mercredi 26 décembre 2018

La beauté des jours

C'est le genre de romans que je dévore et qui ne me laisse pas beaucoup de souvenirs mais dont j'apprécie, sur le coup, la lecture reposante et douce. Avec ce roman de Claudie Gallay, on accompagne la vie quotidienne d'une postière, qui aime regarder les trains et les renards.

Jeanne mène une vie tranquille, elle vit avec Rémy dans une jolie maison, ils vont refaire la cuisine pendant l'été, leurs filles passeront les week-ends. Mais ce roman débute avec un imprévu, une carte postale qui tombe du mur où elle est accrochée. Une photo de Marina Abramovic, une artiste qui va jusqu'au bout des choses, qui se met en jeu dans son art, qui tente, qui explore. Et elle, Jeanne, qu'est-ce qu'elle explore ? Quand est-ce qu'elle vit ? Quand elle découvre des palindromes, quand elle suit des inconnus, quand elle envoie des mails à un amour de lycée ? C'est une saison avec Jeanne, avec Rémy, avec Suzanne, sa copine, avec sa famille, des gens de la terre.

Gallay nous peint la grâce simple du quotidien, les petits bonheurs simples et invisibles. C'est doux.

lundi 24 décembre 2018

La confiance en soi

Charles Pépin, que j'ai croisé comme prof, a écrit ce joli ouvrage qui se lit comme un roman. Simple, léger, saupoudré de philosophie et de stars, il se veut un anti-manuel de développement personnel mais il y ressemble diablement. Il part néanmoins d'un présupposé différent, à savoir que la confiance en soi ne dépend pas que de soi mais de plusieurs ressorts : la confiance en l'autre, la confiance en ses capacités et la confiance en la vie. L'ouvrage se construit ainsi : 

Cultivez les bons liens

Être de relation, nous ne naissons pas tout armés pour la vie, il nous faut des soins, nous naissons dépendants. Et cette relation à l'autre, elle se poursuit bien après l'enfance. De la nait la confiance en l'autre, qui se cultive par la mise en confiance, par le fait que l'on nous fasse confiance.
"Quelques mots bien sentis d'un maître ou d'un ami. Des mots venants du coeur, qui suffisent alors à donner confiance pour la vie"
"C'est donc un même mouvement qui nous aidera à prendre confiance en nous et à faire confiance aux autres : sortons de chez nous, nouons des relations avec des gens différents et inspirants, choisissons des maîtres ou des amis qui nous grandissent, nous réveillent, nous révèlent. Cherchons les relations qui nous font du bien, qui nous sécurisent et nous libèrent"


Entrainez-vous

En fait, la confiance, ça se travaille. Ou plutôt, c'est le développement d'une compétence, d'un talent, qui aiderait à construire la confiance. Et c'est une compétence qui vous plait, que vous travailler sans trop vous en rendre compte, ou sans que ça vous saoule. Il faut que ça vous fasse plaisir sinon vous risquez d'être un "consciencieux" qui a peur d'être pris en défaut. A vos 10 000 heures de pratique - avec le sourire ! Moi, à part lire, je vois mal où je peux trouver autant d'heures accumulées à faire la même chose :)

"Chez les grands artistes, la confiance provient donc d'abord, ou disons plus exactement surtout, d'une pratique assidue et même obsessionnelle" 

Ecoutez-vous

Et pour cela, distinguez l'urgent de l'important. Et trouvez des lieux ou des temps pour vous écouter, des rituels qui vous font du bien et vous aident à être présents.
 

Émerveillez-vous

"L'expérience esthétique n'est jamais simplement esthétique. En nous rendant davantage présents à nous-mêmes et au monde, elle a pouvoir de réveiller, de provoquer, peut-être même d'entrainer notre confiance en soi"
 

Décidez

"Choisir, c'est se reposer sur des critères rationnels pour armer le bras de son action. Décider, c'est compenser l'insuffisance de ces critères par l'usage de sa liberté. Choisir, c'est savoir avant d'agir. Décider, c'est agir avant de savoir" 

Mettez la main à la pâte

"Le travail manuel, le fait de "mettre la main à la pâte" et d'observer son action modifier le réel, peut être épanouissant, humainement comme intellectuellement" 
"Un bon travail, selon Aristote, doit pouvoir procurer du plaisir à celui ou celle qui s'y adonne, et son excellence doit pouvoir être jugée par les autres de manière directe. Dans une société soucieuse de la "vie bonne", affirmait-il, nous devrions tous avoir un travail, un métier qui corresponde à ces critères"

Passez à l'acte

Tentez, échouez, confrontez-vous au réel, non pour renforcer votre confiance, mais pour vous abandonner à la réalité, et voir ce qui peut en naître !
 

