dimanche 31 décembre 2017

Belle année 2018

De 2017, quelques lectures surnagent. Finalement peu par rapport à tout ce que j'ai lu. Il y a ceux qui parlent de la guerre et de ses victimes, de ses héros et de ses vaincus. Il y a le témoignage intime d'une héroïne malgré elle. Il y a des contes noirs et fantastiques. Il y a des voyages au coeur de l'Amérique. Et dans notre propre société. C'est un peu mon best-of.

Et pour 2018 ? Comme tous les ans, j'espère de belles lectures, plus de découvertes et de rencontres... Et je vous en souhaite aussi !


jeudi 28 décembre 2017

L'Enfant bleu

C'est un titre de Bauchau, comme tous ses titres d'ailleurs, qui patiente parmi les titres de ma LAL depuis des années. Je l'ai noté au début du blog, il doit y avoir 10-11 ans. Je ne sais pas si c'est un coup de coeur, car j'y ai trouvé quelques languides longueurs, mais pas loin.

Véronique, psychanalyste, rejoint un hôpital de jour. On lui confie un adolescent psychotique, Orion. Orion dit "on ne sait pas". Il est poursuivi par le démon de Paris. Il dessine des îles et des labyrinthes. Ses camarades le poussent à bout, pour le voir se déchainer et lancer des tables et des chaises. Ses parents pensent qu'il existe des vrais et des faux métiers. Et que le talent d'Orion pour le dessin n'est certainement pas une voie. Et pourtant... Avec Véronique, Orion découvre Thésée et le minotaure, une image et un mythe puissant, qui construisent ce roman et la personnalité d'Orion. 

C'est le roman d'une analyse au long court, d'un adolescent devenu jeune homme. D'un dessinateur devenu artiste. C'est une relation entre le patient et le médecin, entre la mère et le presque enfant, entre des amis. C'est aussi des œuvres qui s'écrivent, qui se créent, entre poésie, musique, peinture et sculpture... Un très beau roman sur la vocation artistique, sur l'accomplissement d'une partie de soi par l'art.
Lucas, Fade into you

jeudi 21 décembre 2017

Récits d'un pélerin russe

Voilà un petit ouvrage de piété russe fort sympathique, qui retrace le voyage d'un homme qui est saisi par une parole "Priez sans cesse". Il se met en quête des moyens pour prier, de ce qu'est réellement la prière. Il interroge, il lit, il expérimente.

On le suit durant son parcours et ses lectures. Il rencontre notamment un staret (moine) qui lui enseigne à prier très simplement, en répétant sans cesse "Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, prends pitié de moi". Puis son pèlerinage se poursuit, il rencontre des brigands, il travaille, détourne une jeune fille du mariage, est reçu par des hôtes très saints, etc. A chacun, il enseigne la prière du coeur, la prière qui s'incarne dans chaque battement de coeur et permet de prier sans cesse. Et d'être toujours avec Dieu. Car c'est finalement ce que recherche notre narrateur : l'union parfaite avec Dieu. 

Texte classique de l'orthodoxie, il est à la fois très abordable sur sa forme et très profond. 

mercredi 20 décembre 2017

Coco

Ah, il est très sympa le dernier Disney. Et très esthétique. Et hispanophone parfois. Bref, plein de qualités !

C'est l'histoire de Miguel, un jeune garçon qui veut être musicien alors que les siens ont banni la musique. Pas très original comme point de départ. Sauf qu'en voulant trouver (ou plutôt voler) une guitare, Miguel se retrouve au pays des morts. Commence une course poursuite entre Miguel et ses ancêtres... qui nous fera découvrir l'univers coloré et merveilleux de ce pays. A la recherche d'Ernesto de la Cruz, le célèbre musicien, Miguel espère lui aussi percer dans la musique. 

Je ne vous en dit pas plus sur l'histoire... Car ce qui m'a fascinée par dessus tout est la culture latino, les éléments du Dia de los muertos, les musiques, les couleurs... et tout cet univers visuel très fouillé, très riche, qui donnait parfois envie de faire des arrêts sur image pour mieux l'admirer.

lundi 18 décembre 2017

Quand pleurent les étoiles

Encore un roman qui trainait sur ma PAL depuis...15 ans ! Je pense d'ailleurs que j'aurais dû le lire quand il m'a été offert, j'aurais eu le même âge que le héros, j'aurais peut-être moins vu venir la fin et les intrigues. Mais soit, c'était tout de même un bon moment de lecture que ce roman de Jean-Luc Angélis.

Jacques a 18 ans, il vient de passer son bac et se voit chargé d'une étrange mission. A la mort de Marc, son parrain, il est invité à l'enterrement et au repas qui suit, en compagnie des amis chers à Marc : le cheikh Abdallah, des veneurs, des marins de Bretagne, des éthiopiens... Des personnes d'ailleurs dont Marc, aventurier et voyageur, a su se faire apprécier. Et chacun raconte un peu de ce qu'il a connu du défunt. Jacques va de surprises en surprises, découvrant un homme bien plus ample que celui qu'il connaissait.
Mais c'est à l'ouverture du testament qu'il est le plus surpris. Marc lui a laissé une mission, un jeu. Une chasse au trésor qui va durer une année et faire voyager Jacques sur tous les continents.

Joli roman d'initiation, plein d'énigmes et de rencontres, ce roman est un hymne à l'ouverture et à l'aventure. Destiné à la jeunesse, il pourra aussi plaire aux grands.


mercredi 13 décembre 2017

Meilleurs alliés

C'est un peu par hasard que l'on a choisi d'aller voir cette pièce d'Hervé Bentégeat au Petit Montparnasse. Le côté joute oratoire entre de Gaulle et Churchill nous tentait bien. Incarnés par Pascal Racan et Michel de Warzée, ces personnages sont plutôt convaincants dans leurs rôles. On y croit ! Par contre, il y a trop de phrases percutantes à la minute, on a l'impression que la pièce est un prétexte pour les utiliser plus qu'autre chose. Car derrière ces discussions et ces jeux de mots, les enjeux sont finalement énormes : la France libre va-t-elle ou non débarquer ? De Gaulle peut-il être reconnu comme la voix de la France ou faut-il le bâillonner et laisser les américains prendre le lead ? 

Pièce en deux temps, en face à face, puis avec des intermédiaires qui tentent de simplifier les relations entre les deux meneurs, elle est rythmée. Le spectateur, même s'il connait la fin, est parfois tendu sur son fauteuil, parfois détendu car les bons mots ne manquent pas. Un petit regret, le passage au plan affectif des relations. "Churchill ne m'aime pas", "de Gaulle ne m'a jamais aimé" etc n'est pas très bien utilisé selon moi et donne un aspect un peu artificiel et niais à certains passages. Mais l'ensemble est agréable ! 


lundi 11 décembre 2017

L'enfant qui

Deuxième rencontre avec Jeanne Benameur. C'est poétique, c'est forestier, c'est polyphonique, c'est mystérieux, c'est un peu court...

Dans ce roman, nous suivons trois rescapés. Trois personnes qui tentent de survivre au départ (ou à la mort, on ne sait pas vraiment) d'une femme. Une femme qui était entrée dans la vie du père par la lecture des lignes de sa main et sa démarche libre dans sa jupe mouvante. Une femme accueillie dans la maison familiale par la mère du père. Une femme devenue mère d'un petit être rêveur, libre, qui explore les bois avec un chien invisible aux yeux des autres. 

Tous les trois, mais surtout l'enfant, souffrent de ce départ. Et un matin, chacun de son côté va vivre une expérience singulière pour continuer à vivre sans elle, un rite presque initiatique, qui fait remonter souvenirs et sensations perdus.

Une femme qui se dessine en creux, que l'on devine mais qui nous reste aussi insaisissable que sa langue. Et une narratrice, présente près de l'enfant, discrète mais qui s'épanouit aux dernières pages. Une lecture que j'ai trouvé belle de son écriture et de ses non-dits même si parfois trop vague et floue.

vendredi 8 décembre 2017

Sa majesté des mouches

C'est quand même dommage de faire des couvertures aussi moches ! Car c'est clairement ce qui m'a fait me tenir loin de ce roman de William Golding depuis des années. Alors que c'est franchement génial.

