberté, de mon identité… Aussi l'ai-je quitté en espérant retrouver mes clefs là où il y a de la lumière, de la liberté, de la dignité… tout en sachant que je ne les retrouverai jamais. Toute création en exil est la recherche permanente de ces clefs perdues »
« On me demande souvent si je me sens plutôt afghan ou français.

- Afghan quand je suis en France, français quand je suis en Afghanistan.

Je suis donc toujours ailleurs.

Ailleurs, c'est l'espace de mon errance.

Là où se perd mon corps : Je suis là où je ne suis pas.

Là où s'évadent mes souvenirs, mes rêves, mon désir…

[…]

« Ailleurs je n'arrive pas à le définir.

Il est indéfinissable.

Il n'est ni là où je suis,

ni là d’où je viens,

ni là où je vais.

Cet endroit refuse d'être désigné, nommé.

Ailleurs est le vrai sens de l'exil »

lundi 20 décembre 2021

Extérieur monde

Je ne sais pas trop quoi vous dire de ce roman d'Olivier Rolin, offert par une collègue. Si j'ai apprécié quelques passages, je me suis globalement ennuyée. L'écriture est souvent belle, c'est elle qui m'a permis d'arriver au bout de la lecture.

Il ne s'agit pas de mémoires et pourtant ça y ressemble furieusement. L'auteur reprend ses carnets de notes, se souvient de voyages, de femmes, d'aventures dans divers pays du monde. Il parle aussi d'artistes, de littérature, de ses propres livres. Pas de pitch à vous livrer, ça part dans tous les sens, à l'image de cette citation :

"(puisque nous en étions là avant ces digressions qui seront je le pressens la matière même du livre, comme la liberté anarchique, rayonnante des branches, des rameaux, des feuilles, est l'être des arbres, et j'aime concevoir un livre comme un arbre, cette comparaison venant peut-être de Flaubert qui voulait "que les phrases s'agitent dans un livre comme les feuilles dans une forêt, toutes dissemblables en leur ressemblance")


vendredi 17 décembre 2021

Profanes

Voilà un très joli roman de Jeanne Benameur ! Je crois que c'est celui que j'ai préféré jusqu'à présent. 

Octave Lassalle rassemble quatre personnes autour de lui, quatre personnes pour l'accompagner dans chaque journée. Il a 90 ans, il est retraité de son métier de chirurgien depuis longtemps, il a perdu sa fille et sa femme l'a quitté. Et pourtant, toutes deux habitent encore un peu cette grande maison. Alors pour ses dernières années, il réunit Hélène, une artiste, à qui il demande un portrait ; Béatrice, qui s'occupe des nuits en même temps qu'elle étudie ; Marc, qui jardine et partage les matins et Yolande, qui fera la cuisine. Chacun a sa clé, ses horaires et sa chambre - au cas où. Ils sont amenés à se croiser, mais fort peu. C'est Octave qui mène la danse. Et à son contact, pour chacun, d'étranges histoires remontent à la surface de leurs consciences. Des histoires de guerre en Afrique, des histoires de frère mort, des histoires d'amour, de pauvreté, de gène ou de liberté. Chacun apprend, se découvre ou se redécouvre. Octave aussi change, sa petite Claire est plus présente et les circonstances de sa mort, les pauvres souvenirs s'éveillent à nouveau. Tout ce qui était mort ou caché tend à se montrer, petit à petit. Tout s'ouvre, ça communique, c'est intime, infime et c'est pourtant là.

 
Que c'est beau cette écriture, cette narration fine, en ellipses.

 

"Dans le fond, il faudrait toujours acheter les journaux en retard, comme ça on se sentirait à l'abri des choses et on regarderait les "nouvelles" tranquillement même quand c'était des catastrophes"


"Il ouvre les yeux. Les étoiles au-dessus de sa tête sont mortes depuis longtemps. Pourtant, la beauté est là. Quand même. Bien sûr il y a un phénomène physique et des calculs précis qui permettent de savoir exactement comment la lumière se propage dans l'espace. Mais la beauté ? Ce que provoque en lui ce scintillement-là dans tout le noir, quel chiffre peut le mesurer ?"

 
"Il dit que la poésie aide au vif de la vie. Que les mots gardent vivant même quand on croit qu'on est déjà mort"

"Il se dit qu'œuvrer sauve de tout. Se concentrer totalement. Evacuer de sa tête de son cœur tout ce qui gène. Etre entièrement à ce qu'on fait. Et c'est tout. La belle expression. Oui, c'est vraiment "tout". Alors quelque chose s'ouvre. Une joie dans cette solitude. Et c'est ça qu'il a connu : cette joie-là, à nulle autre pareille, profonde, indicible [...] Les miracles prennent leur source dans la capacité à être totalement présent, il en est sûr"


"Quand je n'ai plus de refuge, je vais dans les mots. J'ai toujours trouvé un abri, là. Un abri creusé par d'autres, que je ne connaitrai jamais et qui ont œuvré pour d'autres qu'ils ne connaitront jamais. C'est rassurant, de penser ça"


