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lundi 19 septembre 2022

Les cavaliers

Un dernier pavé, d'un auteur que j'adore, Joseph Kessel. Avec lui, je fais le tour du monde et je m'arrête en Afghanistan pour suivre un tchopendoz, Ouroz. 


Un tchopendoz ? C'est un cavalier de bouzkashi, un célèbre jeu afghan qui se joue à cheval et qui consiste à emporter le cadavre d'une chèvre dans un but, assailli par des dizaines d'autres tchopendoz. C'est le job d'Ouroz et il compte bien remporter le grand bouzkashi du roi à Kaboul. Fils du grand Toursène, monté sur Jehol, rien ne peut lui résister. Sauf son corps. Echouant à quelques centimètres de la victoire, Ouroz décide de rentrer chez lui au plus vite, par un chemin dangereux. Accompagné de son serviteur Mokkhi, il va traverser le pays pour rejoindre ses plaines natales. En chemin, il devra lutter contre l'envie de son serviteur et la douleur de sa jambe brisée. Tout un voyage pour permettre au lecteur d'apprivoiser cet étrange personnage, tout d'orgueil et d'audace.

Un livre d'aventure au cœur de l'Afghanistan, qui nous en fait découvrir traditions et reliefs, guidés par un personnage odieux mais admirable. 

Lu en Folio - 590 pages

mercredi 14 septembre 2022

Les enfants Jéromine

Bel ouvrage que ce pavé (1125 pages au livre de poche tout de même) d'Ernst Wiechert, auteur allemand que je découvre avec ce livre. C'est un roman d'initiation plein d'humanité qui nous fait suivre Jons Ehrenreich - riche en honneur - de sa petite enfance à sa maturité. Et notre question principale est : donnera-t-il raison à son nom ?
Cadet d'une famille de sept, il est repéré par son instituteur comme un enfant travailleur et intelligent. Celui-ci lui offre la chance de poursuivre ses études dans la ville voisine et soutient sa scolarité. Jons, très attaché à sa terre "le coin aux chouettes" et aux siens, se forme pour revenir apporter de l'aide aux villageois.
Le lecteur suit sa croissance ainsi que celle de ses frères et sœurs, de sa famille, l'évolution des membres du village. Ils sont inoubliables comme le pasteur, l'aristocrate local, l'instituteur... C'est un rythme paisible, qui s'intéresse au fond des choses, à la couleur du ciel et à l'âme des personnes. C'est doux et édifiant, presque angélique parfois. Et pourtant, le monde se rapproche a travers la première guerre, l'automobile et la montée du nazisme dont les ombres pèsent sur la fin du roman. Dans ce coin perdu, il est des gens qui remuent le monde dans l'honnêteté et la simplicité du quotidien. Mon seul regret : il n'y a pas vraiment de fin.

J'ai glané des jolis passages en nombre, je vous en livre quelques uns et vous laisse retrouver la totalité sur Babelio.


"Non, il n'était pas nécessaire que quelque chose de grand sortît de l'enfant de la chaumière. Il suffisait qu'il cultivât trente arpents de maigre terre, de sa jeunesse à sa vieillesse. Car s'il ne le faisait pas le champ retournait au désert, et au lieu de pain il donnait des pierres. Et aucun enfant ne sortait de cet enfant, et dans la chaîne des générations quelque chose était rompu. Le village y perdait un sourire qui eût été donné peut-être aux éprouvés, une assistance amicale, une parole cordiale en une année de mauvaise récolte. Il n'était pas vrai, selon Jons, qu'il n'y eût personne d'irremplaçable. Les affaires de l'humanité ne se faisaient pas par des suppléants. Pas même celles d'un pays ou d'un village. Il n'était pas vrai que lui, Jons, pût être remplacé par un docteur Joyeux, ou un docteur Triste, ou même par un docteur Toutlemonde, pas vrai que Stilling ou Korsanke fussent remplaçables. Non, pas même Piontek ! Quelqu'un pouvait prendre leur place, et leur emploi serait, comme on dit, pourvu. Toutefois l'homme qui le détenait était irremplaçable. Il était tombé, une seule fois, de la main de Dieu, et Dieu l'avait façonné en type unique et non pas en série, comme à la chaîne d'une fabrique d'engins mécaniques."
"Qui est déshérité ? demanda Lawrenz en se ployant sur son fauteuil. Qui est sans travail ? Faut-il que la langue soit un instrument si docile de nos erreurs ? Avez-vous jamais vu un seul homme que Dieu ait déshérité ? Un père, une mère peuvent déshériter, et ils ne peuvent, eux non plus, enlever que de l'argent et des propriétés, sans pouvoir déshériter de leur sang. Mais Dieu ne déshérite pas même les incroyants. lI ne nous enlève ni le sol que nous foulons de nos pieds, ni la lumière du soleil, ni la muette image des fleurs. Et quand il nous fait marcher sur des béquilles et nous rend aveugles, il nous donne du moins encore la force de créer un autre monde, en notre esprit."
"Ils étaient des orphelins et portaient tous le même uniforme gris. Et pourtant il y avait eu parmi eux des rois, comme le grand-père, des héros, comme Michael, des êtres ayant la grâce, comme Christian, et d'autres ayant la noblesse, comme son père. Mais le Reich ne les voyait pas. Il s'était retiré dans ses grandes villes et ce qu'on y adorait c'était l'or et la parole. Des choses éphémères et trompeuses, comme la puissance édifiée sur elles. Celui qui était envoyé dans les forêts y allait comme en exil et celui qui était appelé dans les villes était un élu. Et le petit nombre de ceux qui étaient appelés n'était reconnu de personne. On les envoyait à la mort, comme Jumbo, et on ne savait pas qu'ils étaient irremplaçables. On ne distinguait pas entre la valeur et le nombre."

mercredi 17 août 2022

Le roman du mariage

Encore une sortie de LAL pour ce titre de Jeffrey Eugenides, grâce aux trésors des boites à livres. C'est un roman de campus américain, au début des années 80 et un triangle amoureux. Oui, ça semble assez banal et pourtant, c'est drôlement addictif - roman de 572 pages chez Points, lu en 2 jours (et nuits). 