De jeunes enfants ont survécu à un crash et se retrouvent livrés à eux-même sur une île. Ralph, charismatique et sportif, est élu chef. Il se donne une priorité : allumer un feu pour être visible des bateaux et pouvoir être sauvé. A ses côtés, Porcinet, un petit gros myope et asthmatique, qui lui souffle quelques bonnes idées mais sert de bouc émissaire au groupe. En face, Jack, un garçon qui aime commander et se retrouve à la tête des chasseurs qui veulent attraper les cochons de l'île. Tout autour, des petits, qui se baignent, mangent et dorment sans trop se soucier du reste. Mais qui font des cauchemars et voient un monstre sur l'île. Et des grands, tour à tour proches de Jack ou de Ralph.

Le semblant d'ordre et l'organisation souhaité par Ralph tourne court. La rivalité entre Jack et lui croît. Le feu est délaissé. Les cabanes ne tiennent pas debout. Le monstre prend de l'ampleur. Bref, le modèle que tentait de préserver Ralph craque de toutes parts. La violence et la superstition grandissent. Et l'effroi du lecteur avec. 

Roman au style un peu plat, aux personnages assez peu nuancés et à la fin expédiée, il n'en est pas moins très intéressant, sociologiquement parlant. Il dénote d'une vision très pessimiste de la nature humaine et des rapports sociaux. Je m'interroge sur les fondements de ce roman, sur des expériences qui ont pu être menées sur les comportements en l'absence d'une société et de lois... En tous cas, c'est plutôt effrayant comme résultat. Et j'ai du mal à y voir un livre jeunesse !


lundi 4 décembre 2017

Moi qui ai servi le roi d'Angleterre

Offert à l'Amoureux par ses collègues tchèques, ce roman de Bohumil Hrabal a longtemps patienté sur notre PAL. Le titre ne nous disait rien. Et puis un jour, je l'ai ouvert et y ai trouvé un joli bijou d'humour.

Notre narrateur et héros est un petit homme intelligent et opportuniste. Groom dans un hôtel de Prague, il devient millionnaire. Il commence par vendre des saucisses à la gare (où il ne rend pas la monnaie, les trains partent trop vite) puis sert en salles. Il passe d'hôtels en hôtels, toujours meilleur dans son service. Il parie avec le maître d'hôtel sur les nationalités et les commandes des clients. Il sert le Negus et le Président. Et tout cela, avec un regard frais sur les clients et leurs mœurs. Le passage du général qui dénigre tout est particulièrement amusant, ou celui des vieux juges qui regardent les filles. Notre groom lui-même est fantaisiste, il aime couvrir les femmes de pétales ou de feuilles. Ce qui touche profondément sa future femme, une petite allemande dynamique et patriote. Dans la Prague des années 30 puis 40, c'est pas terrible comme mariage. Méprisé par les allemands et traitre aux tchèques, notre petit groom se retrouve dans une station thermale pour belles ariennes enceintes. Du coup, ça aurait pu mal se passer à la fin de la guerre s'il n'avait été, par méprise, pris pour un résistant. Et c'est ainsi qu'il continue son irrésistible ascension et devient propriétaire d'un joli hôtel. Enfin, jusqu'à ce que les communistes internent les millionnaires.

Voilà un petit bonhomme, sans morale ni patrie, qui transforme chaque difficulté en opportunité. Porté par l'ambition d'être riche, il fait toujours les bons choix... et la chance le sert. Bref, ce n'est pas quelqu'un de très fréquentable mais sa manière de regarder le monde et de conter son histoire est terriblement amusante voire truculente ! 

vendredi 1 décembre 2017

Dans les forêts de Sibérie

Pour les retrouvailles du blogoclub, c'est ce titre de Sylvain Tesson qui a été choisi. Il était question de globe-trotters et aventuriers... Ce qui est bien le cas de notre auteur mais est-ce une aventure de s'enfermer dans une cabane près du lac Baïkal ? C'est à travers son journal de bord que nous allons le découvrir.

De février à juillet dans une cabane au fin fond de la Sibérie. Pas de voisins, si ce n'est quelques ours, phoques et insectes au printemps. Des litres de vodka, des livres, des vivres... Et pas grand chose de plus. Un véritable ermitage. Enfin, avec tout de même de la technologie (ordi, portable, etc). Au programme des journée, quelques activités indispensables comme fendre du bois et prendre des poissons. Et quelques autres non moins essentielles comme observer les mésanges, partir en expédition autour de sa cabane, saluer des voisins à quelques jours de marche (oui, pas de véhicule pour notre ermite si ce n'est un kayak), adopter des petits chiots, recevoir (parfois, rarement) des nouvelles du monde. Pour un voyageur, c'est un étrange défi que de demeurer ainsi. Las de trop de pas ? de bruit ? Envie d'un peu d'introspection ? Quelle que soit la raison, l'idée est de relever le défi de 6 mois de cabane, dont 3 à moins 30°C. 

Je n'ai pas bien vu l'intérêt de cette retraite, prétexte souvent à des critiques des grandes villes et de la société, prétexte à une autoanalyse qui ne nous intéresse pas vraiment (et qui ne nous regarde pas, heureusement, l'auteur ne se dévoile pas trop), prétexte à des aphorismes, des pseudo haïkus et des beuveries. Prétexte à une découverte spirituelle ? nullement. L'intérêt littéraire n'est pas dingue non plus. C'est assez plat, avec quelques envolées poétiques par-ci, par-là, quelques jolies descriptions et métaphores... 

Je sors assez déçue de l'expérience, qui me semble inaboutie, aussi bien du côté du voyage intérieur et du déplacement personnel de l'auteur que du côté du déplacement du lecteur, qui n'est (en tous cas, moi comme lectrice) nullement bouleversé par cette œuvre. 

lundi 27 novembre 2017

Les amitiés célestes

J'ai commencé ce livre de Jacqueline Kelen il y a plusieurs années sans vraiment m'y intéresser. Je l'ai donc repris et recommencé ma lecture récemment avec quelques inquiétudes. Et j'ai beaucoup apprécié ces rencontres avec des bons amis, des grands amis. Ces histoires d'amitié placées sous le signe de Dieu. Amitiés spirituelles. 

Quelles amitiés nous présente Kelen ? Des amitiés masculines, des amitiés féminines, des amitiés qui se moquent du sexe. Cela va des premiers chrétiens aux plus contemporains. On croise Clothilde et Geneviève, Thérèse d'Avila et Jean de la Croix, Lucile Swan et Theilhard de Chardin... Amitiés évidentes, à la Montaigne et La Boétie, amitiés amoureuses, amitiés querelleuses, on croise de tout ! Mais chacune se veut inspirée par l'amour du Christ et chemin de croissance. De jolis portraits qui donnent envie d'explorer la bibliographie proposée.
"La pratique de l'amitié est un savoir-aimer"

lundi 20 novembre 2017

Ubik - Le scénario

La présence de ce livre dans ma bibliothèque est le fruit d'une erreur du père Noël, qui a confondu roman et scénario. C'est un peu bizarre de découvrir un roman à travers le scénario qu'en a écrit l'auteur lui-même, Philip K. Dick. Il manque un peu de chair. Restent les dialogues et les indications scéniques. Mais pas à la manière d'une pièce de théâtre, comme si tu lisais un résumé. Bref, ce n'était pas vraiment ce que je voulais lire et le format scénario ne m'a pas emballée. Et maintenant, j'ai moins envie de lire le roman dont je connais partiellement l'intrigue.

Tout commence avec Glen Runciter, propriétaire d'une entreprise de contre télépathes, qui consulte Ella, son épouse mi-vivante. Dans le monde futuriste de Dick, la télépathie est courante et sert à espionner ses concurrents. Il faut donc s'en protéger par des neutraliseurs, des anti-psis. Et les mi-vivants ? Ils ne sont pas tout à fait morts. Ils sont congelés et peuvent être consultés par leurs proches. Il y a aussi d'autres curiosités comme ce monde où les choses sont reines et doivent être payées à chaque usage : pour sortir de chez soi, il faut payer la porte. Parmi les hommes de Runciter, Joe Chip, l'anti héros parfait, fauché mais bon neutraliseur.
Runciter accepte un contrat sur la lune et envoie ses meilleurs éléments. Et là, boum, piège et mort de Runciter. L'équipe s'enfuit mais tout semble avoir vieilli prématurément autour d'eux... et en eux. Enfin, à ce qu'il semble !
Et partout, des pubs pour Ubik. Un élément qui prend de l'importance à mesure de l'intrigue...

