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lundi 8 février 2021

Yoga

Si ma collègue ne m'avait pas prêté ce roman d'Emmanuel Carrère, j'aurais raté une rencontre. Si j'avais beaucoup aimé Le Royaume, ça n'ait pas été le cas d'Un roman russe. J'ai attribué cela à la place de l'ego dans le roman. Eh bien, ça ne doit pas être ça. Parce que dans ce roman, E. Carrère ne parle qu'à la première personne et je me suis régalée. 

Ce roman est un livre qui aurait dû parler du yoga, du Tai-chi et de la méditation, que pratique assidument notre narrateur. D'ailleurs, il s'ouvre sur un stage de yoga et sur des définitions de la méditation. C'est un livre qui aurait dû s'appeler L'Expiration mais qui n'est pas le livre prévu. Parce que le stage de yoga est coupé par les événements du monde ? parce que ça allait trop bien depuis 10 ans ? En tous cas, notre narrateur est diagnostiqué bipolaire suite à sa plongée dans une lourde dépression, qu'il nous explique par le menu jusqu'aux électrochocs et à la lente rémission, sur une ile grecque, avec des migrants (comme c'est mignon), puis sur une ile française où il apprend à taper avec ses 10 doigts. 

C'est un livre auto-centré certes... même si on ne sait jamais bien si E. Carrère parle de lui ou d'un proche. Il est bien écrit, convoque Montaigne ou Weil, regarde les hommes et son nombril avec ce regard doux, désespéré parfois et ironique, rarement cynique. Il a un côté un peu décousu parfois mais rien de bien gênant - pour moi. Bref, une belle lecture !

jeudi 2 mars 2017

Un roman russe

Avec un jour de retard, voici ma copie pour le blogoclub ! Le sujet était Emmanuel Carrère et dans ma PAL, on trouvait Un roman russe.

Le plot : Notre narrateur est à la recherche de ses racines russes. Géorgiennes pour être précise. Il veut comprendre son grand-père, un homme qui a disparu en 1944. Autour de cet objectif initial, viennent s'agréger des prétextes pour mieux connaitre la Russie. Comme aller à Kotelnitch, un trifouilli les oies russe, où un hongrois est resté prisonnier de guerre pendant 50 ans. Et ce bled déprimant devient un incontournable de son histoire personnelle. Un lieu suffisamment intéressant pour y retourner, pour y faire un film en plus du reportage alors qu'il n'apporte qu'ennui et morosité. Et en parallèle de cette histoire russe, il y a une histoire d'amour et de sexe avec Sophie. Et une nouvelle publiée dans Le Monde, destinée à Sophie, mise en abyme dans le roman et qui fait du remplissage. Mais au fond, l'unique chose qui intéresse notre narrateur, c'est lui. Le monde tourne autour de ses rêves érotiques, de ses souvenirs d'enfance, de ses relations avec Sophie, avec ses amis, avec sa mère (s'il y a pas de l’œdipe là-dedans ?!). C'est un petit garçon capricieux, qui devient méchant quand tout ne tourne pas autour de lui. Eh oui, Sophie ne lira jamais sa nouvelle et c'est certainement cela, bien plus que toutes les trahisons, qui lui laissera à notre narrateur un goût amer.

Je sors de ce roman assez déçue. J'ai l'impression que ce n'est pas un livre offert à un lecteur mais simplement une thérapie pour l'auteur. Je me sens étouffée par tant d'égoïsme et de manipulation, par tant de violence et de sexe. Je trouve ça malsain et sans intérêt. Je crois que l'auto-fiction n'est vraiment pas pour moi !

Bronzino, Venus et Cupidon



lundi 17 novembre 2014

Le Royaume

Merci à Priceminister de m'avoir envoyé ce titre d'Emmanuel Carrère dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire
Vierge Marie

Ce roman est l'un des seuls qui m'attirait dans les sorties de cette rentrée littéraire. Pas pour Emmanuel Carrère, que je découvre avec ce titre. Mais pour son thème : une conversion et une analyse romancée des Actes des Apôtres, de l'Évangile de Luc et des Lettres de Paul (grosso modo). Moi qui, après une éducation catholique et de belles années d'engagement, suis passée par un désert aride avant de rejoindre timidement l'Eglise, je reste intriguée par les histoires de foi.