Madeleine est une petite bourgeoise étudiant la littérature. Cette fan de Jane Austen découvre la sémiotique, le post-structuralisme et le déconstructionnisme lors d'un de ses cours les plus en vogue - et les plus selects. C'est là aussi qu'elle rencontre Léonard, un esprit brillant et original qui devient son petit ami. Un peu coincée, naïve, elle découvre avec ses études des formes de pensée qui l'interrogent. C'est quand même un moment passionnant pour les études de lettres et pour le féminisme, même si tout semble s'être joué dans les années 60-70. Autour de Madeleine, des copains de fac, assez peu différenciés pour le lecteur, à part Mitchell, un de ses soupirants qui croit qu'ils sont destinés à se marier ensemble. Si Madeleine a le premier rôle, le lecteur suit aussi les itinéraires et le point de vue de Mitchell et Léonard. A travers une narration subtile, qui joue sur la temporalité et le séquençage des points de vue interne, pas de temps mort. Plus qu'un roman d'amour, c'est un itinéraire amoureux et spirituel, inspiré des Fragments d'un discours amoureux. Et le portrait d'une génération universitaire. Enfin, c'est aussi le douloureux chemin d'un maniaco-dépressif et de son entourage. 

Vous avez tous les éléments pour un chouette roman américain, bien plus intéressant que je ne l'imaginais malgré des personnages peu attachants. On est plutôt dans une approche au microscope qu'au stéthoscope. Bonne lecture !

mercredi 17 février 2021

La boutique aux miracles

Je continue de sortir de la PAL des auteurs sud-américains avec ce roman de Jorge Amado. J'ai eu moins de plaisir à le lire que Gabriela, girofle et cannelle mais j'ai retrouvé une ambiance farfelue et foisonnante sympathique. 

Dans ce roman, il y a deux temps, ou deux romans. Le roman du narrateur, qui raconte la venue du grand Levenson, prix Nobel de littérature à Bahia et le roman d'Archanjo, un obscur écrivain de Bahia que Levenson tire de l'oubli. 

Le narrateur nous montre la folie de la récupération de Pedro Archanjo Ojuoba par tous les intellectuels brésiliens, les publications, les événements et toute l'agitation autour de la valorisation de l'écrivain oublié - auteur de 4 livres dont un livre de cuisine - grâce au mot d'un américain. Chaque journal veut publier les meilleurs articles, mais personne ne sait plus qui est Archanjo, mort seul et pauvre comme Job. 

Dans le même temps, ses recherches retracent la vie d'Archanjo : d'abord sa mort, seul dans une rigole de la vieille ville puis son coup d'éclat lors de l'Afoshe (un carnaval du candomblé, religion syncrétique entre catholicisme et animisme) de 1895 puis d'autres éléments de sa vie, en pointillés : sa rencontre avec Kirsi, la finlandaise, ses amours avec Dorotéia, son amitié avec Lidio Corro, graveur de miracles, son travail d'appariteur à la fac de médecine, son plaisir d'écrire et d'apprendre, sa lutte pour la miscégénation... mais surtout son gout pour les histoires, les femmes et la cachaça !

C'est foisonnant, c'est riche, ça part un peu dans tous les sens entre Archanjo tel qu'il fut, défenseur du métissage en amour comme en religion, et tel qu'il est récupéré. C'est plein de vie !




lundi 16 novembre 2020

Moi, boy

C'est dans la bibliothèque familiale que j'ai déniché cette courte autobiographie de Roald Dahl ! Et j'ai replongé avec joie dans son style toujours empreint d'humour et d'humanité. Et j'ai rencontré des personnages qui ne sont pas loin de ceux de ses romans.

Saga familiale qui commence durement pour ce garçon d'une large fratrie dont le père décède brutalement. C'est donc une mère au caractère bien trempé qui va élever et nourrir ses enfants et beaux-enfants. Enfance entre Angleterre et Norvège, entre châtiments corporels à l'école et liberté totale dans les fjords. Enfance marquée par des bêtises, des maladies imaginaires ou réelles. Enfance marquée déjà par l'écriture de lettres envoyées de l'internat où il étudie. 

Ce qui est chouette dans cet ouvrage illustré, c'est qu'il y a aussi des photos, des bouts de lettres, des éléments qui témoignent aussi de son enfance.



Un héros aussi attachant que ceux de ses livres, qu'on abandonne alors qu'il devient grand (il y a une suite pour les curieux), cela renouvelle le genre de l'autobiographie ! 


mercredi 30 septembre 2020

Au risque de se perdre

Roman hérité de la bibliothèque de mes grands-parents, il patientait sur ma PAL avec ses jolies photos d'Audrey Hepburn. Ecrit par Kathryn Hulme, il sera mon ultime participation au mois américain de cette année. 

Gabrielle Van der Mal rentre au couvent lorsque nous la rencontrons. Cette charmante jeune femme renonce à son amour, Jean, et à sa famille, marquée par la figure de son père, un médecin reconnu. Elle apprend une toute nouvelle façon d'être : les horaires, les postures, l'examen de conscience, la mesure, l'humilité - voire l'humiliation. Tout doit être mesuré, pour Dieu. Et surtout, il faut obéir à la sainte règle, qui se décline surtout en charité, pauvreté et obéissance. 

Devenue soeur Luc pour ses compagnes, elle s'engage de plus en plus dans la vie de nonne, de postulante à novice, de novice à professe. Son rêve : devenir missionnaire en Afrique, pour soigner des indigènes. Elle en prend petit à petit le chemin, sans cesser de se heurter à une règle, l'obéissance. Comme il est difficile de lâcher sa liberté ! Droite, exigeante et orgueilleuse, elle lutte contre elle-même pour rentrer dans le moule de ses soeurs. Passant par divers hôpitaux, elle excelle dans ses tâches d'infirmière, moins dans la vie communautaire.


Joli roman sur une vie "contre nature" - comme le dit une supérieure au début de l'ouvrage -, il se lit bien, porté par la figure attachante de Gabrielle. Ce qui est plus étonnant, c'est l'uniformité des sœurs qui l'entourent. Quelques figures, désagréables ou, au contraire, inspirantes, se détachent. Une biographie romancée sympathique !


vendredi 25 septembre 2020

Tendre est la nuit

C'est un livre de Fitzgerald dont je disais, par habitude, qu'il était de mes favoris. Mais je n'en gardais qu'un vague souvenir. Alors le mois américain fut l'occasion de le ressortir de la bibliothèque et de le redécouvrir. Je ne sais pas si je le classerais encore dans mes favoris mais j'ai incontestablement passé un beau moment de lecture. 

C'est un roman en trois temps. Le temps de Rosemary, celui de Dick puis celui de Nicole. C'est l'histoire d'un couple. C'est une histoire d'amour et de folie. Une histoire qui s'intéresse à la psychologie. C'est une histoire de riches, entre deux-guerres. Côte d'Azur, Suisse, Paris...