Sans vous en dire plus pour ne pas complétement spoiler l'histoire, j'ai trouvé l'intrigue très chouette et les éléments contextuels de 1992 (le futur) et 1939 (le passé) très bien amenés. A voir si je me laisse séduire par le roman.
Magritte, double secret

vendredi 17 novembre 2017

La vie tranquille

Je ne comprends pas bien pourquoi mais les romans de Marguerite Duras me mettent souvent très mal à l'aise. Ses personnages, ses thématiques, son écriture me perturbent. 

Nous accompagnons Françou dans une drôle d'histoire de famille. Dans leur propriété des Bugues, Francine et Nicolas vivent avec leurs parents, leur oncle Jérôme, Clémence, l'épouse de Nicolas, Noël, leur fils et Tiène, un ami, un étranger. Et Jérôme se meurt, frappé par Nicolas. Jérôme fricotait avec Clémence et Francine l'a su. Et dit. Mais derrière cette histoire de cocu, il y en a une plus ancienne, une de sous. 

Avec la mort de Jérôme, l'immobilité des Bugues disparait. Tout change, petit à petit. Avec le départ de Clémence. Avec le nouvel amour de Nicolas. Avec des relations, des alliances entre les personnages. Et un bon marionnettiste, notre Françou. Certes, la vie parait tranquille de loin, c'est la campagne, son rythme saisonnier. Mais avec des hommes qui meurent trop tôt. Et une femme montée en graine, un peu perverse, aux relations malsaines avec son frère, son oncle. C'est finalement elle qui se construit, qui cherche son visage, son amour, et qui brûle tout autour d'elle. C'est elle qui s'ennuie et qui met en branle ces changements. Personnage sans morale, narratrice de son ennui, Francine nous répugne autant qu'elle nous intrigue.
"Dès que j'ai cru avoir trouvé comment éliminer Jérôme, j'ai regretté qu'il soit si simple de trouver et de choisir des solutions à des états de choses qui sont sans solution, sans solution si l'on ne veut pas être menteur, ni vulgaire ou niais. Avant le matin j'étais déjà déconfite par cette commodité honteuse qu'on peut trouver dans presque toutes les circonstances de la vie"


lundi 13 novembre 2017

Mais pourquoi ne retournent-ils pas chez eux ?

C'est le titre de cet ouvrage d'Ada Giusti qui a attiré mon attention. Je me demandais si c'était de la provoc' ou pas. Et puis, en explorant la quatrième de couv' et le sommaire, j'ai constaté qu'il s'agissait d'interviews de réfugiés ou demandeurs d'asile, qui nous contaient leur histoire. 

Ada Giusti, fille d'émigrés italiens en France, ayant elle-même émigré aux Etats-Unis, est bénévole dans plusieurs associations où elle est amenée à rencontrer des migrants. Le contexte est celui des années 2000.

Parmi les témoignages qu'elle recueille, ceux de personnes originaires de l'ex-URSS, du Maghreb ou d'Afrique mais aussi de France. Chacun conte qui des menaces à sa vie, qui des violences, qui l'absence de travail dans son pays. Chaque situation est assez différente, permettant une vision assez large, quoi que toujours subjective, des raisons qui ont poussé à l'immigration. Car s'il y a bien un point commun entre tous, c'est qu'ils rêvent de rentrer chez eux ou auraient aimé ne pas en partir. Il y a aussi ce consensus contre les personnes qui ne veulent pas travailler et voudraient seulement profiter des aides. Côté français, c'est plutôt l'impression de n'être pas chez soi qui prime et l'idée qu'il n'y a pas de place pour tout le monde. 

Un ouvrage intéressant, quoi que déjà daté, qui présente simplement des bouts de vies. Certaines sont vraiment à frémir ! Une lecture qui permet peut-être un regard différent sur la masse parfois
indifférenciée des migrants.

samedi 11 novembre 2017

Cris

Marius, Jules, Messard, Barboni... des noms qui introduisent des voix, des mots, des cris. Soldats, sur le front, ensevelis dans les tranchées, prêts à lancer l'assaut, à gagner quelques mètres. Jules, seul, s'éloigne. Il a le petit papier magique qui lui permet de fuir la mort, quelques jours. Mais il est sourd. Ou plutôt, il n'entend que des cris, des voix, qui n'émanent pas de lui. Les voix de ses autres, peut-être, qu'il a laissés. Le cri de ce fou, qui survit entre les lignes de feu. Le cri de ces hommes qui se regardent mourir, assommés par le feu.

Chant choral, comme souvent chez Gaudé, il m'a touché plus par son sujet que par la plume et le style de l'auteur, que j'ai trouvé assez forcé. Une lecture de circonstance en ce 11 novembre.


lundi 6 novembre 2017

La mémoire des murs

Je crois que c'est mon premier Tatiana de Rosnay. Il trainait aussi dans la biblio familiale. Court et léger, il était parfait pour une petite soirée. D'ailleurs, je ne l'ai pas lâché avant de l'avoir terminé et écourté quelque peu ma nuit.

L'héroïne de ce court roman, Pascaline, vient d'emménager dans un  joli appartement. 40 ans, divorcée, elle vient d'être quittée par son mari Frédéric pour une femme plus jeune, Muriel. Informaticienne sans imagination, rigoureuse et dure, Pascaline ne doute pas de reconstruire quelque chose mais son ex-mari la hante. 
Et ce n'est pas son seul souci. Elle passe des nuits blanches, mal à l'aise dans son appartement... jusqu'au moment où elle découvre qu'un meurtre y a eu lieu. Incapable de vivre dans ce lieu, perméable à la mémoire des murs, elle déménage. Mais se renseigne aussi sur ce meurtre et ceux qui ont suivi... 7 jeunes femmes ont été violées et assassinées par le meurtrier qui a sévi chez Pascaline. Et cela devient obsessionnel. Pascaline ne s'intéresse plus qu'à cette histoire, qui fait rejaillir des cauchemars d'enfant et des traumatismes d'adulte.

Et l'on suit fascinés cette femme qui perd pied... 

Une histoire prenante, comme un fait divers, mais sans surprise, qui déroule sa logique jusqu'à sa fin, certainement tragique... Car on reste sur une question (ça j'aime bien).


lundi 30 octobre 2017

Ecoutez nos défaites

Gaudé et moi, c'est une histoire d'amour ! Franchement, j'adore son écriture épique, ses personnages multiples, son goût de l'antique... Avec ce titre, je retrouve tous les ingrédients pour passer un excellent moment de lecture.

Six personnages, différents temps de combats et de guerre, dans des lieux divers. Hannibal, de l'Espagne à l'Italie avant le retour à Carthage. Assem, espion français. Mariam, archéologue des zones de guerre. Le général Grant durant la guerre de Sécession. Le Negus, Haïlé Sélassié, chassé d'Ethiopie. Sullivan, cet américain qui a traqué Ben Laden. Et qu'Assem doit à son tour neutraliser. Mais c'est aussi tous ces guerriers, ceux de la guerre de Troie, évoqués, c'est Antoine, dans l'épigraphe, c'est ceux qui n'ont pas laissé de nom et de traces.

Certains personnages se croisent donc. C'est Assem et Mariam, lors d'une étreinte d'une nuit, furtive mais marquante. C'est Sullivan (dit Job) et Assem, qui se parlent dans un hall d'hôtel. 