Admirez

"Admirer, ce n'est pas vénérer ; ce n'est pas s'oublier dans la contemplation du talent de l'autre. C'est se nourrir. Prendre exemple sur ceux qui ont osé suivre leur étoile pour entreprendre de chercher la sienne. Que nous dit leur exemple ? Qu'il est possible de devenir soi" 
"Croire que nous ne sommes pas dupes est la meilleure façon d'être complice de ce qui nous diminue"

Restez fidèles à votre désir

"Le seul fait de se comparer nous détourne de la vérité de notre existence : nous sommes tous singuliers. Notre valeur est absolue, non relative à celle des autres" 

"Nous pouvons tous nous inspirer de la sagesse d'Ulysse : il a confiance en lui parce qu'il a confiance en son désir. Il se connait assez pour reconnaitre, au milieu de toutes des étoiles qui sont autant de tentations, celle qui brille plus que les autres, celle qui brille pour lui"

Faites confiance au mystère

Et à la vie, même quand elle n'est pas une fête. 

Je sors confiante de cet ouvrage ! Et j'ai été particulièrement touchée par ce qui relève de la confiance en l'autre. Je le vis et l'éprouve tous les jours dans mon travail mais j'ai du mal à l'appliquer à moi-même. Bref, il y a plein de pistes à explorer et une bibliographie commentée, qui m'a fait ajouter plusieurs titres à ma LAL.

jeudi 20 décembre 2018

Lady Oracle

Margaret Atwood... Au-delà du regain d'intérêt pour cette auteure autour de la série la Servante écarlate (que je n'ai ni vue ni lue), ce sont les billets de Litterama qui m'ont donné envie de poursuivre ma découverte. Je sors de cette lecture un peu déçue, j'ai trouvé tout cela bien bavard alors qu'il y avait de bonnes trouvailles.

Joan vient de s'installer en Italie, après avoir simulé sa mort. A travers des flashbacks de son enfance, de son adolescence, et de sa vie d'épouse, on découvre une jeune fille obèse, constamment critiquée par sa mère, puis une jeune femme mince et séduisante, qui écrit sous un pseudo, qui épouse le premier venu et complexe d'avoir une double vie. On suit les divers épisodes d'une vie qui ne semble jamais choisie. Joan semble passer de la guerre contre sa mère à une guerre contre elle-même, nouant des relations avec des personnes qui la prennent pour une potiche ou l'humilient, revivant perpétuellement les humiliations et rebuffades de l'enfance et celles même qu'elle inflige, adolescente, à sa mère. C'est malgré elle qu'elle devient une femme de lettres en vue avec son ouvrage entre féminisme et occultisme. Toujours prête à se trahir, elle préfère fuir !

C'est un roman intimiste, avec ce regard double d'une femme sur elle-même, qui ne manque pas d'humour ou de situations cocasses pour alléger le désespoir sous-jacent. 

lundi 17 décembre 2018

Les voies de la vengeance

Ce titre de Karen Blixen trainait sur le haut de ma PAL et sa couverture me déplaisait au plus haut point. Heureusement, la couverture ne fait pas le livre et j'ai passé un bon moment de lecture en compagnie de Lucan et Zozine.

Lucan est orpheline, elle gagne sa vie comme préceptrice d'un petit garçon. Quand le père de ce dernier lui confie avoir des vues sur elle, sans même lui proposer le mariage, elle décampe illico. Elle se tourne vers Zozine, une bonne amie de pension. Elle arrive lors d'une fête prestigieuse, à la veille de la faillite du père de Zozine. Bientôt seules au monde, elles gagnent Londres et tentent de trouver du travail à travers un bureau de placement. Un couple âgé, le pasteur Pennhallow et son épouse s'intéressent à elles et les emmènent dans leur propriété du Languedoc. Isolé, le couple vit simplement et partage une morale austère. Les filles s'y sentent un peu mal à l'aise. D'autant plus lorsque l'on vient leur demander des informations sur d'autres jeunes femmes qui auraient vécu là avant elles.