Matisse, deux danseurs, 1937

Rosemary, jeune star de cinéma, est éblouie par les Diver, Dick et Nicole. Elle s'entiche surtout de lui, dont elle tombe amoureuse mais est aussi fascinée par la troublante épouse. Elle les suit à Paris. Ce n'est que restaurants, théâtre et oisiveté élégante. Quelle perfection ! Et pourtant, un soupçon s'insinue : qu'a-pu voir Mrs McKisco chez les Diver pour déclencher un duel ? 

Dick, c'est l'homme parfait, qui fait se sentir chacun à l'aise, le gentleman attentif et doux. Le psychiatre aussi. L'homme qui a charmé une jeune et riche malade, Nicole. Par ses lettres pendant la guerre, il l'aide à se soigner. En l'épousant, il espère la guérir de sa schizophrénie. Le couple parfait voyage en Europe, Nicole fait quelques rechutes, Dick s'installe et monte une clinique. Il aime fêter et boire, un peu trop parfois.

Nicole, l'héritière, la belle, l'étonnante est plus consciente de son environnement et de sa maladie qu'elle n'y parait. Elle voit aussi son mari, objet de tous ses soins et de sa jalousie, devenir peu à peu un homme vulgaire, alcoolique, oisif... dévoré par elle, peut-être.

C'est une histoire d'amour tragique, de passion fusion, une tragédie en trois actes, aux plans dignes d'une caméra. Une histoire des années folles, chez les riches de ce monde, noyée par le luxe, l'argent, les futilités, où l'on se laisse bercer, envouter jusqu'à la noyade. Mélancolique et élégant, à l'image de la plume de Fitzgerald, c'est un roman plus fin qu'il n'y parait, tout en clair-obscur.

mercredi 23 septembre 2020

Les aventures de Tom Sawyer

Voilà un livre de Mark Twain qui patientait sur ma liseuse depuis des années et que je viens de me résoudre à découvrir pour le mois américain. 

Tom Sawyer, élevé par sa tante Polly vit dans la ville de Saint-Petersburg - sur les bords du Mississipi comme le disait la chanson du dessin animé. C'est un garçon plein d'imagination, malin et fort, qui aime se battre, faire le clown et jouer. Il se sort sans trop de souci de nombreuses situations désagréables : corvée de repeindre un portail ou messe un peu longue voire assassinat... Il joue avec des amis, notamment Huckleberry Finn, un enfant vagabond. C'est avec lui qu'il surprend un meurtre au cimetière et se met dans de drôles de draps. Mais la réalité se mêle toujours au jeu et le jeu à la réalité, la chasse au trésor et à l'homme deviennent prétextes à jouer aux voleurs, aux pirates ou à Robin des bois. 



Outre ses aventures et l'école buissonnière, on suit ses histoires amoureuses et ses tourments moraux. En effet, le jeune garçon s'apitoie beaucoup sur son sort et rêve souvent de la tristesse que causera sa mort. Qu'à cela ne tienne, il profite d'un de ses jeux pour participer à son propre enterrement ! Libre, vif, bagarreur, leader et menteur, il est attachant ce Tom. Mais on ne voit pas que lui, on aperçoit aussi la petite société de la ville, avec sa hiérarchie sociale, ses croyances, ses habitudes. 

Un joli roman jeunesse, pas toujours si jeunesse que ça d'ailleurs, bien rythmé, avec son humour et sa morale. 
"Tom se dit qu’en somme l’existence est fort supportable. Il avait découvert, sans s’en douter, une grande loi sociale : afin d’amener les hommes à convoiter quelque chose, il suffit de leur faire croire que la chose est difficile à atteindre" 
"Sur ce, nos écoliers s’habillèrent, cachèrent leurs armes et s’éloignèrent de la forêt de Sherwood, regrettant qu’il n’y eût plus de proscrits et se demandant ce que la civilisation moderne a fait pour compenser cette lacune"

mercredi 16 septembre 2020

Middlemarch

Voilà des années que je compte m'atteler à ce gros pavé de George Eliot. Débuté à la fin du mois anglais, je le termine maintenant. J'étais pourtant optimiste, bien accrochée aux premiers chapitres et puis, petit coup de mou au milieu et lassitude avant de le reprendre.

Bienvenue à Middlemarch, charmante bourgade anglaise au début du XIXe siècle. Attention, c'est petit, on papote, on se regarde, on sait si on est du même monde ou pas. 

Au cœur de notre roman, des femmes diverses, plus ou moins indépendantes - à la façon de l'époque - mais toujours considérées comme mineures par les hommes : Dorothea, une charmante et riche jeune femme, pure, spirituelle voire mystique et éprise de savoir ; 

"Il fallait à son essor une satisfaction sans limite, un objet dont elle ne se lasserait jamais, capable de réconcilier le désespoir de soi-même avec le sentiment délicieux d'une vie en dehors de soi"

Rosamond, charmante aussi mais consciente de ses charmes et assez superficielle ; Mary, moins jolie mais terriblement douce, bonne et dévouée ; Célia, la soeur de Dorothea, douce et bonne, soumise à son mari. 

Côté beaux gosses, il y a Lygate, médecin moderne, qui cherche à se faire une clientèle et à épouser une femme modèle ; Fred, le fan de chevaux, qui se rêve héritier et se met tant bien que mal au boulot ; Chettam, qui se console de la perte d'une sœur avec l'autre ; Ladislaw, artiste et intelligent, un peu fat, mais sans le sou et de naissance douteuse. Et d'autres hommes un peu moins sympathiques tels que le vieux Casaubon dont s'entiche Dorothea, séduite par ses discussions élevées. Ou moins sexy tel Camden, le bon père, sérieux, compétent et aimé de tous.

Et le pitch ? Histoires de mariages, bien sûr avec leurs désillusions, les caractères qui se dévoilent dans l'intimité et les ragots des voisins. Mais pas seulement ! Il y a aussi des intrigues politiques et financières dans une société à la fois en pleine évolution et fortement arc-boutée sur ses traditions. Histoires d'héritage, de malversations financières ou d'élections, ce ne sont pas celles qui m'ont le plus intéressée. Je les ai trouvé parfois embrouillées ou trop denses. Par contre, il est remarquable de lire les caractères des uns et des autres (surtout des unes en fait, avec une belle attention aux personnages féminins), et la façon dont ils se dévoilent dans des moments de crise. Ce qui rend aussi ce livre agréable, ce sont les apartés et commentaires de l'auteure, qui n'hésite pas à se moquer finement de ses personnages, des différences homme/femme ou de la vie de province. 