Mariam, qui travaille pour l'Unesco et les musées d'Irak. Qui cherche des objets sauvés des pillages. Qui donne des visages et des objets à l'Histoire, pour qu'elle puisse se raconter. Elle lutte, avec ses petites armes, contre la destruction et l'oubli qu'imposent les djihadistes. Elle tente de sauver des hommes, comme le gardien du site de Palmyre. Et peut-être, de se sauver elle-même ?
"Ce qui reste, c'est ce qu'elle cherche, elle. Non plus les vies, les destins singuliers, mais ce que l'homme offre au temps, la part de ce qu'il veut sauver du désastre, la part sur laquelle la défaite n'a pas de prise, les geste d'éternité. Aujourd'hui, c'est cette part que les hommes en noir menacent [...] Ce qui se joue là, dans ces hommes qui éructent, c'est la jouissance de pouvoir effacer l'Histoire"
"J'imagine qu'il a parlé de l'importance de ne pas oublier que nous sommes des pilleurs de tombes. Que les pharaons se sont enfermés dans leur tombeau pour l'éternité et que nos ouverture, nos effractions, même au nom de l'Histoire, restent des intrusions de forbans. Il ne faut pas l'oublier. Nous construisons une science, nous sommes rigoureux, nous étudions dans les bibliothèques, nous parlons de patrimoine, de l'Histoire, de la mémoire des civilisations, mais il ne faut pas taire cette chose-là : le plaisir de l'effraction. Les squelettes, les momies, les objets funéraires, nous les volons au néant. Nous ouvrons des salles qui devraient rester fermées. Hier c'était à la dynamite, aujourd'hui c'est avec une infinie précaution, mais malheur à celui qui oublie que le geste est le même"

Assem est fatigué. Il a mené bien des missions et celle-ci ne l'inspire pas. Il connait bien la guerre mais il sent aussi qu'il se perd.
"Il voulait être dans l'Histoire - pas reconnu par elle (il n'a pas cette ambition) mais la sentir, être dans les endroits du monde où elle se cherche, se convulse, hésite, prend des formes effrayantes, démesurées. Sentir son souffle, voir comment elle modèle des pays, déforme des vies, crée des espaces singuliers"
Sullivan aimait la guerre. Et puis, il a vu des choses qui l'ont déchiré. Qui l'ont fait sortir du rang. Et maintenant, c'est une menace.

Et tous ces généraux, ces rois, ces guerriers, Hannibal, Grant ou le Négus, ce sont des héros, des incontournables de l'histoire. On les suit dans les combats, au milieu de leurs hommes, dans les charniers d'une fin de journée de massacre. On les rejoint dans leurs moments de doute ou de bravoure, de solitude. Et même vainqueurs, ils sentent bien qu'il perdent...
 
"On ne peut partir au combat avec l'espoir de revenir intact. "Souviens-toi de Mycènes..." Au départ, déjà, il y a le sang et le deuil. Au départ, déjà, il faut accepter l'idée d'être amputé de ce qui vous est le plus cher. Au départ, déjà, la certitude qu'il n'y aura aucune victoire pleine et joyeuse"
"La seule chose qui les différencie des confédérés, c'est la cause. Ce n'est pas rien. Il faut s'accrocher à cela. Le reste va être sale. Les hommes vont se tuer à grande échelle et il va falloir tenir. Les soldats, quel que soit leur camp, vont plonger dans le feu et la mêlée et ils découvriront avec stupeur la face immonde du meurtre"
"Certains hommes font la guerre à condition qu'elle ne les touche pas. Ils acceptent de mettre leur vie dans la balance, oui, mais pas celles de leur femme, de leurs enfants, pas les caves pleines d'amphores d'huile et de vin de leur région, pas les belles bâtisses dont ils ont hérité. Flaminius est de ceux-là. Hannibal le sent. Il va mettre à feu et à sang cette région, et le Romain perdra son sang-froid et sa clairvoyance"
"Autour de lui, les hommes commencent à pleurer. Pas à chanter, pas à hurler de joie : à pleurer sur leur propre victoire"
 Un roman dur, pour ses descriptions des combats, pour les douleurs des guerriers, lucides sur leur sort et celui de leurs hommes, défaits par la violence, le sang, les armes. Mangés par la guerre. Mais beau par son écriture, par les portraits en creux de ces héros qui n'en sont pas, mais qui sont vus comme des justes ou des barbares, sans nuance, alors que Gaudé nous détache
de cette vision simpliste, par les réflexions sur l'histoire et son écriture, sur les combats de civilisations, qui font pencher les balances de l'histoire.

lundi 23 octobre 2017

Petit manuel du parfait réfugié politique

J'ai croisé cette BD (ou roman graphique comme on dit maintenant) de Mana Neyestani en bibliothèque. Aussitôt empruntée, aussitôt dévorée.

C'est un livre de l'attente que nous offre le dessinateur iranien. Des queues, des papiers, des salles d'attente françaises. Vive l'administration bureaucratique ! Ce parcours du combattant, avec ses confrontations à la Préfecture de Police, l'OFPRA, la Cour nationale du droit d'asile sans parler des problèmes de logement, d'apprentissage du français, du travail. Bref, tout ce labyrinthe de procédures qui perdrait n'importe quelle personne sensée.

Avec humour et un joli coup de crayon, Neyestani nous conte ses situations ubuesques et désespérantes. Il n'hésite pas à se moquer de lui-même, des français, des cours d'éducation civique, des formulaires et des numéros qui nous déshumanisent ! 


vendredi 20 octobre 2017

Monsieur le curé fait sa crise

C'était une lecture de vacances, prêtée par un copain prêtre. Oui, il ne manque pas d'humour !

Benjamin Bucquoy est un curé à bout. Ses paroissiennes se crêpent le chignon pour un bouquet, son évêque ne l'a toujours pas nommé prof mais vient de désigner son meilleur ami, les tenants du cathé moderne ou tradi se divisent autour de lui. Bref, rien ne va plus. 

Alors, seul et désorienté, Benjamin disparait. Du coup, c'est l'affolement dans la paroisse, puis dans le diocèse. Sans compter que les médias s'en mêlent. Mais Benjamin n'est pas si loin que ça. Il a juste pris de la distance pour renouer avec la prière plutôt qu'avec la gestion et le management. Emmuré dans sa cabane, il devient le confesseur et l'oreille de ceux qui passent.



Jean Mercier signe ici un roman sympathique et drôle mais non sans profondeur. A partir du burn-out d'un prêtre, il rappelle finalement ce qu'est l'essentiel : aimer et pardonner.

lundi 16 octobre 2017

Le mur

Plus jeune, j'ai beaucoup lu Sartre, notamment son théâtre. Je renoue avec ces nouvelles. 

Le mur. Juan, Pablo et Tom sont en prison et condamnés à mort. Pablo ne souhaite pas livrer Ramon, avec qui il défend l'Espagne contre les franquistes. Les trois passent une nuit terrible, une nuit à attendre la mort, à n'être déjà plus vivants. Et puis, Pablo est à nouveau interrogé. 

Le Corbusier, chapelle Ronchamp, 1950

La chambre. Mr Dardébat visite sa fille, Eve. Eve est mariée à Pierre, qui devient fou. Sa famille tente de faire interner Pierre mais Eve souhaite continuer à vivre avec lui, essaye d'entrer dans ses jeux, dans ses peurs de malade.

Erostrate. Paul Hilbert n'aime pas les hommes. Il les regarde du haut de sa chambre en les méprisant. Il décide de faire un coup d'éclat, d'en tuer quelques uns.

Intimité. Lulu doit-elle quitter Henri et partir avec Pierre ? Ou rester ? Questionnements de Lulu et Rirette sur leurs rapports aux hommes.

L'enfance d'un chef. On suit Lucien, de l'enfance au début de la vie adulte, des jupons de sa maman à la méfiance, des amitiés artistiques et homosexuelles aux groupes fascistes. 

Nouvelles de l'intime et de la famille, elles sortent aussi du cadre familier pour s'interroger sur la politique. Chacune d'elle laisse une impression étrange, un peu malsaine. Chacun reste finalement entre des quatre murs, son mariage, sa folie, son idéologie, sa haine... Pas beaucoup de tendresse pour l'humain dans tout ça !

jeudi 12 octobre 2017

L'ensorceleuse

Ce roman d'Elizabeth Hand traîne depuis des années lumières dans ma PAL ! J'avais peur de retrouver un nouveau Possession, et je n'étais pas prête à affronter un tel ennui. Et puis, le titre me faisait peur : Mortal love ou L'ensorceleuse, dans quelque langue que ce soit, ça peut annoncer un truc très très moyen. En fait, rien à voir !
Avec ce roman, c'est la féérie qui entre dans le monde, en prenant son temps.

