Autant j'ai déjà lu Maalouf romancier, autant c'est une découverte de le lire essayiste. Pourtant, ce titre est en bonne place sur ma LAL !
Dans cet ouvrage, Amin Maalouf décortique et analyse ce qu'est l'identité, ses multiples composantes, les appartenances, les héritages.
"Moitié français, donc, et moitié libanais ? Pas du tout ! L'identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit ni par moitiés, ni par tiers, ni par plages cloisonnées. Je n'ai pas plusieurs identités, j'en ai une seule, faite de tous les éléments qui l'ont façonnée, selon un "dosage" particulier qui n'est jamais le même d'une personne à l'autre"
"Mon identité, c'est ce qui fait que je ne suis identique à aucune autre personne"
"S'il existe, à tout moment, parmi les éléments qui constituent l'identité de chacun, une certaine hiérarchie, celle-ci n'est pas immuable, elle change avec le temps et modifie en profondeur les comportements"
"Grâce à chacune de mes appartenances, prise séparément, j'ai une certaine parenté avec un grand nombre de mes semblables ; grâce aux mêmes critères, pris tous ensemble, j'ai mon identité propre, qui ne se confond avec aucune autre"
"C'est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c'est notre regard aussi qui peut les libérer"
"L'identité n'est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l'existence"
"Tant il est vrai que ce qui détermine l'appartenance d'une personne à un groupe donné, c'est essentiellement l'influence d'autrui ; l'influence des proches - parents, compatriotes, coreligionnaires - qui cherchent à se l'approprier, et l'influence de ceux d'en face, qui s'emploient à l'exclure. Chacun d’entre nous doit se frayer un chemin entre les voies où on le pousse, et celles qu’on lui interdit ou qu’on sème d’embûches sous ses pieds ; il n’est pas d’emblée lui-même, il ne se contente pas de "prendre conscience" de ce qu’il est, il devient ce qu’il est ; il ne se contente pas de "prendre conscience" de son identité, il l’acquiert pas à pas."
Et ces multiples appartenances coexistent, à différents niveaux. C'est souvent celle qui est attaquée ou questionnée, qui fait vibrer ou réagir la personne.
Alors, il s'interroge sur la façon dont ces identités multiples, s'expriment par rapport à une mondialisation qui lisse les différences, propose un modèle dominant, écrasant. Et exacerbant les comportements identitaires, meurtriers parce qu'ils se posent "contre" une inégalité, une domination. Il analyse le cas des pays arabes et de pays colonisés, enjoints à une modernisation ou une occidentalisation forcée, et montre comment des réactions nationalistes ou communautaristes en naissent.
"Il y a constamment, dans l’approche qui est la mienne une exigence de réciprocité – qui est à la fois souci d’équité et souci d’efficacité. C’est dans cet esprit que j’aurais envie de dire, "aux uns" d’abord : "plus vous vous imprégnerez de la culture du pays d’accueil, plus vous pourrez l’imprégner de la vôtre" ; puis "aux autres" : "Plus un immigré sentira sa culture d’origine respectée, plus il s’ouvrira à la culture du pays d’accueil [...] si j’adhère à mon pays d’adoption, si je le considère mien, si j’estime qu’il fait désormais partie de moi et que je fais partie de lui, et si j’agis en conséquence, alors je suis en droit de critiquer chacun de ses aspects ; parallèlement, si ce pays me respecte, s’il reconnait mon apport, s’il me considère, avec mes particularités, comme faisant désormais partie de lui, alors il est en droit de refuser certains aspects de ma culture qui pourraient être incompatible avec son mode de vie ou avec l’esprit de ses institutions."
"Il ne sert à rien, me semble-t-il, de s'interroger sur "ce que dit vraiment" le christianisme, l'islam ou le marxisme. Si l'on cherche des réponses, pas seulement la confirmation des préjugés, positifs ou négatifs, que l'on porte déjà en soi, ce n'est pas sur l'essence qu'il faut se pencher mais sur les comportements, au cours de l'Histoire, de ceux qui s'en réclament"
"Les sociétés sûres d'elles se reflètent dans une religion confiante, sereine, ouverte ; les sociétés mal assurées se reflètent dans une religion frileuse, bigote, sourcilleuse. Les sociétés dynamiques se reflètent en un islam dynamique, innovant, créatif ; les sociétés immobiles se reflètent en un islam immobile, rebelle au moindre changement [...] Ce contre quoi je m'élève, ici, c'est cette habitude que l'on a prise - au Nord comme au Sud, chez les observateurs lointains comme chez les adeptes zélateurs - de classer chaque événement se déroulant dans chaque pays musulman sous la rubrique "islam", alors que bien d'autres facteurs entrent en jeu qui expliquent bien mieux ce qui arrive. Vous pourriez lire dix gros volumes sur l'histoire de l'islam depuis les origines, vous ne comprendriez rien à ce qui se passe en Algérie. Lisez trente pages sur la colonisation et la décolonisation, vous comprendrez beaucoup mieux"
Il questionne également les quotas, le communautarisme, les discriminations positives à l'égard des minorités ? Sont-elles réellement des solutions ?
Amin Maalouf prône un humanisme universel, qui reconnaisse à chaque homme son humanité, une réciprocité dans les relations, l'apprentissage de plusieurs langues et la découverte d'autres cultures. Bref, c'est un appel à vivre plus ouvert à l'autre et à ses identités. Car c'est aussi quelque chose qui pourrait se diffuser dans notre monde globalisé !
L'auteur pouvait-il arriver à une autre conclusion ?
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