"L’esprit d’un homme, quel qu’il soit, a toujours cet avantage sur celui d’une femme qu’il est du genre masculin, comme le plus petit bouleau est d’une espèce supérieure au palmier le plus élevé, et son ignorance même est de plus haute qualité"
"Si l’auteur d’une Clef de toutes les mythologies était trop disposé à ne considérer les autres qu’au point de vue de sa convenance personnelle et comme providentiellement créés à son usage, n’oublions pas que ce trait de caractère ne nous est pas tout à fait étranger, et qu’il réclame comme toutes les autres espérances trompeuses des mortels, un peu de notre pitié"
"Un matin, quelques semaines après son retour à Lowick, Dorothée… mais pourquoi toujours Dorothée ? N’y avait-il donc, dans ce ménage, que son seul point de vue à considérer ? Pourquoi réserverions-nous tout notre intérêt, toute notre faculté de compréhension, aux jeunes créatures qui conservent un air florissant au milieu de leurs chagrins ? car celles-ci aussi se faneront et connaîtront les soucis usants et les souffrances d’un âge plus avancé, dont nous les encourageons à ne pas se préoccuper. En dépit de ses yeux clignotants, des loupes blanches que lui reprochait Célia, et de l’absence de rondeurs musculaires qui contristait sir James, M. Casaubon avait au cœur un foyer de sentiments intenses, une soif intellectuelle aussi insatiable que les appétits du reste des humains. Il n’avait, en se mariant, rien fait d’exceptionnel, rien que ce que la société sanctionne et considère comme une occasion de fleurs et de banquets. Il avait trouvé un beau jour qu’il n’y avait plus à différer dans ses intentions matrimoniales, et il s’était dit qu’en prenant femme, un homme bien posé devait désirer et choisir avec soin une jeune lady florissante — la plus jeune serait le mieux, parce qu’elle serait alors plus éducable et plus soumise, — d’un rang égal au sien, ayant des principes religieux, d’honnêtes penchants et l’intelligence saine. À une telle jeune fille, il ne manquerait pas d’assurer de beaux revenus, et ne négligerait aucun soin pour son bonheur ; en retour, il recevrait d’elle les joies de la famille et laisserait derrière lui cette copie de lui-même que les faiseurs de sonnets du xvie siècle semblaient réclamer de tout homme avec tant d’insistance. Les temps étaient changés, et nul faiseur de sonnets n’avait insisté auprès de M. Casaubon, pour qu’il laissât au monde une copie de lui-même ; d’ailleurs, il n’était pas encore venu à bout de la copie de sa clef des mythologies ; mais il avait toujours eu l’intention de se mettre en règle avec la nature par le mariage ; et avec le sentiment de sa solitude, l’impression que les années fuyaient rapidement derrière lui, que le monde devenait plus obscur, était pour lui une raison de ne pas perdre plus de temps à se donner ces joies domestiques, avant que les années ne l’en privassent pour toujours [...] La société n’a jamais eu l’absurdité d’exiger qu’un homme se préoccupe autant des facultés qu’il possède pour rendre heureuse une charmante jeune fille, que des facultés de cette jeune fille pour le rendre heureux lui-même. Comme si un homme n’avait pas assez à faire de choisir sa femme, mais devait encore choisir le mari de sa femme ! Ou, comme s’il était tenu de se préoccuper, en sa propre personne, des grâces qu’il transmettra à sa postérité ! Quand Dorothée l’accepta avec effusion, M. Casaubon trouva la chose toute naturelle, et crut que son bonheur allait commencer"
"Quand les animaux entrèrent dans l’arche par paires, on peut s’imaginer que les espèces les plus rapprochées se regardèrent d’assez mauvais œil, en songeant que, sur une unique provision de fourrage, cela faisait vraiment trop de corps à nourrir. Des réflexions du même genre s’imposèrent aux carnivores chrétiens qui formaient le cortège mortuaire de Pierre Featherstone, guettant tous la même provision limitée dont chacun espérait la plus grosse part. Les plus proches parents par le sang, et les parents par alliance formaient déjà un nombre considérable qui, multiplié par les possibilités, offrait un vaste champ aux conjectures jalouses et aux espérances passionnées"

dimanche 13 septembre 2020

Fates and Furies

 Livre de Lauren Groff noté à sa sortie, lecture repoussée, un peu poussive et maintenant terminée. 

De quoi ça cause ? Mathilde et Lancelot (dit Lotto), c'est le couple parfait ! Il est brillant, elle est superbe. Il écrit des pièces, elle gère la maison. Ils font la jalousie de leurs amis - et de la mère de Lotto, Antoinette. Mais sous leurs dehors lisses et parfaits, quelques ombres. 

Construit en deux parties, Lotto d'abord puis Mathilde, le récit est chronologique pour Lotto et regorgeant de flash back pour Mathilde. 

Lotto, fils choyé, ayant perdu son papa, vit avec sa mère et sa tante. Il a des fréquentations douteuses, est envoyé en pension, chope toutes les filles qui passent avant son coup de foudre pour Mathilde - et son mariage. Entretenu par sa femme avant de trouver sa voie, de comédien à dramaturge, il brille tant qu'il est au centre du monde. 

Mathilde, c'est une femme pure et discrète nous dit Lotto. Et puis, quand on découvre Mathilde, dans la 2e partie, on comprend mieux son comportement - et sa colère latente. Je ne vous en dirai pas plus sur elle, c'est la partie la plus intéressante du roman.

Ce que j'en pense ? C'est loin d'être le chef-d'oeuvre que l'on m'a décrit ! Oui, c'est une jolie pirouette que de montrer les côtés blancs puis noirs d'une vie de couple, de dévoiler mensonges et omissions, mais cela n'a rien de très original. Par contre, montrer combien l'on voit l'autre tel que l'on est, comment Lotto, aveuglé par son propre ego, est incapable de voir qui est sa femme ou comment Mathilde, si discrète, est bien plus qu'une gentille muse, ça l'est déjà un peu plus. La langue était à la fois vulgaire et pompeuse - quel intérêt de décrire les scènes de sexe de Lotto ? Je crois que c'est ce qui m'a le plus gênée avec l'arythmie du livre. Et les personnages me sont restés antipathiques, du début à la fin, creux malgré tous les efforts pour leur donner une histoire, une psychologie. Peut-être parce qu'on reste au théâtre ou dans son univers ? Lotto et Mathilde ne sont-ils pas uniquement des acteurs, des marionnettes présentées au lecteur ? J'ai l'impression qu'on voit les ficelles.

samedi 12 septembre 2020

Les neiges du Kilimandjaro

Le mois américain est un peu mon occasion de retenter des auteurs qui ne m'ont plu qu'à moitié comme Hemingway - oui, c'est bizarre, je ferai mieux de me concentrer sur ceux qui me plaisent. L'an dernier, je me suis ennuyée dans un roman. Cette année, je suis plutôt contente de ces nouvelles. On y retrouve cette humanité perdue, un peu vide, trop riche en safari ou trop pauvre pendant la guerre, des hommes grossiers, qui viennent des terres, des hommes qui regardent le monde et s'interrogent. Touchante humanité !