A travers divers personnages masculins, entre le XIXe siècle et nos jours, nous croisons une femme, les cheveux auburn, l'apparence un peu masculine, les yeux verts irisés, aux senteurs de pomme. Tous en sont toqués. Attachés de près ou de loin aux préraphaélites, ces artistes célèbrent et peignent éternellement cette même femme. 

Parmi les personnages que nous rencontrons, certains prennent plus d'importance que d'autres. Comme Daniel, ce journaliste qui étudie l'histoire de Tristan et Iseult, et rencontre Larkin, une femme qui ressemble furieusement à celle décrite plus haut. Ou Radborne, un dessinateur américain.
Jouant avec les contes de fées, les liens entre les mondes et l'univers de préraphaélites, Hand tisse une histoire d'amour et de désir. Mais reste toujours à la limite du féérique. Il y a des éblouissements, des hallucinations, bref, des éléments qui nous plongent dans un autre monde. Il y a aussi des références à des poèmes, à des contes, à des tableaux. Mais tout reste un peu flou et obscur, à double sens. C'est à la fois agréable et un peu frustrant. Que sait-on finalement, de cette femme et de son monde une fois la dernière page tournée ? Il nous reste des livres, des tableaux... 

Un roman parfois brouillon, qui explore beaucoup de pistes qu'il n'exploite peut-être pas assez, qui compte un peu plus de pages que nécessaire, mais qui entraîne malgré tout son lecteur, qui l'intrigue (et le frustre un peu). Bref, une promenade auprès d'une fée insaisissable, pour les amateurs de contes, d'Angleterre et de XIXe siècle.
 

lundi 9 octobre 2017

Trois vies de saints

Ce titre d'Eduardo Mendoza m'inspirait tout comme sa couverture. Hélas, je suis restée tout à fait insensible à ces trois histoires et à l'écriture de l'artiste. C'est vraiment le genre de livre pour lequel je sens bien que je suis passée à côté. 

La Baleine. Imaginez l'honneur que serait recevoir un évêque sous votre toit durant un congrès eucharistique. Même si celui-ci vient d'Amérique du Sud et n'a rien de remarquable. Pensez maintenant qu'il doive rester chez vous au-delà de la durée annoncée en raison d'un coup d'état dans son pays. Il devient tout de suite un peu gênant. C'est pourquoi il déménage de la maison de la tante, très chic, du narrateur, à la maison de ses parents, plus populaire. Et qu'il n'a bientôt plus grand chose d'un évêque respecté... A travers les yeux d'un jeune garçon puis jeune homme, nous observons les jeux de pouvoir des adultes, les ambitions, les petitesses.

La fin de Dubslav. Un homme vient recevoir un prix pour sa mère qui vient de mourir. Il en profite pour nous raconter sa triste vie et ce n'est pas super passionnant. Et pour faire un discours devant une assemblée bien pensante.

Le Malentendu. Une femme vient donner des cours en prison. Parmi les hommes qui assistent aux cours, un lecteur avide se détache. Il se met aussi à écrire et devient un homme célèbre. Histoire de cette relation étrange, fondée, des deux côtés, sur des malentendus.

A vrai dire, je n'ai trouvé de l'intérêt qu'à la lecture de la première histoire. La seconde m'a paru particulièrement insignifiante. Et la dernière m'a plus plu pour son contexte qu'autre chose. Je n'ai pas réussi à m'intéresser aux personnages, à leurs histoires, à leurs lieux de vie. Et pour ceux qui s'interrogent encore, non, les personnages ne sont pas des saints ! Bref, une lecture qui ne restera pas dans ma mémoire.

lundi 2 octobre 2017

L'arbre du pèlerin

Ce livre de Guilhem Causse sera peut-être ma seule rencontre avec la rentrée littéraire de cette année. Je reste assez à l'écart du phénomène, j'attends de voir ce qui restera. Pas envie d'être dans l'urgence de la chronique et de la lecture utile. Offert par un ami, ce roman traite d'un sujet qui m'est cher, la coopération internationale.

Julien est à Madagascar comme coopérant, il est comptable pour l'évêché de Mananjary. Et bientôt seul en charge du lieu, de toutes les affaires administratives, certes, mais aussi des hommes...

L'histoire qui nous est proposée conte le chemin fait par ce jeune français, un peu fermé, isolé, au contact de prêtres pas si catholiques, d'une population pauvre, d'une météo effrayante et prodigieuse. Quelques figures se détachent comme Magda, une jeune et jolie demoiselle, Krzysztof, le jésuite voisin, Charles et Nirina, les prêtres ennemis, Alfred, le petit estropié... Julien est à la fois agaçant, avec ses préjugés, puis attachant par ses questionnements. Une petite crise de malaria, comme un boulet de canon, peut faire changer un regard. L'ensemble est assez lent, peut-être pour mieux nous faire sentir qu'une transformation n'est pas immédiate, et parfois un peu bavard. Mais ce n'est pas tant les détails, les anecdotes qui restent, que la route parcourue et la paix qui inonde Julien.

Roman initiatique, d'une ouverture plus grande à l'amour, à la liberté personnelle, il offre ouvre peut-être plus de questions qu'il ne montre un chemin.
 

vendredi 29 septembre 2017

Les voix de Marrakech

Je ne crois pas avoir déjà lu Elias Canetti. C'est avec ce recueil de nouvelles ou plutôt de textes courts, qui sont parfois comme des impressions presque photographiques, que nous faisons connaissance. Je l'ai accompagné dans sa découverte de Marrakech, des lieux, des sons, des odeurs, des personnes, des animaux...


Rencontre avec des chameaux 
"Trois fois, je me suis trouvé en contact avec des chameaux et, chaque fois, cela s'est terminé de façon tragique"
Les souks : des objets, des boutiques et du marchandage.
Les cris des aveugles : sur la répétition par un groupe de huit aveugles.
" Je rêve d'un homme qui aurait désappris les langues de la terre jusqu'à ce qu'il ne puisse plus comprendre, dans aucun pays, ce qui s'y dit. Qu'y a-t-il dans la langue ? Que cache-t-elle ? Que vous prend-elle ? Au cours des semaines que j'ai passées au Maroc, je n'ai essayé d'apprendre ni l'arabe ni aucun dialecte berbère. Je ne voulais rien perdre de la puissance exotique des cris. Je voulais être touché par les voix telles qu'elles sont par elles-mêmes et n'en rien affaiblir par un savoir artificiel et insuffisant"
La salive du marabout : il mâche avec plaisir, il ne semble pas mendier, que fait-il ?
Maisons silencieuses et terrasses désertes : interdit de s'occuper des voisins quand on est sur sa terrasse !
La femme derrière la grille : une jolie voix au hasard d'une rue.
Visite dans le Mellah : visite du quartier juif et de son cimetière. 
La famille Dahan : rencontre avec une jolie femme. mariée.
Conteurs et écrivains publics : ils co-habitent sur la place, les uns dans le bruit, les autres dans le silence.
Le choix d'un pain : meilleur s'il est passé par les mains des jeunes femmes
La calomnie : enfants mendiants et restaurateur, anecdote sur la prostitution.
Le désir de l'âne : vieil âne mais toujours vaillant.
"Shéhérazade": Histoire dans le bar européen de Marrakech sur une anglaise déshéritée.
L'invisible : Un mendiant, un tas de chiffons, qui à peine sait prononcer le nom de son dieu.

Ces histoires sont liées, elles se suivent, se répondent, et forment comme le roman d'un voyage à Marrakech. Un roman à anecdotes, à émotions, à sensations, transcrites simplement par une écriture lumineuse.

mercredi 27 septembre 2017

Austrasie. Le royaume mérovingien oublié

Tadadada ! Non, c'est pas trop pompeux ce titre ? J'ai l'impression qu'on va voir une série plus qu'une expo ! 
Boucle de ceinture, moselle, 6e siècle, alliage cuivreux

Au cœur du château de Saint-Germain-en-Laye, dans le labyrinthe des salles perdues, vous trouverez, pour les plus téméraires, un trésor d'expo. Chevaliers au coeur pur only ! En bref, c'est la première à droite après le portique vigipirate.