"Ces moments ont existé. Ce bonheur qui a été vécu, rien ne peut faire qu'il ne l'ait pas été. Même la mort. La mort ne balaie rien. Le chagrin peut tout brouiller. Un temps. Comme à chaque fois que l'on est séparé de ceux qu'on aime. On se dit que plus jamais. Eh bien plus jamais, d'accord. N'empêche que ce qui a été est. A l'intérieur. Pour toujours"


"Est-ce qu’on peut perdre la faculté d’aimer tout près de soi ? Est-ce que pour faire son métier comme il le faisait, il fallait forcément que sa capacité d’amour se diffracte ? Est-ce que c’était pareil pour ceux que la fameuse foi en dieu faisait entrer en vocation ? Où loger ensuite l’amour des siens ? Comment réduire l’amour à une compagne, à une famille ? Sa famille, la vraie, c'était tous ceux qui se présentaient devant lui, ceux à qui il avait juré de porter assistance, quoi qu'il en coute"



lundi 13 décembre 2021

Le cœur de l'homme

Je clôture avec ce titre ma lecture de la trilogie de Jon Kalman Stefansson. A la fin du tome précédent, j'étais persuadée que l'aventure était finie, qu'il n'y avait que deux tomes, que je n'entendrais plus parler du "gamin". Alors imaginez ma joie de découvrir que j'allais de nouveau suivre ce personnage.

Jens et le gamin, rescapés de la tempête, se réveillent dans la belle demeure d'un médecin. C'est là qu'ils rencontrent Alfheidur, une beauté aux cheveux roux et aux yeux verts qui ne cessera d'habiter l'esprit du gamin. Remis de leur périple, ils regagnent le village. La vie semble reprendre tranquillement sauf que des lettres sont parties, ont été lues, ont changé des vies. Une femme a quitté son mari. Une autre croit qu'on se moque d'elle. Les mots du gamin ont un pouvoir qu'il découvre aux dépens des personnes. Rien n'a changé, tout a changé. Et Geirprudur, la riche et libre veuve qui accueille le gamin va aussi devoir faire des choix, coincée par les hommes riches du village.

Un troisième tome centré sur le village, sur les interactions entre les habitants, sur les différences sociales, donc différent des précédents qui étaient plutôt des quêtes et des voyages. Il est tout aussi riche et plaisant à lire, l'écriture, toujours aussi belle, et la force des mots toujours au centre de l'ouvrage. Un régal !

"Les besoins de l'homme ne sont pas légion : il lui faut aimer, se réjouir, manger, puis un jour il meurt. Pourtant, plus de six mille langues sont parlées à travers le monde, pourquoi doivent-elles être si nombreuses si c'est pour exprimer d'aussi simples désirs ? [...] Une caresse, un frôlement peuvent en dire plus que tous les mots du monde, c'est vrai, mais la caresse s'estompe au fil des ans et alors nous avons a nouveau besoin des mots, ils sont nos armes contre le temps, la mort, l'oubli, le malheur."

"On ne saurait vivre pour la seule raison qu'on n'est pas mort, ce serait une trahison. Il faut vivre comme une étoile qui scintille"


vendredi 10 décembre 2021

A suivre...

Cet ouvrage est celui d'une expérience photographique, artistique et littéraire de Sophie Calle. Dans Leviathan de Paul Auster, l'écrivain imagine le personnage de Maria, inspiré de Sophie. L'artiste décide alors de suivre les rituels du personnage et de vivre certains passage du livre. Un projet à la fois fou et simple : après tout, il n'y a qu'à suivre les indications. Dans la réalité, qu'est-ce que ça donne ?

Un livre en trois partis dont le point commun est la filature. Dans Préambule, on entre dans le carnet de Sophie via des photos de celui-ci. Ce carnet contient des textes datés, décrivant les filatures effectuées et les photos des personnes suivies. Dans la Suite vénitienne, Sophie décide de suivre Henri B. dont elle sait qu'il va passer du temps à Venise. Elle met d'abord un certain temps à le retrouver puis réussit à le suivre régulièrement avant de se faire reconnaitre. Dans La filature, c'est elle-même qui est suivie et qui débusque régulièrement le détective engagé. 

Une expérience étonnante, un peu malsaine, qui interroge sur la liberté.



lundi 6 décembre 2021

Brèves de solitude

Un peu déçue par ce roman de Sylvie Germain, mon billet sera court. 

A travers de multiples personnages présents dans un square peu avant le confinement, puis retrouvé chez eux pendant le confinement, l'auteur nous livre des bribes de vies, d'émotions. Il y a quelques interactions, des ruptures, des rapprochements mais finalement rien qui permette d'être avec les personnages. S'il fallait montrer la solitude et l'insaisissable de chacun, c'est gagné. Mais tout m'a paru bien moins profond et plus artificiel que ce à quoi nous a habitué l'auteure.



lundi 29 novembre 2021

Le bureau des jardins et des étangs

C'est une copine qui m'avait offert ce roman de Didier Decoin qui se passe dans le Japon du XIIe siècle. J'ai passé un bon moment de lecture même si le roman historique n'est pas mon genre favori.  