Les neiges du Kilimandjaro. Il s'est blessé à la jambe. Il se voit déjà mourir et fait repasser les moments de sa vie. 

Dix indiens. Retour de la fête du 4 juillet, 9 indiens dorment, ivres. Nick, rentre chez lui pour apprendre que sa bonne amie en aime un autre.

La capitale du monde. Madrid, Paco se rêve torero et s’entraîne dans la cuisine. Un faux mouvement et il est mort.

Hommage à la Suisse. Dans un café, une scène entre un voyageur et une serveuse, reprise trois fois. 

L'heure triomphale de Francis Macomber. Ils sont partis à la chasse au lion et l'on comprend très vite qu'il n'a pas tout géré. Sur le pouvoir et la virilité.

Le vieil homme près du pont. Guerre d'Espagne, tous fuient l'ennemi sauf cet homme, inquiet pour les animaux qu'il a abandonné (deux chèvres, un chat et des pigeons).

C'est aujourd'hui vendredi. Les légionnaires boivent un coup après la crucifixion. 

La lumière du monde. A la gare, des prostituées et des hommes attendent le train. Parmi les femmes, l'une d'elle, obèse, fascine le narrateur. 

La fin de quelque chose. Nick et Marjorie pêchent puis il la renvoie. 

Une journée d'attente. Il a de la fièvre. Entre Fahrenheit et Celsius, il voit mieux ne pas se tromper !

Là-haut dans le Michigan. Liz sent qu'elle aime bien Jim. Elle le regarde, elle l'attend. Mais pour Jim, elle n'est qu'un corps. 

Trois jours de tourmente. Bill et Nick boivent, prévoient leur journée de pêche. Nick regrette d'avoir quitté Marjorie. 

dimanche 6 septembre 2020

Replay

Nouvelle sortie de PAL avec ce roman de Ken Grimwood dont on m'a dit le plus grand bien. Et qui m'a plu sans m'emballer. 

Le pitch : Jeff fait une crise cardiaque à son bureau en 1988. Il meurt. Enfin, presque. Car il se retrouve de nouveau étudiant, dans sa piaule, avec son colloc' d'il y a 25 ans. Et il revit sa vie, tout en ayant conscience de la précédente. En pariant, il se fait un petit matelas qui lui évitera les déboires financiers qui l'ont poursuivi sa vie durant. Et bim, il meurt à nouveau et se réveille à nouveau étudiant... C'est le début des nombreux replay que subira Jeff, qui se focalise soit sur l'argent, soit sur l'amour, ou le sexe et la drogue, ou la science etc. pour mener une vie qui lui corresponde. 

Dans ce cycle sans fin, il se pose quelques questions sur la façon de changer le monde. Mais n'y parvient que dans les choses triviales. Est-ce que nous sommes destinés ? Est-ce encore un coup des extraterrestres ? On ne le saura pas ! Les raisons des replays restent non éludées. De même, la façon dont ils se déroulent et les dates des "réveils" de Jeff restent mystérieuses. Seul compte Jeff et ses états d'âmes, ses réussites remarquables et ses échecs. Et franchement, ce n'est pas passionnant. C'est même plutôt plat malgré l'idée sympathique d'une boucle temporelle récurrente. 


Un livre qui aurait mérité que les personnages soient plus creusés... ou les phénomènes mieux expliqués pour sortir du roman un peu moyen. 


mercredi 26 août 2020

Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède

 Encore un classique qui dormait sur ma PAL. De Selma Lagerlöf, je n'ai jamais rien lu et pourtant, ses titres sont bien présents sur ma LAL. Avec ce titre, j'ai l'impression d'avoir lu Le tour de la France par deux enfants en Suède !

Nils Holgersson est un sale gosse, paresseux et cruel. Alors qu'il sèche la messe, il est transformé par un tomte (un lutin suédois) en tomte. Minuscule, il ne peut plus faire grand chose pour embêter les bêtes de sa ferme mais il comprend leur langage. En essayant d’empêcher un jars de s'enfuir, il est emporté par un vol d'oies sauvages. Et le voilà parti pour un tour de la Suède, suivant la migration et les pérégrinations des oies d'abord pour l'été puis pour la période automnale. Outre la relation du garnement aux oies, à qui il devra vitre prouver son utilité s'il veut voyager, cet épais roman décrit les diverses régions de la Suède avec son relief et sa géographie, ses industries et son économie, son histoire et ses légendes. 

Roman d'apprentissage destiné à des écoliers, c'est bien sûr très moral et rempli d'anecdotes et d'adjuvants sympathiques, humais ou bêtes. Le seul ennemi, Smirre, est un renard banni par les siens qui mettra tout en oeuvre pour tuer Poucet - Nils est surnommé ainsi par les oies - et Akka, l'oie qui guide les autres. 

L'ensemble est agréable à lire, bien écrit ; il manquait peut-être une carte à mon édition pour suivre le périple et localier les lieux mais même ainsi, on se laisse porter par les histoires sur chaque région. Je me suis amusée des contes communs à d'autres pays comme la ville engloutie, les rats ensorcelés ou les géants qui modèlent le pays. Et j'ai apprécié de croiser l'auteure elle-même dans son manoir avec Nils. Seul bémol : les longueurs et les répétitions de certains motifs. 


mardi 30 juin 2020

The Years

Un mois anglais sans Virginia Woolf, c'est triste, non ? J'ai sorti The Years de ma PAL, dont je repoussais la lecture en VO, de crainte de n'y rien comprendre. J'ai eu des moments de flottement, notamment pour suivre les relations familiales.

Au centre de ce roman, les femmes de la famille Pargiter. Pourtant, c'est avec le colonel Abel Pargiter, époux d'une femme malade, Rose, que s'ouvre le roman. Il rend visite à sa bonne amie avant de retrouver les siens pour le thé. Autour de la table, ses enfants, Eleanor, Milly, Delia, Martin et Rose. Il y a aussi Morris et Edward, loin du tea time familial mais aussi fils du colonel, l'un travaillant et l'autre étudiant. On découvre également d'autres parties de la famille, comme la cousine Kitty ou les cousines Maggie et Sara. Si l'essentiel se déroule dans la bonne bourgeoisie, on découvre aussi d'autres aspects, que ce soit par le regard d'une bonne ou par celui des cousines pauvres. 