Là, vous découvrirez ce qu'est l'Austrasie, zone qui recouvrait l'est de la France, la Belgique, le Luxembourg, une partie de l'Allemagne et quelques autres régions (ben oui, la géographie est assez peu stable dans le temps. Une 'tite guerre, un problème d'héritage et paf, tu perds des terres). Accessoirement, vous réviserez, car vous avez bien entendu appris tout ça à l'école, vos rois de France. Clovis, Thierry, Clotaire, Childebert, etc. Et puis, vous observerez quelques objets archéologiques par-ci, par-là. Ils sont parfois décrits avec des termes très accessibles comme "ardillon". Heureusement, il y a un glossaire pour les incultes ! Vous ferez attention aussi, car des fac-similés se cachent dans l'expo. Et ça c'est vraiment pas cool, ça te donne limite envie de visiter les musées sur G...Art.

La prochaine épreuve ? Elle ne vient pas tout de suite. Vous découvrez les objets de fouille, quelques céramiques, des pierres gravées, des boucles de ceinture ou d’aumônières, quelques armes. Vous croisez une partie super développée sur l'étude des os humains (trépanations, fractures et autres réjouissances). Un spécialiste dans l'équipe ? Et à côté de ça, des dispositifs un peu surprenants de médiation autour des parfums, des céréales, qui prennent pas mal de place et nous laissent entendre qu'il n'y a pas grand chose de plus à dire ou à montrer. 

Le tout se termine sur la légende noire de l'Austrasie (enfin, du Haut Moyen Age en général) avec quelques représentations XIXe, des extraits de séries (Viking et Game of Throne, quelle originalité) et des petits portraits de rois (oh, fac-similés aussi). 

Bref, une expo qui aurait pu être intéressante si elle n'avait hésité sans cesse entre l'ultra-spécialisation et l'ultra-démocratisation, entre l'objet archéologique pas très intéressant si on ne l'explique pas, le bel objet (mais qui réduit inévitablement la vision de l'époque) et le fac-similé qui frustre le rapport à l'objet... Bref, l'Austrasie en sort à peine un peu plus connue.

lundi 25 septembre 2017

L'homme qui marche

Court petit livre de Christian Bobin qui nous parle du Christ, sans le nommer. Qui nous parle de l'homme. De son accueil. De ses rencontres. De sa marche. Toujours à mots couverts, avec peu d'effets. Simplement. Et le lecteur marche avec lui, retrouvant les personnages bien connus par leurs gestes, leur façon d'être au monde. 

Je vous laisse le paragraphe d'une rencontre, qui vous donnera, j'espère, envie d'ouvrir ce livre :
"Son esprit est légèrement absent, et ce rien d'absence est sa matière d'être attentif à tout. Pris dans un chaos de désirs et de plaintes, serré par une foule qui se bouscule ses faveurs comme on voit des moineaux s'abattre en nuée sur un seul morceau de pain, il distingue très bien le frôlement d'une seule main sur un pan de son manteau, il se retourne aussitôt et demande qui l'a touché, qui lui a dérobé une part de sa force. La voleuse - car c'est bien sûr une femme, car les femmes ont su très vite connaître en lui la plus grande intelligence vivante, l'intelligence du don, car les femmes ne se trompent pas sur la lumière qui sort de lui, c'est la même qui s'en va d'elles pour baigner les chairs de leurs enfants - la voleuse par amour est celle qui l'a sans doute le mieux entendu : prenez ce que je vous donne, je vous le donne sans condition, et parce que je vous le donne absolulment, il y en a absolument pour tous - ce qu'on partage se multiplie"
"Celui dont je n'accueille plus le visage - et pour l'accueillir, il faut que je lave mon propre visage de toute matière de puissance - celui-là, je le vide de son humanité et je m'en vide moi-même.
"Ce qu'il veut, c'est que nous supportions de vivre ensemble. Il ne dit pas : aimez-moi. Il dit : aimez-vous"
"Peut-être n'avons-nous jamais eu le choix qu'entre une parole folle et une parole vaine"

vendredi 22 septembre 2017

Pierre le Grand. Un tsar en France, 1717

De passage dans la jolie cité de Versailles et en promenade au Trianon, j'ai découvert cette expo par hasard. Elle ne vaut pas spécialement le déplacement mais elle agrémente la visite.

Carel Allard, Feu d'artifice du 26 aout 1697 en l'honneur de l'arrivée à Amsterdam de la Grande Ambassade, Ermitage, St Petersbourg, 1697

Le thème en est le passage du tsar en France en 1717, alors que Louis XV est encore enfant. Bien entendu, les trois mois en France de Pierre le Grand ont un peu de mal à remplir les huit salles de l'exposition et le personnage, mal connu des français, mérite d'être introduit.

On découvre le tsar par ses portraits et par ses terres. Ce géant curieux et voyageur règne sur quatre mers et s'intéresse à tout. Voyageur, il étudie incognito l'ingénierie, la construction navale et bien d'autres sciences notamment entre 1697 et 1698 lors d'une mission diplomatique, La grande ambassade. Cet intérêt pour les sciences est développé ensuite, à l'aune du voyage à Paris, où il visite manufactures et académies. Quelques objets sont ainsi exposés, compas, équerres, sphère armillaire ou cadrans solaires. On entre un peu plus dans le détail du voyage français, les rencontres avec la Cour, le traité de commerce, la diffusion de cette visite auprès des français... Et les moments marquants dans des jardins et châteaux français. Ou devant la machine de Marly.

Enfin, il est question d'art et d'influence. Qu'apporte l'art français à la ville nouvelle de Saint Pétersbourg ? Et qu'apporte le tsar à la France ? Deux thèmes qui auraient pu être exploités plus largement car on reste sur sa fin dans cette section.

Présentant de nombreux objets du musée de l'Ermitage, cette exposition cible bien son propos mais présente finalement peu d'objets intéressants. Pierre le Grand semble juste un prétexte à quelques prêts et à une collaboration.

jeudi 21 septembre 2017

Portraits de Cézanne

Cezanne, Vieille au chapelet
C'est en juillet dernier que j'ai visité cette expo au musée d'Orsay et, voyant la clôture arriver, je m'empresse de vous en dire quelques mots. Comme son titre l'indique, cette expo est dédiée au genre très classique du portrait, le gagne pain des peintres. Sauf que c'est aussi un moyen d'expérimenter des choses. Et que les portraits exposés appartiennent plutôt à la sphère domestique, avec un nombre de représentations, pas toujours très flatteuses, de sa femme, Hortense.

Dans la première salle, on croise Achille Emperaire, un des portraits les plus connus de Cézanne. En pied, sur son trône ridicule, il nous renvoie à notre vanité ! Puis on s'étonne des portraits au couteau de l'oncle Dominique. C'est plus sculpté que peint, avec des grandes taches colorées, des ombres dans les reliefs. On découvre ensuite des autoportraits, des portraits d'Hortense, d'amis, du jeune garçon à la vieille femme courbée. Les couleurs changent, s'éclaircissent, l'épaisseur aussi. Les formats se stabilisent. 

Parmi les plus marquants de ma visite, je retiens l'oncle Dominique, Hortense, Gustave Geoffroy et la vieille au chapelet. Et cet aspect peut-être moins montré des portraits de Cézanne, qui sont aussi un moyen de simplifier, d'expérimenter, de jouer avec la lumière et les formes. Un voyage dans l'intimité du peintre.

mercredi 20 septembre 2017

Nuit d'ambre

Voici la suite du Livre des nuits que je me suis empressée d'aller chercher en bibliothèque après mon coup de coeur. Sylvie Germain prend une place nouvelle dans mon panthéon. 

On change un peu de prisme, laissant le vieux Nuit d'Or au second plan pour suivre un de ses petits enfants, Nuit d'Ambre, prénommé Charles Victor à sa naissance. Cet enfant, oublié par ses parents broyés par la mort de son grand frère, cultive une haine féroce envers les siens, envers le monde, envers les hommes et les dieux. Il se veut mauvais, criminel et colérique. Et il grandit ainsi avec pour seul amour sa petite soeur.

Personnage agaçant, égoïste et blessé, Nuit d'Ambre m'a moins plu que Nuit d'Or. Mais j'ai été heureuse de passer quelques heures de plus avec cette étonnante famille. Bref, un second tome moins fou que le premier.