Katsuro, pêcheur de carpe et fournisseur du bureau des jardins et des étangs, vient de mourir. Sa veuve, Miyuki, est chargée par le village d'assurer la livraison des précieux poissons à la cité impériale de Heian-kyō. Chargée de 8 carpes, elle entreprend le voyage, toute à sa stupéfaction devant la mort d'un mari aimé. C'est l'occasion de se remémorer les bons moments avec le défunt, notamment ses "fiançailles" ou ses intrusions nocturnes, ainsi que les moments du quotidien. Pourtant, le voyage est loin d'être paisible et l'arrivée à la capitale réserve à la jeune paysanne quelques surprises avec un concours de senteurs, le takimono awase. 

Un roman agréable, bien écrit, bien mené mais qui ne m'a pas beaucoup touchée.



lundi 22 novembre 2021

Le roman de Venise

Voici un vieux de la vieille de la PAL ! Les échanges de George Sand et Alfred de Musset attendaient patiemment que je daigne les ouvrir. Lecture lente de mon côté, entrecoupée d'autres découvertes, je viens de refermer les dernières pages de cette saga des sentiments. Vous connaissez l'histoire j'imagine : George aime Musset, ils partent en voyage à Venise, il tombe malade et elle tombe amoureuse du médecin, retour à Paris et petit jeu entre les deux amants façon je te suis - tu me fuis. 

L'ouvrage édité par Babel rassemble à la fois les lettres des amants mais aussi quelques lettres avec leurs proches (Sainte-Beuve, Buloz, Pagello...), des extraits de journaux, de correspondance de l'époque qui s'intéresse à la vie des deux amants. Il propose des courriers de 1830 à 1844. Il ne s'agit pas de la correspondance exhaustive des deux amants mais d'une large sélection, avec quelques dessins - au début - et beaucoup de notes pour identifier les personnes concernées ou les événements. Outre l'histoire d'amour des amants, on y voit leurs soucis et préoccupations du quotidien - l'argent, les enfants, les écrits pour George... et la mère de Musset !

Un ouvrage plus exigeant mais aussi plus riche que je ne l'imaginais.

"Quand j'étais son esclave, il m'aimait faiblement ; à présent que je rentre dans les droits de ma raison, son orgueil blessé s'attache à moi et me poursuit comme une conquête difficile..."

"Tu n'es pas de ceux qu'une fatigue vaine doit décourager ni qu'une chute peut briser. Tu n'es pas destiné à ramper sur la boue de la réalité. Tu es fait pour créer ta réalité toi-même dans un monde plus élevé, et pour trouver tes joies dans le plus noble exercice des facultés de ton âme. Va, espère, et que ta vie soit un poème aussi beau que ceux qu'a rêvés ton intelligence"

"Ecoute, écoute, George, si tu as du cœur, rencontrons nous quelque part, chez moi, chez toi, au Jardin des Plantes, au cimetière, au tombeau de mon père (c'est là que je voulais te dire adieu). Ouvre ton cœur, sans arrière-pensée, écoute-moi te jurer de mourir avec ton amour dans le cœur ; un dernier baiser et adieu !"

"Je suis perdu, vois-tu, je suis noyé, inondé d'amour ; je ne sais plus si je vis, si je mange, si je marche, si je respire, si je parle ; je sais que j'aime. Ah ! si tu as eu toute ta vie une soif de bonheur inextinguible, si c'est un bonheur d'être aimée, si tu ne l'as jamais demandé au ciel, oh toi, ma vie, mon bien, ma bien-aimée ! regarde le soleil, les fleurs, la verdure, le monde ! Tu es aimée, dis-toi, cela autant que Dieu peut être aimé par ses lévites, par ses amants, par ses martyrs, je t'aime, ô ma chair et mon sang ! je meurs d'amour, d'un amour sans fin, sans nom, insensé, désespéré, perdu, tu es aimée, adorée, idolâtrée jusqu'à en mourir ! Et non ! je ne guérirai pas. Et non, je n'essayerai pas de vivre ; et j'aime mieux cela, et mourir en t'aimant vaut mieux que de vivre. Je me soucie bien de ce qu'ils en diront. Ils disent que tu as un autre amant. Je le sais bien, j'en meurs. Mais j'aime, j'aime, j'aime. Qu'ils m'empêchent d'aimer !"

"Hélas me voici lâche et flasque comme une corde brisée, me voici par terre, me roulant avec mon amour désolé comme avec un cadavre, et je souffre tant que je ne peux pas me relever pour l’enterrer ou pour le rappeler à la vie."

"je n'ai pas le courage de rester avec celui que je devrais aimer, et je l'aimerai toujours trop, pour jamais offrir de garantie certaine à un autre, contre lui. Je vais donc travailler à tuer l'amour en moi."

jeudi 18 novembre 2021

Le sens des limites

Voici un bel essai de Roger-Pol Droit et Monique Atlan ! Facile à lire, intelligent, il invite à la nuance et à la juste définition des limites. Un joli moyen de réfléchir en cette année électorale.  

La limite, entre son effacement et son affirmation, deux clans se font face. Et pourtant, la science des limites n'est pas exacte si elle est lue comme un camp contre un autre, comme quelque chose de figer, à détruire ou à renforcer. Face aux dialogues de sourds qui agitent notre société, le philosophe et la journaliste cherchent d'autres chemins.