Entre 1880 et les années 30, on va les voir évoluer, se marier, voyager, avoir des enfants, mourir. Enfin, on apprendra ces éléments par bribes, au travers d'une pensée ou d'une conversation, sans trame narrative pour expliciter tout cela. En effet, les personnages sont toujours saisis au présent, à un moment précis d'une journée, d'une année. Cette journée est toujours décrite par sa météo et sa saison, ainsi que par des éléments sur les lieux traversés, souvent à Londres. A part les dates qui délimitent les chapitres et quelques événements extérieurs comme les bombardements de Londres, les avions, les voitures, peu d'indications temporelles. Nos personnages évoluent dans un perpétuel présent, qui permet d'explorer le flux de leur pensées et de suivre leurs paroles, comme cela est cher à Virginia Woolf. Dans ce pur présent, difficile de saisir l'épaisseur des vies, tout semble épars, sans passé ni futur. Les objets ont plus de constance et de consistance, que ce soit le portrait de Rose ou la bouilloire qui réapparaissent régulièrement dans le roman. Ils sont concrets, ils fonctionnent tandis que nos héros et héroïnes semblent bien volatiles, eux qui n'arrivent pas à communiquer, qui restent dans le banal alors qu'ils rêvent de plus. Cette incommunicabilité, cette difficulté à se connaitre, c'est aussi ce qui accentue la mélancolie de ce roman. Ce n'est donc pas un roman à intrigue mais une lecture plus contemplative, où les choses apparaissent en creux, au hasard d'une pensée. Il y est question du temps qui passe et de l'impossibilité d'habiter ce temps, accentuée par l'éternel présent. Avec ses mondanités, ses soirées et fêtes un peu vides, qui n'amusent guère les personnages, et les réflexions sur le temps, je n'ai pu m'empêcher de penser régulièrement à Proust pendant ma lecture. 

Une très belle découverte !
"Her past seemed to be rising above her present. And for some reason she wanted to talk about her past; to tell them something about herself that she had never told anybody--something hidden. She paused, gazing at the flowers in the middle of the table without seeing them. There was a blue knot in the yellow glaze she noticed.
"I remember Uncle Abel," said Maggie. "He gave me a necklace; a blue necklace with gold spots."
"He's still alive," said Rose.
They talked, she thought, as if Abercorn Terrace were a scene in a play. They talked as if they were speaking of people who were real, but not real in the way in which she felt herself to be real. It puzzled her; it made her feel that she was two different people at the same time; that she was living at two different times at the same moment. She was a little girl wearing a pink frock; and here she was in this room, now. But there was a great rattle under the windows. A dray went roaring past. The glasses jingled on the table. She started slightly, roused from her thoughts about her childhood, and separated the glasses."
"And suddenly it seemed to Eleanor that it had all happened before. So a girl had come in that night in the restaurant: had stood, vibrating, in the door. She knew exactly what he was going to say. He had said it before, in the restaurant. He is going to say, She is like a ball on the top of a fishmonger's fountain. As she thought it, he said it. Does everything then come over again a little differently? she thought. If so, is there a pattern; a theme, recurring, like music; half remembered, half foreseen? . . . a gigantic pattern, momentarily perceptible? The thought gave her extreme pleasure: that there was a pattern. But who makes it? Who thinks it? Her mind slipped. She could not finish her thought."
"There must be another life, here and now, she repeated. This is too short, too broken. We know nothing, even about ourselves. We're only just beginning, she thought, to understand, here and there. She hollowed her hands in her lap, just as Rose had hollowed hers round her ears. She held her hands hollowed; she felt that she wanted to enclose the present moment; to make it stay; to fill it fuller and fuller, with the past, the present and the future, until it shone, whole, bright, deep with understanding."

 

lundi 22 juin 2020

Les premiers hommes dans la Lune

Voici un livre de SF que j'ai découvert avec plaisir puis lassitude. C'est notre cher H. G. Wells qui en est l'auteur et il était sur ma LAL depuis des siècles.
Fontana

Bedford s'est rendu dans un lieu reculé pour échapper à ses créanciers et écrire un drame qui lui permettra de retrouver des fonds. Son voisin est un homme curieux, qui passe tous les jours devant sa maison, en gesticulant bizarrement. Bedford l'entreprend et découvre Cavor, un savant qui vient s'aérer les idées en marchant. Mais se savoir observé le bloque, il n'arrive plus à travailler. Bedford lui propose de venir papoter avec lui chaque jour et découvre ainsi plein de sujets scientifiques... Jusqu'à ce que le projet de Cavor, créer une molécule qui crée l'apesanteur, l'intrigue. Il s'y intéresse et imagine des applications pratiques. Ensemble, ils mettent au point une sphère qui leur permettra d'aller dans l'espace, jusque sur la lune. 

Cette aventure, ainsi que la découverte de la lune et de ses habitants, est plutôt réussie et sympathique même si les scientifiques doivent doucement rigoler des hypothèses de Bedford et Cavor. Par contre, les personnages ne sont jamais attachants et les Sélénites sont finalement calqués sur l'organisation des fourmis ou des abeilles. C'est peut-être de la SF un peu dépassée mais je regrette qu'il n'y ait pas vraiment de surprises !

samedi 20 juin 2020

L'homme-joie

Notre challenge touche à sa fin avec l'été mais je pense bien poursuivre la lecture de Bobin qui m'est un régal pour l'âme ! 

Avec ce titre, tout en joie et en lumière, il nous offre 17 courts textes et phrases lancées sur le papier. Des textes comme des rencontres, brefs mais profonds, des textes simples qui dévoilent des beautés que nous ne voyons plus. Une ode à la vie, à cette joie d'être vivants qui coule dans nos veines quand on en perçoit le miracle. Une ode à l'écriture aussi : 
"Ecrire, c'est dessiner une porte sur un mur infranchissable, et puis l'ouvrir". 
Je vous livre des extraits, ou quelques mots, sur chacun de ces textes.

Et ma phrase choc de ce livre est, sans surprise :
"Un livre est voyant ou il n'est rien. Son travail est d'allumer la lumière dans les palais de nos cerveaux déserts"

L'homme joie : 
"Nous massacrons toute la douceur de la vie et elle revient encore plus abondante"
"Quelques secondes suffisent, n'est-ce pas, pour vivre éternellement"

C'est Maria : portrait lumineux d'une gitane.