 
"Baptiste, mon pauvre Prince de Nemours, mon pauvre amour de jeunesse, je ne sais plus, je ne peux plus t'aimer comme autrefois. L'amour en moi s'est essoufflé, le désir s'est perdu. Mon tendre et dérisoire Prince de Nemours, jusqu'à quand tiendras-tu ouvert le livre de notre rencontre, le livre de notre coup de foudre ? Vois, moi, j'ai perdu la page. Le livre m'est tombé des mains. J'ai perdu toutes les pages. Je ne sais même plus lire, peut-être. Je ne sais plus comment s'écrit l'amour, comment se dit, comment se lit l'amour"

"La guerre n'était-elle pas une mère monstrueuse, obscène et folle, qui ne portait les hommes dans son ventre difforme que pour les remettre bas, sous l'aspect d'êtres amputés à jamais de la paix dans leur mémoire et dans leur âme ?"

mardi 19 septembre 2017

120 battements par minute

La rentrée est aussi sous le signe du cinéma. Avec ce film, conseillé par quelques bons amis, on replonge dans les années 90. Les années sida.

Copyright Salzgeber & Co. Medien GmbH

Tout commence au sein d'Act up, cette association qui vise à défendre les droits des personnes touchées par le sida. On découvre une réunion de l'association puis son mode d'action musclé avec faux sang et délégations qui envahissent un labo pharma. Mais ce n'est pas un documentaire, c'est aussi l'histoire de ces hommes et femmes touchés par le sida, qui voient leurs amis mourir, dans l'indifférence générale. Vue comme la maladie des homos et des drogués, elle ne semble pas prioritaire pour le gouvernement, les labos ou l'opinion publique. Et l'on oscille entre l'association et les hommes durant le film, avec une tendance à voir de plus en plus les hommes à mesure que l'on avance : réunions, actions, réunions, premier mort, action, maladie du héros, accompagnement du héros, un peu moins d'Act up...

Entre le documentaire et l'histoire d'amour, avec des émotions, des partis pris et quelques longueurs, ce film nous met face à la douleur d'une maladie alors incurable, aux maux de ceux qui souffrent dans leur corps, de ceux qui les accompagnent, leur survivent... pour combien de temps ?

C'est le genre de film dont on sort glacé. Pas de musique sur le générique. Pas d'espoir. Et qui donne envie de se renseigner, d'en savoir plus, même si c'est prendre le risque de faire mentir ce qu'on nous a montré, l'ensemble harmonieux qui a été composé.

lundi 18 septembre 2017

Le livre des nuits

C'est certainement le coup de cœur de mon été que ce roman de Sylvie Germain. J'ai adoré son écriture poétique, les pointes de fantastiques, les personnages consistants et attachants. C'est vraiment mon truc le réalisme magique !

Frida Khalo, Luther Burbank, MexicoC'est l'histoire d'une famille, ou plutôt de Nuit-d'Or. Ce personnage fabuleux, prénommé Victor Flandrin Péniel, on va le suivre depuis ses origines de marin d'eau douce, enfant de péniche et d'inceste. Il est petit-fils de Vitalie, la femme aux six enfants morts nés, fils du septième, Théodore-Faustin, l'homme doux devenu fou après la guerre de 1870. Enfant des fleuves, il devient homme des terres, quelque part près des frontières, à l'est, au lieu nommé Terre Noire. Il y fonde une famille qui ne cesse de s'élargir, une famille d'enfants jumeaux, qui font miroir les uns pour les autres. Et qui traversent le XXe siècle entre guerres et violences des hommes. Et de Dieu ? s'interroge Nuit-d'Or.

Ce roman, c'est une merveille narrative. La première partie, "Nuit de l'eau", demande un petit effort, pour entrer dans le roman, mais très vite, le lecteur est pris et ne peu s'arracher à la famille Péniel, surtout lorsqu'elle sort de la réalité avec l'enfant de sel, les petites chaussures de la mort, les larmes de verre, l'ombre de Vitalie... et toutes ces petites touches qui transforment les êtres. C'est aussi une écriture très belle (ou que je trouve très belle) avec ces images inspirantes, pénétrantes et poétiques, ces rêves étranges et beaux, ces événements fantastiques qui n'appellent pas d'explication mais existent, simplement. 

Sans surprise, je me suis jetée sur la suite, Nuit-d'Ambre... Et je vous en parle bientôt.

mercredi 13 septembre 2017

Titus d'Enfer

Friedrich
Encore un titre qui sort de ma LAL. Je crois que ce roman étonnant de Mervyn Peake attendait son heure depuis près de dix ans. Et il a failli attendre plus lorsque j'ai commencé ma lecture car je n'entrais pas du tout dans l'ambiance. 

Tout se déroule dans Gormenghast, le château ancestral des comtes d'Enfer. Véritable labyrinthe où le lecteur s'égare, il héberge des êtres curieux, confondus avec leur fonction. Le comte, sa femme, ses soeurs, sa fille Fuchsia et son fils, Titus, dont la naissance met en branle le rythme immuable des cérémonies du château pour son futur comte. Il y a aussi tous les serviteurs, Nannie Glu, nurse, Lenflure, chef cuisinier obèse et doucereux, Craclosse, au service du comte et dont la maigreur fait craquer les os, le docteur Salprune, etc. Il y a aussi Finelame, un jeune homme ambitieux et malin, échappé des cuisines de Lenflure, qui compte bien s'imposer comme un incontournable de Gormenghast. Et puis, il y a ces personnes qui vivent autour du château, peuple de sculpteurs voués à la vieillesse dès 20 ans.

Histoire de la première année de Titus, l'héritier de Gormenghast, histoire d'une année de changements, d'étranges craquements dans le déroulement routinier et monotone des jours, voilà ce qu'est en partie ce roman. Mais il est surtout un objet étrange, poétique, gothique et fantastique. Il conjugue des idées superbes et saugrenues, des personnages absurdes, grotesques et caricaturaux, des lieux antiques et secrets, plein de couloirs, d'escaliers, de toitures et de greniers.

J'ai adoré la pièce des chats ou le lien de la comtesse avec ses oiseaux :
"Ils passèrent sous une voûte sculptée, au fond de la pièce, et refermèrent la porte derrière eux. Alors Finelame entendit de nouveau la rumeur, car les chats blancs s'étaient remis à ronronner à pleine gorge, sur un rythme lent et régulier qui évoquait la voix de l'océan dans l'oreille d'un coquillage"

Ou encore l'arbre de Cora et Clarice aux racines colorées, la chambre des racines. Le grenier de Fuchsia et sa forêt. La bibliothèque du comte, si chère à son coeur. La disparition du comte est aussi anthologique. Tout comme le combat de Lenflure et Craclosse.

Finelame est un peu agaçant, sournois et manipulateur. J'aurais aimé qu'il se prenne un peu plus les pieds dans le tapis. 
"Époustouflante, dit Finelame, est un mot du dictionnaire. Nous sommes tous prisonniers du dictionnaire. Nous nous contentons de faire travailler les forçats de cette vaste prison de papier, les petits mots imprimés noir sur blanc, alors que nous avons un besoin urgent de mots nouveaux, de sons nouveaux, d'effets nouveaux. En langage aussi mort que la rime des poètes, Excellences, vous êtes époustouflantes, mais que ne puis-je inventer un son flambant neuf pour vous communiquer ce que je ressens à vous voir, assises l'une près de l'autre devant le feu, dans votre splendeur pourpre ! Mais non, c'est impossible. La vie est trop éphémère pour les onomatopées. Le poids des mots morts m'étouffe, et je ne puis trouver aucun son qui exprime ce que je ressens"
L'ensemble est fabuleux, c'est un conte noir, qui désarçonne son lecteur autant qu'il l'émerveille et le fascine.

lundi 11 septembre 2017

La valse des arbres et des étoiles

Aussitôt croisé chez les parents, aussitôt dévoré. Il faut dire qu'il y a un superbe Van Gogh sur la jaquette et que le peintre s'invite dans ce roman.