La première partie décrit les deux courants, celui de l'effacement des limites dans un grand tout indistinct et du durcissement intransigeant. Homo illimitatus contre homo limitans. Alors, pour mieux comprendre ce qu'est la limite, on fait un peu d'étymologie et d'histoire. On découvre la proximité entre limite et passage. On s'aperçoit que les bornes peuvent être déplacées, à mesure qu'un cadastre ou que les connaissances changent. Et les limites franchies, c'est aussi le progrès. Mais la fin des limites, c'est aussi l'impensable, l'innommable. De l'Antiquité à nos jours, de la limite sociale à la limite morale, avec le basculement des temps modernes, c'est une rapide histoire des limites qui est dressée. Un temps particulier est pris sur l'ère de l'effacement, dû à un excès ou à un manque de désir, selon les hypothèses des auteurs. Après cet état des lieux, 10 variations sur les limites proposent une autre voie que l'affrontement binaire.

- La limite sépare et unit

"Exister, parler, connaitre, juger supposent toujours de séparer, de sortir de l'indéterminé, du brouillard de la confusion, du magma des éléments mêlés"

"Il faut, pour maintenir le droit à l'exception, à la singularité, donc à l'altérité, repartir de la séparation en tant que fondement et principe"

- La limite permet la pensée

"Socrate, parmi les premiers, a fait de la "coupure en deux", la dichotomie, un usage méthodique [...] l'instauration d'une suite de limites lui sert d'instrument central pour avancer, jusqu'à la spécification ultime"

"C'est ce qu'on peut dire qui délimite et organise ce qu'on peut penser"

- Toute limite est "limite de"

"Au premier regard, plus s'amplifie notre savoir, plus diminue notre ignorance [...] Cette évidence masque pourtant une autre proposition, un autre mouvement de la limite selon lequel plus le savoir s'accroit, plus l'ignorance augmente [...] Cette fois, ce n'est pas l'absence de toute connaissance, mais la prise de conscience toujours plus aigue des lacunes qui émerge de l'avancée du savoir elle-même"

- La limite n'est pas une ligne mais un espace

- La limite est un filtre

- La limite est à la fois déterminée et indéterminée

La limite comme "interface, où la possibilité de faire sens se joue en permanence, avec comme dans tout jeu, insuffisamment pris en compte, une part irréductible d'indéterminé" 

- La limite est dans le temps, continue et discontinue

Elle est temporelle, pas éternelle, et déplacer les limites doit être pensé dans le temps, graduellement.

- La limite est négociation

Elle est définie par les parties en présence.

- La limite interdit et protège

Pour une structuration et une organisation commune du monde.

- La limite est un horizon, elle inclut l'infini

"L'horizon "en nous" devient ainsi figure de la limite qui ferme et ouvre l'espace et le regard, sépare et réunit terre et ciel, fini et infini"

Un très bel essai, qui donne à penser !


"Les limites agacent et rassurent, protègent et inquiètent. Elles remplissent des fonctions opposées, suscitent des sentiments contraires. Mais jamais l'indifférence ou l'unanimisme"

"Dans la violence de l'hubris, figure souvent une part d'humiliation de l'autre, un mépris envers une victime [...] la démesure multiforme de l'hubris débouche donc constamment sur la négation de l'existence des autres. La limite constituée par leur présence, leur corps, leurs droits est annulée"

"L'idée de progrès suppose un avenir ouvert, indéfini, à construire. Cette notion implique à son tour une échelle de valeurs, des critères de jugement. Le progrès représente toujours un "mieux" dans le temps, une amélioration considérée comme telle en fonction d'une certaine conception de ce qui est souhaitable et désirable : santé, sécurité, prospérité, paix, etc."

"Ce qui relie profondément dépassement moderne et individualisme, c'est l'idée que chacun décide souverainement des limites, de celles qu'il accepte ou refuse, de celles qu'il surmonte ou transgresse. Seul juge, et seul responsable [...] Il est donc indispensable que les individus s'accordent pour créer une autorité et une force publique assurant la sécurité des personnes et des biens"

"La limite n'est pas un lieu où l'on demeure. On peut le traverser, se tenir sur ses bords, mais pas s'y installer. C'et un espace de transition, un no man's land où s'élaborent, se mettent en mouvement, se travaillent et se transforment idées, jugements, valeurs, interdits ou protections"

"La condition d'existence de l'autre est d'être distinct de moi (et réciproquement : je n'existe qu'à la condition d'être distinct de l'autre). La limite qui nous disjoint rend possible de nous rejoindre"

lundi 15 novembre 2021

Mille soleils splendides

Encore une sortie de PAL pour ce roman de Khaled Hosseini qui se passe en Afghanistan et retrace le quotidien de deux femmes. Un roman prenant et malheureusement toujours assez actuel !