Soulages : sur une visite au musée.
"Ce qu'on voit nous change. Ce qu'on voit nous révèle, nous baptise, nous donne notre vrai nom. Je suis un enfant dans une buanderie, devant des draps noirs mis à sécher sur une corde. Les tableaux sont de grandes bêtes vivantes allongées, un peu engourdies d'être là. Une lumière d'or blanc bat leurs flancs"
"Expliquer n'éclaire jamais. La vraie lumière ne vient que par illuminations, explosions intérieures, non décidables"

L’irrésistible : sur Glenn Gould. 
"Vous m'aimez trop. Vous voulez m'enfermer là où je suis, là où vous êtes, entre les murs de piano noirs, de fauteuils rouges, bien au chaud avec vous"
"Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais on ne peut pas faire deux choses en même temps, mener deux chevaux dans le même galop. On ne peut pas écouter et voir. Voir l'emporte. Voir est beaucoup trop fort, beaucoup plus fort. Au concert, nous sommes trois : vous, moi et le piano. Quatre si je compte la musique. Cela fait trop de monde, et trop de monde cela fait trop de bruit. Au bout du compte on n'entend rien"
"C'est un des rares principes que vous vous connaissez, et peut-être même est-ce le seul : ne jamais contrarier le cours des choses. Ne surtout pas résister au désastre. Quand l'incapacité est là - l'incapacité d'entendre, d'écrire ou d'aimer, l'empêchement de toute respiration - vous lui donnez la place, toute sa place, tout son temps, tout le temps. Vous ne faites donc pas réparer les appareils [...] Vous n'avez à votre disposition que ces instruments rudimentaires, ces machines capricieuses qui rongent vos cassettes, laissant de loin en loin passer un filet de musique, comme les plaintes d'une fée enfermée dans le noir"

Un prince : sur les fleurs. 
"Nous recevons la nouvelle de la disparition d'un être aimé comme l'enfoncement d'un poing de marbre dans notre poitrine. Pendant quelques mois nous avons le souffle coupé. Le choc nous a fait reculer d'un pas. Nous ne sommes plus dans le monde. Nous le regardons. Comme il est étrange. Le moins absurde, ce sont les fleurs. Elles sont des cris de toutes les couleurs"

Un carnet bleu : lettre à la plus que vive.

Le laurier-rose : pour traverser la mort, la mort de l'aimée. 
"La souffrance que nous avons de notre amour est encore notre amour, l’empêche de glisser au noir comme l'y feraient glisser les affreuses consolations"

La gueule du lion : 
"Mon idéal de vie c'est un livre et mon idéal de livre c'est une eau glacée comme celle qui sortait de la gueule du lion d'une fontaine sur une route du Jura, un été"
"Un livre est voyant ou il n'est rien. Son travail est d'allumer la lumière dans les palais de nos cerveaux déserts"

Des yeux d'or : sur l'essentiel.
"Deux choses importantes sont arrivées aujourd'hui. J'ai tout de suite su qu'il n'y en aurait pas d'autres. A deux heures de l'après-midi c'était plié. Deux émerveillements c'est beaucoup pour un seul jour, non ?"
"Le miracle arrive dans un deuxième temps, quand s'éveille ce qui dormait sous nos yeux, quand ce qui surgit de la vie crève nos yeux et les remplace par des yeux d'or"

Vita Nuova : sur Dante et la chasse. 
"Au bord d'une rivière de feu, Dante découvre ces gens qui ont passé leur vie en ne faisant ni bien, ni mal. Ceux-là "qui ne furent qu'eux-mêmes", le ciel les refuse et l'enfer les recrache"

La main de vie : sur son père et Bach. 
"L'absence de vérité dans une voix est pire que la fin du monde. On ne tord pas un rayon de soleil"

Trésors vivants : sur Alzheimer. 
"Quand mon père ne savait plus rien de moi, il savait encore qui j'étais, je le sentais, je l'éprouvais, et ce qu'on éprouve est plus grand que tout ce que nous dit la science. Ne trouvant plus les prénoms, il rusait. Interrogé sur moi il répondait : "c'est celui qu'on n'oublie pas", et sur ma mère : "c'est la meilleure". Ces oublieux n'oublient rien d'essentiel, c'est ce qui les distingue de nous." 

Les minutes suspendues : sur les fleurs des cathédrales.

Mieux qu'un ange : sur le Christ comme poète 

Le petit charbonnier : sur la mort d'un chat. 
"La vie nous mène à la mort comme une chatte, en les prenant dans sa gueule, mène ses chatons à l'abri."
"Je sais ce que c'est maintenant, un chat : c'est quelqu'un qui ressemble à un chat, qui vient et qui vous prend le coeur."

La restitution : sur le don d'une gitane. 

Un trousseau de clés : sur les clés des philosophes qui ne servent à rien.

samedi 13 juin 2020

Le Livre de la jungle

Kipling est un mystère pour moi. Soit je trouve ses écrits inintéressants, soit j'apprécie beaucoup ! Et j'ai eu beaucoup de joie à lire ses nouvelles dans la jungle ou en Alaska dans ce recueil, un peu moins d'intérêt sur la dernière nouvelle. C'est bien sûr là que l'on rencontre Mowgli à travers plusieurs aventures, mais aussi d'autres personnages, humains ou animaux.

Les Frères de Mowgli : la découverte d'un petit d'homme et comment Raksha décide de l'adopter, avec l'accord de la meute.
La Chasse de Kaa : Après une leçon avec Baloo et Bagheera, Mowgli est enlevé par des singes. Les deux compères, ours et panthère, appellent un serpent, Kaa, à leur aide. Ce qui est plutôt terrifiant.
Au tigre ! Au tigre ! Comment Mowgli, hébergé par les hommes et chassé par les loups, tue son ennemi Shere Khan. 
Le Phoque blanc : En Alaska, un phoque aperçoit les chasseurs et ce qu'ils font subir aux siens. Il imagine trouver une terre protégée pour les phoques et écume les mers à sa recherche.
Rikki-tikki-tavi : une mangouste s'installe dans une maison, ce qui ne fait pas très plaisir aux serpents du coin. Bataille épique en perspective.
Toomai des Éléphants : Le père de Toomai est cornac et lui-même est appelé à ce métier. Une nuit, il a la chance d'assister à un spectacle unique, la danse des éléphants. 
Service de la Reine : A la veille de l'événement, les animaux d'une parade parlent de leur rôle à la guerre.