Nous y rencontrons Marguerite Gachet, la fille du bien connu docteur d'Auvers-sur-Oise immortalisé par Van Gogh. Jeune femme de 19 ans, bachelière (ce qui est rare en 1890), Marguerite peint et rêve de partir en Amérique. Elle ne supporte pas le conformisme de la vie bourgeoise et cherche à éviter un mariage prévu avec le fils du pharmacien du coin. À ses heures perdues, elle dessine et peint mais sans talent. Jusque là, rien de bien fou. La petite bourgeoise qui se croit rebelle et qui nous casse les pieds, quoi (elle a finit par m'agacer) !

Notre petite aventurière nous conte à la première personne son année et son secret. Elle a croisé Van Gogh dont elle s'est entichée. Car il pourrait notamment lui apprendre à peindre et l'emmener loin de son milieu honni. Marguerite admire le peintre, mais c'est un coup de foudre pour l'œuvre plus que pour l'homme à certains moments. Tout se gâte avec sa passion et son côté tête brûlée... Peu discrète, elle finit par commettre des erreurs. Qui précipitent la fin de l'aventure et de Van Gogh.

Journal fictif de Marguerite, ce roman imagine un Van Gogh plein d'énergie et de rêves, pas du tout le dépressif au bord du suicide que l'on nous dépeint, le peintre maudit et sans espoir. Il est accueilli par un Gachet radin et opportuniste... Et cette petite folle de Marguerite, qui prend beaucoup trop de place. [spoiler alert] J'ai aimé l'hypothèse des faux et du faux suicide même si ça parait complétement tiré par les cheveux mais j'aurais préféré un Van Gogh moins personnage secondaire. 

Van Gogh, Oliviers, MoMA


Un roman qui se lit vite et bien, bercé par la plume simple et efficace de Guenassia. On regrettera d'ailleurs qu'elle ait perdu de sa verve et de son dynamisme. Rien de bien fou donc mais rien de trop (sauf peut être le temps de claustration de Marguerite). Bref sympa sans être inoubliable.

vendredi 8 septembre 2017

Portrait craché

C'est la rentrée des classes aussi dans mon roman !

Jeanne Kern, professeur de maths, se présente au lycée. Elle est virée, manu-militari, par les surveillants. Dans son immeuble, personne ne la connait. Idem chez les élèves ou parents d'élèves. Chez les commerçants, c'est pareil, on l'ignore ou on l'insulte. Vraiment, la rentrée s'annonce atroce pour Jeanne. Elle en vient à sortir tous ses papiers pour se rassurer, se reconnaître...

Le directeur et notre narrateur principal, Ketti, semble être derrière cette machination. Il nous intrigue. Il nous manipule, tout comme il manipule Jeanne. Mais notre petite prof n'est pas du genre à se laisser faire. Elle contacte un détective, qu'elle séduit, Laurent. Il n'est pas très bon, mais il est sous le charme. Et il finit par trouver la cause de la radiation de Jeanne par les siens. La victime n'est pas si innocente qu'elle le semble...

Un roman court, à trois voix, Laurent, Jeanne et Ketti, rondement mené. Le mystère n'est pas très épais, les réactions des gens étonnantes, mais ça fonctionne plutôt bien. Le roman d'une soirée.

Dora Maar aux ongles verts

jeudi 7 septembre 2017

Histoire du chat et de la souris qui devinrent amis

Sepulveda est un ami des chats. Après son Histoire de la mouette et du chat qui lui apprit à voler, voici un autre conte avec un chat pour héros. Son nom est Mix. Il vit avec Max à Munich. Ils grandissent ensemble, inséparables.  
Mais Mix vieillit et perd la vue. Pour un chat aventurier, c'est tristoune. Heureusement, une petite souris très bavarde vit dans le coin, et va devenir son amie... et ses yeux !

Un petit conte pour tous les âges, illustré, qui fait plaisir à lire.


mercredi 6 septembre 2017

Les petits riens de la vie

Ces nouvelles de Grace Paley ne me laisseront pas un souvenir inoubliable. À peine terminées, je ne me souviens pas de chacune en détail.
 
L'ambiance générale est celle de l'Amérique urbaine des classes pauvres et juive. Il y a généralement une femme et mère au centre, qui tente mollement d'élever ses enfants et de subvenir aux besoins de la famille. Le ton est léger, porté à l'humour et aux histoires de fesses, mais la réalité semble plutôt sombre. Ni l'écriture ni les thèmes ne m'ont réellement plu, je vous propose tout de même les titres du recueil :
Matisse, Odalisque à l'échiquier

Au revoir et bonne chance. L'aventure d'une jeune caissière d'un théâtre avec Vlachkine, un acteur à la mode.
Jeune femme, vieille femme. Une petite soeur pique son amoureux à sa grande soeur, ambiance Libération et Lolita.
Le rôti rose pale. Retrouvailles d'Anna et Peter dans un parc, il lui file un coup de main pour porter des cartons et se retrouve dans son lit.
La voix la plus forte. Une petite juive, Shirley, devient narratrice pour le spectacle de Noël de l'école.
Le concours. Freddy aime beaucoup les filles, surtout Dot. Pour lui plaire, il l'aide à jouer à un concours "Cent juifs à la une".
Un intérêt dans la vie. Elle commence ainsi : "Une année, à Noël, mon mari m'a donné un balai". Et ça se poursuit par le départ du mari qui l'abandonne avec ses enfants. Et le fils de la voisine qui passe la voir réguliérement.
Un diamètre irrévocable. Charles rencontre Cindy. Il est un peu vieux pour elle mais qu'à cela ne tienne ! Et il se retrouve marié.
Deux brèves histoires tristes tirées d'une vie longue et heureuse : 1. Les éléveurs de garçonnets d'occasion. Blême et Blafard, l'un père naturel, l'autre adoptif avec leur femme, Faith. 2. Un sujet d'enfance. La même Faith avec ses enfants et son ami Clifford.
A l'époque qui fit des singes de nous tous. Eddie élabore des inventions avec ses amis dans le cellier de l'immeuble.
La vérité flottante. Elle cherche un boulot, il lui invente un CV de rêve. Avec changement de nom du personnage masculin à chaque phrase.
 

mardi 5 septembre 2017

L’architecte. Portraits et Clichés

Portraits et clichés, le ton est donné, il s'agit d'aller voir du côté de la représentation de l'architecte. Du grand architecte de l'univers, au maître d'oeuvre en passant par les archistars, le parcours invite à découvrir ce que chaque époque a montré de ses architectes.
 
Aux origines, on croise l'incontournable Imhotep, architecte divinisé par les égyptiens, ainsi que quelques noms dans les textes antiques. Mais c'est au Moyen-Age que se fixent les premières représentations d'un architecte avec compas, équerre et maquette. Ces attributs le suivront jusqu'au début du XXe siècle.
A l'époque moderne, les représentations vont augmenter, de "Celui qui bastit, ment" à l'homme de pouvoir, représenté comme un grand de son temps. Au XIXe siècle, les portraits se multiplient et l'architecte n'y échappe pas. Garnier tout particulièrement est photographié, peint, gravé, sculpté... et caricaturé ! Les frères Goncourt, à la langue bien pendue nous en disent ceci :
« Garnier, l’architecte de l’opéra, avec sa tête de Masaccio et sa voix enrhumée, qui le font descendre à la fois des primitifs et du Cantal, avec ses déformations de la mâchoire inférieure, dans les déglutitions, qui le font ressembler à un poisson qui gobe un hameçon, avec son importance gourmée mêlée à des pétarades de vieux rapin romantique, est un voisin de table désagréable à entendre parler, désagréable à voir manger »
Au XXe siècle, on peut admirer des défilés d'architectes revêtus de leurs réalisations, les photos de la vie en école, les stars... et tous les contemporains qui se sont prétés au jeu dans la rue haute, qui mène à l'entrée de l'expo. Enfin, on voit surtout l'image du métier qui se diffuse dans la société et l'on retrouve une présence de l'architecte dans les films, les jeux, les timbres...
 
Un parcours intéressant mais qui manque parfois d'informations sur les oeuvres choisies, sur l'objet de l'exposition, qui montre mais ne questionne pas beaucoup. Bref, je reste sur ma faim.
 

qui bastit ment
Qui Bastit ment © Source gallica.bnf.fr / BnF