C'est d'abord Mariam que le lecteur rencontre. Mariam est une "enfant naturel" comme on dit ou une "harami", fille d'un riche propriétaire de cinéma et d'une employée. Elevée sur une colline à l'écart de la ville par sa mère, visitée chaque semaine par son père, sa vie bascule le jour où elle décide d'aller lui rendre visite en ville. A son retour, tout aura changé et la voilà forcée à épouser à 15 ans un riche kaboulite. Elle quitte donc Herat avec Rachid, un veuf plus âgé qu'elle, qui la brusque et la bat. 

On rencontre ensuite Laila, une jolie enfant, qui grandit auprès d'un père lettré et d'une mère dévastée par la perte de ses fils, morts dans les combats contre les Russes. Après un bombardement, elle est recueillie par Rachid qui en fait sa seconde épouse. 

Une belle histoire de femmes et d'amitié, qui montre bien la variété des régimes en Afghanistan et leur influence sur la vie quotidienne. Une histoire aussi de la violence et de la place des femmes dans cette société.

jeudi 11 novembre 2021

La tristesse des anges

C'est la suite du roman Entre ciel et terre de Jon Kalman Stefansson.
Le gamin est toujours accueilli par Helga dans le bar où il a trouvé refuge et rendu le livre. Il apprend à lire à voix haute, à traduire de l'anglais pour occuper les soirées du capitaine aveugle. Un soir, le postier débarque et termine sa tournée chez eux, collé à son cheval par le givre. Avant de repartir dans une autre direction, remplaçant un collègue malade, Helga lui confie le gamin. Bon marin, il saura rassurer le postier sur les fjords et la mer qu'il doit traverser et qui lui font si peur. C'est donc ce voyage, sous la neige et les tempêtes que nous conte cet opus. 

Voyage dans l'adversité, voyage dans l'intimité de chaque personnage, et découverte de l'accueil inconditionnel des paysans, des gagne-petit, des habitants de cette Islande si rude et dangereuse.

"Mais le sommeil fuit les défunts. Lorsque nous fermons nos yeux fixes, ce sont les souvenirs qui nous sollicitent à sa place. Ils arrivent d'abord isolés, parfois d'une beauté argentée, mais ne tardent pas à se muer en une averse de neige étouffante et sombre"
"L'homme doit toujours longuement souffler sur les braises afin que le feu ne meure pas, quel que soit le nom qu'on lui donne : vie, amour, idéal, il n'y a que l'étincelle du désir qui s'éveille d'elle-même"
"Il ne baigne pas dans la mort bleuté de l'océan, mais dans la clarté bénie du ciel, eh oui, il est parfois difficile de discerner l'un de l'autre. Ainsi en est il : l'espace qui sépare la vie de la mort est si réduit qu'il tient en un seul mot. Voilà pourquoi il convient toujours de s'armer de précautions avec eux - il en est au moins un qui porte en lui la mort"
"La vache beugle, pas très fort mais longuement, où es tu, lumière ? s'enquiert elle encore. Il n'y a pas de place pour beaucoup de pensées dans la tête d'une vache, tout juste quelques phrases répétées inlassablement, mais qui interrogent sur l'essentiel, leur voisinage est en général apaisant, la routine les rend heureuses et le bonheur est ce trésor que les hommes passent leur temps à chercher."
"Parfois on voit la vie que lorsqu'on a le nez dessus, voilà pourquoi nous devrions nous garder de jamais juger les choses de trop loin"
"Il reste allongé pendant que les rêves s'évaporent de sa conscience et s'élèvent vers le ciel où les anges les lisent, espérons qu'ils ne le font qu'afin de se distraire et ne les consignent pas pour lui en donner lecture le jour suprême, ce qui en fâcherait plus d'un"
"Un livre... dont les mots ne restent pas immobiles sur la page, mais qui s'envolent et nous donnent des ailes, même s'il nous manque l'air pour voler"

lundi 8 novembre 2021

Le bal des folles

Ce roman de Victoria Mas a pas mal tourné sur les blogs. Je ne sors pas mécontente de ma lecture mais pas emballée non plus. Le sujet est intéressant, mais finalement assez peu creusé.
C'est un roman féminin, qui tourne autour de plusieurs personnages : Eugenie, une jeune bourgeoise qui voit les morts ; Geneviève, une infirmière de la Salpetrière ; Louise, une adolescente abusée par son oncle. Dans un XIXe siècle à peine évoqué sinon par des références à Zola, on suit le quotidien de l'hôpital psychiatrique et de ses patientes. Sont-elles là pour être soignées ? Pas réellement, dans ce que nous montre l'auteure, elles sont plutôt destinées à faire progresser la science ! Pas de souci pour les soumettre à des expériences et les exhiber.
Avec l'arrivée d'Eugenie, Geneviève, la rigide infirmière change. C'est ce changement sur quelques semaines que nous suivons. On croise Charcot en coup de vent - et on ne l'apprécie pas. Tout reste très féminin et intime, les hommes étant présents pour toutes les décisions et activités sociales.

