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lundi 25 février 2019

La pesanteur et la grâce

C'est difficile pour moi de parler de philo. J'ai l'impression qu'il faut toujours ramener 15000 références et qu'on doit toujours faire des jolies dissertations. J'ai lu avec joie et difficulté Simone Weil, la philosophe catholique. Dans cet ouvrage, élaboré par un tiers, on découvre des aphorismes autour de la divinité, de la souffrance, du soi. C'est parfois peu compréhensible, toujours radical. Ce n'est pas résumable non plus. Quelques citations pour vous donner un peu envie !

"Impossible de pardonner à qui nous a fait du mal, si ce mal nous abaisse. Il faut penser qu'il ne nous a pas abaissés, mais révélé notre vrai niveau"

"Faire du mal à autrui, c'est en recevoir quelque chose. Quoi ? Qu'a-t-on gagné (et qu'il faudra repayer) quad on a fait du mal ? On s'est accru. On est étendu. On a comblé un vide en soi en le créant chez autrui"
 
"Pour atteindre le détachement total, le malheur ne suffit pas. Il faut un malheur sans consolation. Il ne faut pas avoir de consolation. Aucune consolation représentable. La consolation ineffable descend alors"

"L'imagination travaille continuellement à boucher toutes les fissures par où passerait la grâce [...] Les miliciens du "Testament espagnol" qui inventaient des victoires pour supporter de mourir, exemple de l'imagination combleuse de vide. Quoiqu'on ne doive rien gagner à la victoire, on supporte de mourir pour une cause qui sera victorieuse, non pour une cause qui sera vaincue. Pour quelque chose d'absolument dénué de force, ce serait surhumain (disciples du Christ). La pensée de la mort appelle un contrepoids, et ce contrepoids - la grâce mise à part - ne peut être qu'un mensonge"
"Le Christ a eu toute la misère humaine, sauf le péché. Mais il a eu tout ce qui rend l'homme capable de péché. Ce qui rend l'homme capable de péché, c'est le vide. Tous les péchés sont des tentatives pour combler des vides. Ainsi ma vie pleine de souillures est proche de la sienne parfaitement pure, et de même pour les vies beaucoup plus basses. Si bas que je tombe, je ne m'éloignerai pas beaucoup de lui. Mais cela, si je tombe, je ne pourrai pas le savoir"

"Reniement de saint Pierre. Dire au Christ : je te resterai fidèle, c'est déjà le renier, car c'était supposer en soi et non dans la grâce la source de la fidélité"

"Nous ne possédons rien au monde - car le hasard peut tout nous ôter - sinon le pouvoir de dire je. C'est cela qu'il faut donner à Dieu, c'est-à-dire détruire. Il n'y a absolument aucun autre acte libre qui nous soit permis, sinon la destruction du je [...] Rien au monde ne peut nous enlever le pouvoir de dire je. Rien, sauf l'extrême malheur. Rien n'est pire que l'extrême malheur qui du dehors détruit le je, puisque dès lors on ne peut plus le détruire soi-même"

"On ne possède que ce à quoi on renonce. Ce à quoi on ne renonce pas nous échappe. En ce sens, on ne peut posséder quoi que ce soit sans passer par Dieu"

"Ne pas faire un pas, même vers le bien, au-delà de ce à quoi on est poussé irrésistiblement par Dieu, et cela dans l'action, dans la parole et dans la pensée. Mais être disposé à aller sous sa poussée n'importe où, jusqu'à la limite (la croix...). Être disposé au maximum, c'est prier pour être poussé mais sans savoir où" 

"On se porte vers une chose parce qu'on croit qu'elle est bonne, et on y reste enchainé parce qu'elle est devenue nécessaire"

"L'acte méchant est un transfert sur autrui de la dégradation qu'on porte en soi. C'est pourquoi on y incline comme vers une délivrance"

"Ne pas chercher à ne pas souffrir ni à moins souffrir, mais à ne pas être altéré par la souffrance"

"Dieu s'épuise à travers l'épaisseur infinie du temps et de l'espèce, pour atteindre l'âme et la séduire. Si elle se laisse arracher, ne fut-ce que la durée d'un éclair, un consentement pur et entier, alors Dieu en fait la conquête. Et quand elle est devenue une chose entièrement à lui, il l'abandonne. Il la laisse complètement seule. Et elle doit à son tour, mais à tâtons, traverser l'épaisseur infinie du temps et de l'espace, à la recherche de celui qu'elle aime. C'est ainsi que l'âme refait en sens inverse le voyage qu'a fait Dieu vers elle. Et cela, c'est la croix"

"Les contradictions auxquelles l'esprit se heurte, seules réalités, critérium du réel. Pas de contradiction dans l'imaginaire. La contradiction est l'épreuve de la nécessité. La contradiction éprouvée jusqu'au fond de l'être, c'est le déchirement, c'est la croix"

"Le monde est un texte à plusieurs significations, et l'on passe d'une signification à une autre par un travail. Un travail où le corps a toujours part, comme lorsqu'on apprend l'alphabet d'une langue étrangère : cet alphabet doit rentrer dans la main à force de tracer les lettres. En dehors de tout cela, tout changement dans la manière de penser est illusoire. Il n'y a pas à choisir entre les opinions : il faut les accueillir toutes mais les composer verticalement et les loger à des niveaux convenables. Ainsi hasard, destin, Providence"

"L'homme est esclave pour autant qu'entre l'action et son effet, entre l'effort et l'oeuvre, se trouve placée l’intervention de volontés étrangères. C'est le cas et pour l'esclave et pour le maître aujourd'hui. Jamais l'homme n'est en face des conditions de sa propre activité. La société fait écran entre la nature et l'homme"

"Le temps par son cours, use et détruit ce qui est temporel. Aussi y a-t-il plus d'éternité dans le passé que dans le présent. Valeur de l'histoire bien comprise, analogue à celle du souvenir dans Proust. Ainsi le passé nous présente quelque chose qui est à la fois réel et meilleur que nous, et qui peut nous tirer vers le haut, ce que l'avenir ne fait jamais"

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