Merci Aifelle pour ton joli billet sur ce film, qui nous a encouragé à le découvrir avant qu'il ne soit plus projeté. Ce documentaire présente la vie et l'oeuvre de Sebastiao Salgado, photographe, dont nous avons manqué la dernière rétrospective, Genesis, à la MEP.
S. Salgado, Sahel, l'homme en détresse, 1984 D.R. |
Contrairement à ce que j'ai cru au premier abord, Salgado a passé la plus grande partie de sa carrière à faire des portraits. Originaire du Brésil, exilé en France pendant ses études, il a d'abord voyagé en Amérique du Sud, pour vivre avec des communautés reculées et nous livrer leurs portraits. On découvre avec envie un Salgado qui nous parle de tel village, où les gens ne se déplacent qu'en courant, telle autre ville incroyablement pieuse, ou encore telle autre où tout le monde est complètement saoul le week-end...
Salgado passe ensuite de nombreuses années dans le Sahel, où il est témoin de la famine, de la misère, de la mort omniprésente, mêlée à la vie. Et de la fuite de ces peuples affamés vers des terres plus accueillantes. Le migrant devient un de ses thèmes de prédilection. Il s'intéresse ensuite au travail manuel à travers le monde. Ces photos, rassemblées sous le titre La Main de l'homme, montrent aussi bien des chercheurs d'or grouillant dans les mines brésiliennes, les pêcheurs d'Asie jusqu'aux techniciens des usines les plus pointues. C'est aussi à cette période qu'il couvre les incendies des puits de pétrole du Koweit : une lutte titanesque entre le feu et l'homme, muni simplement de sa lance à eau ! Images d'Apocalypse impressionnantes !
S. Salgado, Koweit, 1991 D.R. |
Ses projets le conduisent aussi au Rwanda dans les années 94 ; là, il est témoin du génocide qui est perpétré, et contribue directement à le faire connaitre aux yeux du monde. Les clichés, crus, défilent, montrant une horreur pas si différente de celle des "grandes guerres". Un passage très dur à regarder, qui marque également un tournant dans la vie de Sebastiao, qui dit alors perdre sa foi en l'être humain.
Ce globe trotter, écœuré, se réfugie alors dans la ferme familiale qu'il replante de forêts. Cette belle réussite lui donne envie de photographier la nature. Il part dans les zones les plus reculées du monde pour rencontrer des peuples aux traditions inchangées depuis des millénaires, des animaux en voie de disparition et une nature presque vierge de la main de l'homme.
Ce documentaire de Wim Wenders propose à la fois de découvrir un artiste et son oeuvre, commentée par lui-même. En cela, c'est un très bel outil de compréhension d'une approche de la photographie : sociale, engagée mais aussi très esthétique. C'est peut-être ce qui est le plus dérangeant : les photos des sujets les plus douloureux (hommes morts de faim ou de maladie) restent fascinantes et belles. Quant à la dernière partie de son oeuvre, tournée vers la nature, elle est finalement décevante par rapport à ses sujets initiaux car beaucoup moins touchante mais toujours aussi puissante.
Je me suis précipitée aussi au cinéma pour ce film, il ne pouvait pas attendre. De re(voir) ainsi les photographies en écoutant le photographe, c'est vraiment saisissant.
RépondreSupprimerJe te rejoins à 100%
SupprimerJ'y vais bientôt...
RépondreSupprimerAlors, vu ? aimé ?
SupprimerJe l'ai vu 2 fois ! Et à chaque fois j'ai été émue par le parcours de Salgado, et le regard qu'il porte sur le monde. Contrairement à toi, je n'ai pas été déçue par la dernière partie, je l'ai plutôt trouvée rassérénante et finalement logique par rapport au parcours de Salgado.
RépondreSupprimerLà où je te rejoins, c'est sur l'esthétisme qui se dégage de ces photos terribles, et qui est assez dérangeant si on y pense. Sur le moment, cela ne m'a pas sauté aux yeux, car la façon dont Salgado parle de ses photos l'inscrit davantage dans une démarche humaniste qu'esthétique. Sauf pour celles du Koweït, où il donne l'impression d'être admiratif devant le spectacle de ces puits qui brûlent...
C'est en effet assez logique mais tellement moins lui... ça manque d'humanité ! Et pour le Koweït, on le sent fasciné par le feu comme par les travaux de ces pompiers. Il faut dire que c'est dingue comme spectacle !
Supprimer