Roman intéressant pour son contexte mais léger en termes de ressorts narratifs et d'exploration de ce milieu. Dommage.



lundi 1 novembre 2021

Léon l'africain

Cet ouvrage d'Amin Maalouf est un roman historique s'attachant à la personne d'Hassan, un homme né à Grenade en 1488. Nous le suivons a posteriori à travers son autobiographie qui nous mène autour de la Méditerranée : Hassan fuyant l'Andalousie prise par les chrétiens avec ses parents, vivant au Maroc, ambassadeur et marchand jusqu'au Caire et Istanbul, prisonnier à Rome... 
Ce voyageur de commerce, fin politicien et poète, nous entraine dans les enjeux de la Renaissance entre Orient et Occident, entre papes, sultans ou empereurs. Bien sûr, on découvre également sa vie personnelle, ses divers mariages, avec des femmes des différents pays traversés. On découvre les histoires familiales, les questions d'honneur, d'argent, bref ce qui fait le quotidien d'une vie... surtout lorsque Hassan est encore enfant. Adulte, on est un peu moins informé de son sort que de celui du monde : guerres, pestes et autres catastrophes. 
Un joli roman historique, sympathique, qui rappelle que nous sommes de partout !



samedi 30 octobre 2021

Être un homme

J'avais un bon souvenir de Nicole Krauss, enfin du seul roman que j'ai pu lire d'elle. J'ai lu rapidement ces nouvelles et je n'en retiens pas grand chose. Au cœur de ces 10 nouvelles, la judéité et des questions existentielles des personnes. 

En Suisse : Une jeune iranienne, loin de sa famille, flirte avec des hommes plus âgés.

Zoucha sur le toit : Un vieil homme à l'hôpital disparait alors que son petit fils nait. 

Je dors mais mon cœur veille : Dans l'appartement de son père décédé, un homme s'installe comme chez lui.

La fin des temps : Ses parents divorcent, elle découvre l'amour.

Voir Ershadi : Un acteur apparait dans des endroits improbables. Et le souvenir du film où il jouait s'est transformé.

Urgences futures : Obligation d'acheter un masque à New York.

Amour : Histoire d'une belle aimée, retrouvée dans un camp à la veille de sa mort.

Au jardin : Avec un paysagiste, un jardin grandit.

Le mari : La mère de la narratrice se voit confier un homme que les services sociaux lui présentent comme son mari disparu. 

Être un homme : Une femme se remémore ses amours en regardant ses enfants.



jeudi 28 octobre 2021

Un afghan à Paris

J'étais heureuse de découvrir ce nouveau texte de Mahmud Nasimi ! Plus question de la route de l'exil dans ce texte mais des difficultés et des surprises d'une nouvelle culture. Par de courts chapitres, l'auteur nous confie ses aventures françaises. Il s'attaque d'abord à la langue, l'un des premiers moyens d'intégration dans un nouveau pays. La langue, elle passe pour lui par la littérature et les chansons : réfugié dans un cimetière, il en vient à s'intéresser aux morts illustres et à leurs textes.

Mais il est aussi question de liens, avec sa famille, notamment sa mère ; puis en France avec des voisins, avec des personnes qui l'ont accueilli, avec des compatriotes. 

C'est écrit joliment, poétiquement, une lecture agréable entre vers et prose !



lundi 25 octobre 2021

Expiration

Ce livre a rejoint ma bibliothèque à Noël et c'est finalement cet été que je l'ai ouvert. J'y ai cueilli, page après page, les fascinantes nouvelles de Ted Chiang. De longueur variable, chaque nouvelle est très léchée, souvent assez "scientifique". Au programme, la question du libre-arbitre. Moins d'enthousiasme du côté de l'écriture, passe-partout.


Le marchand et la porte de l'alchimiste : un conte, façon mille et une nuits, qui nous fait voyager dans le temps !

Expiration : découverte au scalpel des robots - et de la fin d'une espèce - voire d'un monde.

Ce qu'on attend de nous : ou pourquoi il faut croire au libre arbitre.

Le cycle de vie des objets logiciels : dans un monde virtuel, des mignons animaux de compagnie digitaux ont séduit des utilisateurs. A mesure qu'évoluent les technologies, seul un petit groupe conserve des liens avec leurs digimos. Petit souci : l'obsolescence. 

La nurse automatique brevetée de Dacey : une nurse mécanique fait-elle de bons humains ?

La vérité du fait, la vérité de l'émotion : et si toute notre vie était enregistrée, que deviendrait notre mémoire ?

Le grand silence : ou comment communiquer avec des intelligences moins extraterrestres que les extraterrestres.

Omphalos : sur l'origine du monde et la volonté divine, une petite histoire de créationnisme.

L'angoisse est le vertige de la liberté : dans des mondes parallèles, est-ce que nous faisons les mêmes choix ? Et tous les choix différents que font nos "parallêtre" font-ils de nous des personnes fondamentalement différentes ? 


Un recueil intéressant, surtout pour les questions philosophiques qu'il pose plus que pour les moyens qu'il propose pour les aborder. Il manque parfois un peu de chair pour s'attacher aux personnages ou aux mondes imaginés. 

jeudi 21 octobre 2021

Un jour viendra

Dommage, ce roman de Giulia Caminito m'a laissée de glace. Je n'avais jamais eu de mauvaise surprise avec Gallmeister, je crois que j'en resterai aux romans américains. 

