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vendredi 21 mai 2021

Le sens de ma vie

Vous savez combien j'aime l'écriture de Romain Gary, combien j'ai dévoré ses romans. J'ai d'ailleurs souvent envie d'y replonger. Cet ouvrage est un peu différent, il s'agit d'un entretien filmé peu avant sa mort. Il parle de lui à la première personne, revient sur sa vie, ses écrits et surtout ce qui a compté pour lui. C'est bien sûr plein de tendresse pour sa mère, pour sa jeunesse. On retrouve certains de ses livres évoqués ici. 

Si tout ce qui concerne son enfance et la guerre sont bien présents dans ses livres, j'ai découvert les aspects de sa carrière diplomatique et les contradiction qu'elle produisait en lui. De même, son lien avec le cinéma ne m'était pas connu. Enfin, il s'attarde sur ses valeurs, ses combats... Un petit régal !

"Vous me demandez de raconter un peu ma vie, sous prétexte que j’en ai une, je n’en suis pas tellement sûr parce que je crois surtout que c’est la vie qui nous a, qui nous possède. Après on a l’impression d’avoir vécu, on se souvient d’une vie à soi comme si on l’avait choisie. Personnellement, je sais que j’ai eu très peu de choix dans la vie, que c’est l’histoire au sens le plus général et à la fois le plus particulier et quotidien du mot qui m’a dirigé, qui m’a en quelque sorte embobiné."
"Les éléphants étaient aussi pour moi les droits de l'homme : maladroits, gênants, encombrants, dont on ne savait trop que faire, qui interféraient avec le progrès puisqu'il est assimilé à la culture, et qu'ils reversaient les poteaux télégraphiques, qu'ils paraissaient inutiles et qu'il fallait les préserver à tout prix"
"Un auteur met le meilleur de lui-même, de son imagination, dans le livre et garde le reste, "le misérable petit tas de secrets" comme disait Malraux, pour lui-même"
"Je prétends que la première voix féminine du monde, le premier homme à avoir parlé d'une voix féminine, c'était Jésus-Christ. La tendresse, les valeurs de tendresse, de compassion, d'amour, sont des valeurs féminines et, la première fois, elles ont été prononcées par un homme qui était Jésus. Or il y a beaucoup de féministes qui rejettent ces caractéristiques que je considère comme féminines. En réalité, on s'est toujours étonné du fait qu'un agnostique comme moi soit tellement attaché au personnage de Jésus [...] On ne comprendra absolument jamais rien à mon œuvre si l'on ne comprend pas le fait très simple que ce sont d'abord des livres d'amour et presque toujours l'amour de la féminité. Même si j'écris un livre dans lequel la féminité n'apparaît pas, elle y figure comme un manque, comme un trou. Je ne connais pas d'autres valeurs personnelles, en tant que philosophie d'existence, que le couple. Je reconnais que j'ai raté ma vie sur ce point, mais si un homme rate sa vie, cela ne veut rien dire contre la valeur pour laquelle il a essayé de vivre.
Je trouve que c'est ce que j'ai fait de plus valable dans ma vie, c'est d'introduire dans tous mes livres, dans tout ce que j'ai écrit, cette passion de la féminité soit dans son incarnation charnelle et affective de la femme, soit dans son incarnation philosophique de l'éloge et de la défense de la faiblesse, car les droits de l'homme ce n'est pas autre chose que la défense du droit à la faiblesse [...] Et je ne voudrais simplement pas qu'il y ait plus tard, quand on parlera de Romain Gary, une autre valeur que celle de la féminité"

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