L'histoire de sa conversion, Emmanuel Carrère nous la conte avec ses yeux d'agnostique. Un peu sceptique, un peu émerveillé de ce qu'il a vécu pendant trois ans. Car quand notre narrateur se convertit, il ne fait pas les choses à moitié : messe tous les jours, mariage religieux, commentaire de l'évangile de Jean... Puis fin de la crise de foi. Lassitude, rationalisme, fin de la période mystique, on ne comprend pas trop pourquoi il laisse tomber

La suite concerne l'époque qui suit la mort du Christ. Et ce n'est pas à lui que l'on s'intéresse directement mais plutôt à sa première Eglise. Celle de Paul. Et celle des premiers apôtres. Notre interlocuteur ? Luc, qui a accompagné Paul et vu grandir les premières communautés chrétiennes. Et surtout, qui a écrit ce qu'il a vu. Et certainement un peu brodé. Bref, Luc, c'est un romancier, comme Emmanuel Carrère. Et en cela, il mérite qu'on le suive. Menant sa petite enquête biblique, l'auteur nous raconte les années 50 en faisant fleurir les comparaisons avec la Russie de Lénine, Trotsky et Staline... Why not ? Mais attention, malgré la connaissance dont E. Carrère fait preuve, il n'écrit pas un essai historique ou théologique, on reste dans le roman. Et l'auteur fait la part belle à son imagination. Quand il ne sait pas, il invente. Et il nous dit qu'il invente (histoire qu'on ne mélange pas tout). Et le résultat est plutôt intéressant et plaisant. Essentiellement, parce que l'écriture nous porte, qu'on le veuille ou non. Et c'est certainement la plume qui m'a le plus séduite dans ce roman. D'ailleurs, ses jeux sur les niveaux de français, loin de m'agacer, m'ont plutôt amusée. Tout comme les jeux sur les anachronismes. Et l'érotisme (la scène de masturbation semble être là pour choquer et faire dresser les cheveux des catho trado, non ?). Cependant, ce qui est un peu lassant (et me confirme pourquoi j'ai mis si longtemps avant de lire Carrère, moi qui suis un peu allergique à l'égotisme), c'est l'omniprésence d'Emmanuel Carrère. Quand il raconte, il se raconte, même quand il ne parle pas de lui. Il se compare. Il s'interroge. Il réfléchit. Et il nous le dit et le répète. A tel point qu'on a parfois un peu envie de lui dire de nous lâcher 15 secondes ! Heureusement qu'il donne souvent dans l'autodérision. L'autre point gênant, c'est qu'il invente souvent sans le dire. Vous allez me dire que c'est le propre du roman (et vous avez raison). C'est bien ce qu'il ne faut pas perdre de vue. De même, la vision qu'a E. Carrère du christianisme lui est personnelle tout comme son interprétation des textes bibliques : le chrétien qui doit se flageller et moisir dans sa culpabilité, c'est du domaine de l'imagerie d’Épinal. Ce n'est pas une religion contre les hommes comme j'ai pu le lire ici ou là !

Ce dont j'avais peur (outre l'égotisme), c'était du côté longuet de ce roman que mentionnent certaines critiques. Pour ma part, je ne me suis pas ennuyée une seconde. Le récit de la conversion pose le cadre et permet de rencontrer ce personnage qu'est l'auteur, déprimé et malheureux puis mystique et dépressif. Et 150 pages autobiographiques, ça se lit. Et ça se lit bien car c'est à la fois sarcastique et plein de tendresse pour un homme paumé. Quant au récit des premiers temps, ils foisonnent de références historiques et bibliques (pas toujours exactes), qui donnent envie de lire le grec de Luc et de Paul (oui, j'ai des trips bizarres). Je n'ai pas trouvé cela spécialement ardu, peut-être parce que je connais un peu le sujet et qu'il m'intéresse. 

Enfin, c'est aussi un roman qui pose des questions à son lecteur : et toi, qu'est-ce que tu crois ? Qu'est-ce que cette lecture te dit sur les religions, sur le catholicisme en particulier, sur cette relecture du message christique, sur ce qui n'est pas rationnel, sur ce qui te nourrit, sur ton chemin ? 

Une belle rencontre qui me donne envie d'attaquer ses autres textes !