Saga familiale en Italie, dans les Marches, à la fin du XIXe siècle. Dans une famille pauvre et crasseuse, où l'on respire de la farine à longueur de journée, deux frères n'ont rien en commun. Lupo et Nicola passent pourtant du temps ensemble, l'ainé protégeant le cadet, la brute empêchant le faible de faire quoi que ce soit qui le mette en danger. Autour d'eux, une famille décimée, un couvent, un village qui cache quelques secrets et des mouvements révolutionnaires. Lupo suit les traces de son grand-père dans l'agitation anarchique. Nicola se trouvera dans la Grande guerre. En parallèle, on suit les sœurs d'un couvent, surtout Clara, qui a été enlevée à son Soudan natal. 

Un roman à l'écriture poussive, des personnages qui m'ont laissée indifférente, je n'y reviendrai pas !

lundi 18 octobre 2021

L'intimité

J'étais à la fois très tentée et très méfiante par rapport à ce nouveau roman d'Alice Ferney. Méfiante parce que j'ai l'impression que ses romans se concentrent sur un micro milieu, des histoires de familles bourgeoises, toujours un peu les mêmes. Méfiante aussi par rapport au sujet de la sexualité, de la maternité, de l'éthique de la vie, qui sont souvent traités à l'emporte-pièce. Mais aussi tentée de savoir ce qu'elle voulait dire sur ce sujet, si elle pourrait m'y surprendre. Et ça a été le cas. Une lecture intéressante, donc !

Ce roman s'ouvre sur une scène de départ à la maternité. Ada va accoucher de son second enfant, conduite par Alexandre. Elle confie son fils Nicolas à Sandra, une voisine avec qui elle a sympathisé. Sandra a accepté par amitié mais n'aime pas spécialement les enfants et a choisi de ne pas être mère, ni même en couple. Elle préfère garder sa liberté et répondre à ses désirs sans s'engager. Elle découvre toutefois ce soir-là que tous les enfants ne se ressemblent pas et s'attache à Nicolas. Quant à l'accouchement, il s'avère plus compliqué que prévu et Ada ne reviendra pas de la maternité. Alexandre doit alors faire son deuil d'une femme qu'il a poussé à lui faire un enfant, voulant à tout prix être père. Il se console dans une amitié croissante avec Sandra. Et se lance sur des sites de rencontre où il croise Alba, une femme superbe (dans tous les sens du terme), aux idées bien arrêtées, qui souhaite être mère en étant no sex. On découvre avec elle le monde de la gestation pour autrui.

Un roman sur le désir et le pouvoir, le pouvoir d'imposer son désir ou non à l'autre, dans les relations amoureuses et amicales. Des personnages intéressants, notamment Sandra, qui cachent surtout des interrogations sur la vie de couple et la parentalité. Bémol quand même sur la fin, où Sandra semble aller contre ses valeurs - et Alexandre retomber dans le piège de la puissance.


samedi 16 octobre 2021

Marcher, une philosophie

Je retrouve dans cet ouvrage de Fréderic Gros des points similaire à celui de Solnit sur le même sujet : la marche. Il alterne temps sur des marcheurs comme Rimbaud, Kant, Thoreau, Rousseau, Gandhi ou Nerval avec des chapitres sur la promenade, le pèlerinage, mais aussi la solitude, le silence ou la pensée du marcheur. 

C'est avant tout un espace de liberté, une façon d'être en dehors d'un système lié au temps. Car la marche, elle se fiche de la vitesse. C'est l'espace qui compte. La marche rend l'homme à lui-même, à sa joie d'exister. Elle le libère du faire. 

"Thoreau a pu écrire dans sa correspondance : pour savoir ce qu'il faut faire, demande, à propos de l'action que tu te proposes, "Quelqu'un d'autre pourrait-il le faire à ma place ? " Si oui, abandonne-la, sauf si elle est absolument indispensable. Mais c'est qu'elle n'est pas prise dans la nécessité de la vie. Vivre, au plus profond, personne ne peut le faire à notre place. Pour le travail, on peut se faire remplacer, mais pas pour marcher"

Un livre agréable à parcourir, qui nous met en compagnie de marcheur poète, philosophes et politiques !



jeudi 14 octobre 2021

Mon mari

Maud Ventura propose un roman sympathique pour cette rentrée. Le plot, une femme mariée, toujours amoureuse comme au premier jour. 

On la suit toute une semaine, cette quarantenaire amoureuse. Elle est enseignante et traductrice, mère de deux enfants, très belle, synesthète, dans l'hyper-contrôle mais ce n'est pas vraiment ça qui compte ici. Ce qui compte, c'est l'amour qu'elle a pour son mari et que son mari a pour elle. Et rien ne lui échappe, le temps qu'il passe avec elle évidemment mais aussi le fait qu'il lui tienne ou non la main, qu'il la compare à une clémentine ou à une pêche, qu'il écoute ou chantonne des chansons françaises ou brésiliennes... Elle met son couple au centre de sa vie, jusqu'à enseigner l'anglais à travers des situations vécues ou des lettres échangées avec son mari. Tous ces éléments sont consignés comme autant d'indices dans des carnets qui lui permettent de mieux connaitre et contrôler son mari - enfin, elle le croit. Sans compter qu'un carnet spécial, que l'on découvre à la fin, permet de tenir les comptes. Sous ses dehors parfaits, la belle choque : ses mensonges, ses priorités, ses amants. Le vernis craque et c'est finalement ce qui nous intéresse.