Chaque conte comporte un poème et une histoire, qui contient des animaux anthropomorphiques. C'est très moral, très axé loi de la jungle ou loi du plus fort mais c'est aussi sensible et drôle. J'ai plutôt aimé cet ensemble mais je ne suis pas sûre qu'il me marquera beaucoup !


vendredi 5 juin 2020

Emma

C'était un bon pavé que ce roman de Jane Austen mais je l'ai dévoré. A croire qu'à mesure que je la lis j'apprécie un peu plus son monde. Pourtant, il ne se passe pas grand chose dans ce roman et on reste aux préoccupations amoureuses d'une société britannique aristocratique sans trop de soucis. 

Emma Woodhouse, belle, intelligente et riche, cherche à marier les personnes qui l'entourent sans jamais trop se pencher sur ses propres sentiments. Après tout, elle a décidé de ne pas se marier pour prendre soin de son père hypocondriaque et ça lui convient tout à fait ! Elle a le mérite de ne pas s'effacer et d'être plutôt autoritaire, ce qui nous change des héroïnes austiniennes. 
A Highbury, où elle vit, c'est visites sur visites, promenades et thés entre voisins de bonne famille et de bons revenus. Tout est sujet à commentaire, c'est un peu fatigant et étriqué ! 
Après le mariage de sa gouvernante avec Mr Weston, Emma tente de marier son amie Harriet, qu'elle imagine d'excellente famille. Elle joue les intrigantes avec Mr Elton, qui comprend mal le message et se marie quelques mois plus tard à Bath avec une femme rencontrée là-bas. Elle tente avec Mr Churchill, un petit nouveau dans le game. Et une nouvelle venue brouille encore les cartes, Jane Fairfax.
Ce qui est véritablement au centre de ce roman, je ne sais pas si ce sont les sentiments des uns et des autres ou les questions de classe dont je trouve qu'il est beaucoup question pour savoir qui conviendrait à qui... Tout en laissant des possibilités aux uns et aux autres de se marier un peu au-dessus ou au-dessous de sa condition, par amour ! Et il est plein de mystères que j'ai aimé questionner dans ma lecture : l'envoi d'un piano, les charades, les sentiments des uns et des autres... Qu'on entraperçoit si on est un peu méfiant vis-à-vis de la clairvoyance d'Emma. Bien entendu, il y a aussi pas mal d'ironie telle qu'on la connait chez Jane Austen !




mercredi 3 juin 2020

Agatha Raisin - Coiffeur pour dames

C'est ma première rencontre avec cette Agatha de Marion Chesney Beaton et certainement la dernière. Je préfère largement l'autre Agatha ! J'ai trouvé que l'enquête n'avait aucun intérêt et que c'était plutôt la vie amoureuse voire les pulsions érotiques et saturées d'ennui d'Agatha qui semblaient compter.

Agatha se rend chez un coiffeur réputé à Evesham un jour d'été. Il fait un miracle avec sa tignasse. En évoquant son génie capillaire, elle remarque que toutes les femmes ne sont pas forcément de son avis et semblent même redouter Mr John. Il ne lui en faut pas plus pour lui mettre la puce à l'oreille, retourner régulièrement au salon de coiffure, flirter avec John, fureter dans ses affaires, etc. soupçonnant du chantage. Jusqu'à être témoin de la mort de celui-ci, empoisonné. 
Elle s'empare de l'enquête - contre tout avis policier. Agatha continue à interroger des femmes, à tester des coiffeurs, accompagnée de Sir Charles, un bon ami. Et à force de creuser, elle trouve des petits indices... 

Une enquête qui n'a ni queue ni tête, un personnage principal ennuyeux voire pathétique, des personnages secondaires plus transparents que des figurants, je ne comprends pas l'engouement pour cette série. Ce tome est peut-être plus mauvais que d'autres mais il me confirme qu'il y a de biens meilleurs livres à découvrir !


lundi 1 juin 2020

La saison des pluies

Je crois que c'est la première fois que je lis Graham Greene, qui est pourtant bien représenté dans la bibliothèque familiale. Et c'est une vraie joie que ce roman ! Merci Cléanthe de m'avoir donné envie de le lire.

Querry, un homme discret, arrive au bout de la ligne de bateau qui traverse le Congo. Il descend du navire pour y trouver une léproserie, tenue par Colin, médecin, et des religieux. On lui offre une cellule, il file des coups de main, va construire un hôpital. Lors de l'une de ses missions vers la grande ville, il rencontre Rycker, un marchand d'huile, un colon, qui s'entiche de lui et projette sur lui toutes ses questions ou plutôt ses réponses sur l'amour chrétien. Il croit avoir rencontré un saint tandis que Querry se dit simplement désabusé par les succès et les amours, en retraite de la vie. 
Mais peut-on vraiment échapper à son passé ? A ce que la société projette sur les siens ? Surtout la micro société coloniale et chrétienne de ce bout de Congo ? Quand un journaliste débarque pour écrire sur le saint Querry, c'est la fin d'une tranquillité, d'une joie de vivre simple qu'il pensait avoir trouvées dans cette jungle.

Un roman aux personnages vifs, croqués en quelques mots bien sentis et sobres. Pas de fioritures ici, c'est l'homme et ses doutes qui nous intéressent. On parle questions existentielles, manques et relations à l'amour. Enfin, chez les blancs - les noirs sont là pour être soignés et n'ont pas de place dans ce roman. C'est très orienté autour de la mort de Dieu et de ce qu'on met à sa place : l'amour des femmes, du succès, le progrès, ... des interrogations qui n'ont pas fini de nous habiter !

"Une vocation est un acte d'amour : ce n'est pas une carrière professionnelle. Quand le désir est mort, on ne peut pas continuer de faire l'amour. Je suis arrivé à la fin du désir et à la fin d'une vocation. N'essayez pas de me lier par un mariage sans amour et de me faire imiter ce que j'accomplissais jadis avec passion. Et ne me parlez pas de mon devoir comme le ferait un prêtre. On nous a appris dans les leçons sur les Évangiles, quand nous étions enfants, qu'un talent d'argent ne doit pas être enfoui tant qu'il possède un pouvoir d'achat, mais si la monnaie a changé, si l'effigie a été remplacée par une autre, ne laissant à la pièce que la valeur d'un mince disque d'argent, tout homme a le droit de la cacher. On a toujours trouvé des pièces de monnaie périmées, ainsi que du blé, dans les tombeaux"
"L'ennui est pire dans le bien-être. J'ai pensé qu'il pourrait y avoir ici assez de souffrance et assez de peur pour distraire l'esprit"
 
Voilà qui lance avec beaucoup de joie le mois anglais chez moi !