Un roman dont la scène finale chez le pasteur est stupéfiante, après une montée en puissance et en tension progressive. J'ai aimé cette lecture, mais je l'ai trouvée très classique. Les personnages sont caricaturaux (la brune, la blonde, leurs amoureux, la prostitution, etc.), l'écriture manque de caractère, les rebondissements et le deus ex machina arrivent à point nommé...



mercredi 12 décembre 2018

Voici les noms

C'est un drôle de roman que celui de Tommy Wieringa, mêlant migrations et recherche de soi. 

On accompagne au fil des chapitres un groupe de migrants ou le commissaire Pontus Beg. Jusqu'à ce qu'ils se croisent et se rencontrent. Les premiers ont été emmenés par camion, ils sont désormais dans un désert, sans vivres. Leur groupe s'amenuise, leurs forces aussi. D'étranges liens, proches de la haine, se tissent. Oui, c'est tout sauf joyeux cette traversée. 
Du côté de Beg, c'est une vie normale, un peu ennuyeuse de commissaire de police dans un pays corrompu. Il fait payer les insolents, s'ennuie au bureau, lit Tchouang-tseu et baise sa femme de ménage. Lorsqu'il rencontre par hasard un rabbin, il s'imagine des racines juives et s'intéresse alors à cette religion.

Lorsque les deux histoires se rencontrent, la quête spirituelle du commissaire s'éclaire par celle des autres, cette superstition née entre eux, au fil de leur voyage. Un roman porté par un style très froid, très détaché, sans concession. Un roman qui rend signifiants les écarts d'un monde confit dans les richesses et l'ennui face à ceux qui n'ont d'autres options que fuir. A ne pas lire en période de désespoir !

"Il décrivait une réalité faite pour d'autres, et non pour le garçon. Lequel était l'exception - cette chimère des sans nombre, indifférentes aux statistiques et au calcul des probabilités"

dimanche 9 décembre 2018

Un instant

Joli moment de théâtre hier, au théâtre Gérard Philipe avec une création autour de la Recherche. C'est beau d'écouter au théâtre les longues phrases de Proust, avec des temps inusités aujourd'hui, de se laisser porter par une pièce onirique, qui nous questionne sur notre propre rapport au temps et nous habite de ses interrogations et de ses mots. 

Dans un décor de salle bondée de chaises empilées, un bric à brac de souvenirs, ou sur deux bancs, puis plus haut, dans une chambre capitonnée, dialoguent deux personnages. On reconnait Proust et l'on rencontre une dame âgée, qui raconte quelques souvenirs d'enfance, d'exil et d'amour familial. Une histoire de boat people. Petit à petit, la Recherche gagne toute la place, avec un focus sur le fameux temps du coucher du jeune Marcel, sur le décès de sa grand-mère, le tout bercé par les réflexions autour de la mort, du temps et des souvenirs. 

Campés par Hélène Patarot et Camille de la Guillonnière, nos deux personnages échangent, partagent un thé, une promenade, puis se font écho l'un de l'autre, se parlent à travers les mots de Proust, malgré leurs histoires différentes. Et ces échos dialoguent avec les souvenirs des spectateurs, comme dans un rêve, un moment hors du temps, bercé par une douce mélancolie, quelques notes de musique, des rires, quelques larmes. La mort n'est jamais loin mais les souvenirs nous assurent que "la mort est une maladie dont on revient".


lundi 3 décembre 2018

Cinco horas con Mario

C'est une collègue qui m'a prêté ce roman de Miguel Delibes, j'ai mis des mois à le lire et pas seulement parce qu'il est en espagnol. J'ai vraiment eu du mal à accrocher à ce monologue d'épouse frustrée qui choisit la veillée funèbre pour régler ses contes avec son époux décédé.

Carmen et les siens sont sous le choc de la mort de Mario, son époux, mort d'une crise cardiaque. Après les condoléances des uns et des autres, c'est un monologue de Carmen qui occupe tout le roman. Chaque chapitre débute avec un passage de la Bible que Mario avait souligné et les commentaires de Carmen à son sujet. Qu'il s'agisse de l'engagement intellectuel de son époux, à gauche, de ses écrits, de leurs relations ou de leurs amis, ils ne sont visiblement pas sur la même longueur d'onde. Carmen n'est que reproches et récriminations. Et a contrario, ressortent toutes les qualité du mort, qui était engagé, intègre et intelligent mais n'a pas souhaité répondre aux "normes" de la bourgeoisie. Se moquant de l'argent ou des apparences, il poursuit des chimères selon son épouse. Bref, un mariage qui ne fut pas des plus heureux et une héroïne tout sauf aimable.

Esprit fermé et jaloux, Carmen risque de vous agacer aussi. Et de vous paraitre bien bête.