Roman peu répétitif et longuet dans l'expression de l'obsession de l'héroïne mais agréable à lire, original, avec une chute qui réveille son lecteur. Belle trouvaille !



lundi 11 octobre 2021

Quichotte

Salman Rushdie imagine avec ce titre un nouveau Don Quichotte, un Quichotte indien, Ismail Smile, en quête de sa bien aimée Salma. Comme souvent avec Rushdie, l'aventure n'est pas unique et linéaire. En parallèle, l'histoire de l'écrivain, Brother, est aussi contée.

Si Quichotte vivait aujourd'hui, il ne serait plus gavé de romans de chevalerie mais de shows télé. Notre Quichotte - Ismail, représentant pharmaceutique qui vient d'être viré, se lance dans une quête qui lui fera traverser des vallées et des épreuves, au volant de sa Chevrolet. Son but, la présentatrice de talk-show Salma R., une belle, hantée par l'histoire des femmes de sa famille et accro aux opiacés. Pendant la quête, Sancho va s'incarner dans un fils, d'abord imaginaire puis bien réel, un petit pantin qui veut devenir un vrai garçon. Dans cette traversée, c'est l'Amérique du chômage, de la drogue, du racisme, de la brutalité qui nous est montrée. Une Amérique qui se disloque progressivement vers une fin du monde. Voilà pour la ligne principale.

En miroir, on suit l'écrivain qui fait naître Quichotte, Brother, dans ses histoires de famille - pas très éloignées de celles de son personnage. Rien de très novateur dans ce procédé, mais soit.

Roman foisonnant, roman à charge contre une société qui se délite, il se lit plutôt bien malgré quelques longueurs - impression récurrente avec cet auteur.


jeudi 7 octobre 2021

Ressac

Aussitôt prêté, aussitôt lu, ce livre de Diglee n'a pas fait long feu sur ma table de nuit et une heure après sa première page, je le refermais.  


De mercredi à lundi, un mois de février, c'est le temps de cet ouvrage. 5 jours au bord de la mer, dans une abbaye pour un temps de retraite, de mise à l'écart du monde, d'Instagram. Un temps pour soi et pour se retrouver. Un temps aussi pour dessiner et pour écrire. Voilà ce que nous raconte Diglee dans ce livre. Ce n'est pas si extraordinaire mais c'est un rappel du rythme fou et fracassé de nos vies, de l'importance de prendre du temps - le temps de vivre et d'écouter, de marcher, de lire, de ne rien faire. 

C'est aussi un temps particulier, alors que son beau-père vient d'avoir un grave accident et qu'elle se pose des questions sur son amoureux. Un temps pour mettre à distance les questions, pour observer les temps gagnés, les temps reçus ou offerts, les temps habités et aimés. 

Une jolie introspection, qui se lit aussi en images.

lundi 4 octobre 2021

Nullipare

Cet ouvrage de Jane Sautière conte cette femme qui n'a pas eu d'enfant. Elle explore son passé, sa naissance en Iran, ses déménagements incessants, sa fratrie disparue... Elle parle de sa mère, de son travail en prison, de cette évidence de n'avoir pas d'enfant. Sans revendication ni regret, simplement. Elle explore les moments où l'enfant aurait été possible, les enfants autour d'elle. Et fait naitre un livre. 
Un ouvrage bien moins passionnant que ce que j'imaginais, trop centré finalement sur la narratrice.
 

mercredi 29 septembre 2021

True Story

J'ai littéralement dévoré ce premier roman de Kate Reed Petty en deux soirées. En tournant les premières pages, j'ai pensé :"encore un roman d'ados qui ont la belle vie". Et puis, le script de film d'horreur, les premiers ragots, les bizutages, tout ça plante une ambiance étrange sur le roman. Au centre de l'intrigue, une soirée très arrosée où deux joueurs de l'équipe de crosse raccompagnent une fille chez elle. Que s'est-il exactement passé ce soir-là ? Il va vous falloir lire tout le roman pour le découvrir. Et accepter de croire, de douter, de questionner. 

Ce qui rend ce roman palpitant, c'est bien sûr la question de la vérité et de la rumeur, de l'influence de nos croyances sur nos vies, mais aussi sa construction. Le lecteur suit Nick, un membre de l'équipe de crosse, et Alice, la jeune femme qui a été raccompagnée chez elle. Autour d'eux, Harley, une jeune femme à qui tout réussit, et d'autres personnages plus secondaires, une amante, un pervers, etc. Entre leurs récits, échelonnés de 1999 à 2015, des scripts de film, des lettres et des brouillons de rédactions. Ce qui est fascinant dans cette construction, c'est justement les surprises qu'elle fait naitre.

Un roman qui traite aussi de la pression universitaire, du féminisme, de l'alcoolisme et de bien d'autres thèmes qui enrichissent la lecture. Très chouette !