Je continue mon exploration des livres de Boris Cyrulnik. Je dois dire que je me régale, même si les thèmes sont souvent proches d'un essai à l'autre. L'écriture est agréable, la pensée, toujours en spirale, fait des détours pour revenir au sujet principal. Cet ouvrage a deux ans et traite des bienfaits de l'écriture et de l'imaginaire pour se reconstruire. Il s'intéresse notamment à la mémoire et à comment celle-ci peut changer selon la lecture - et l'écriture que chacun en a. Il nous fait croiser quelques écrivains, évoque sa propre résilience et fait le lien avec des expériences de psycho et neurologie, notamment sur le développement des enfants et adolescents.
"Le monde écrit n'est pas une traduction du monde oral. C'est une création puisque le mot choisi pour nommer la chose est une découpe du réel qui lui donne un destin. « J'écris pour me venger » ou « j'écris pour donner sens au fracas » oriente l'âme vers une lumière au bout du tunnel. Le mot qui vient à l'esprit pour désigner la chose imprègne l'événement d'une signification qui vient de notre histoire"
On rencontre ainsi Jean Genet par exemple, enfant placé, mortifié que ses parents adoptifs touchent de l'argent pour l'élever et insensible à leur affection. Il se réfugie dans les livres et l'écriture, il vole - et se laisse prendre - pour pouvoir écrire en prison. Il remplit le vide de mots. Cette capacité à enchanter le réel par des mots, des romans, des poèmes, le neuropsychiatre l'effleure en citant Villon, Sade, Gary, Sartre, Rimbaud mais aussi Depardieu et bien d'autres. Il souligne l'importance de l'attachement précoce qui sécurise l'enfant et du récit que celui-ci se fait d'événements traumatisants. Ce qui est intéressant, c'est qu'il sort du fatalisme. On retrouve bien entendu la notion clé de résilience. Mais il ne suffit pas d'écrire, de mettre à distance pour revivre. L'écriture peut creuser un sillon répétitif et mortifère comme creuser de nouveaux chemins. Tout dépend de la représentation que se fait chacun du monde.
Un ouvrage qui se lit très bien, mais qui, encore une fois, semble devoir se résumer en quelques mots alors qu'il est bien plus riche. Les digressions sont nombreuses et noient parfois le propos.
"Deux grands dangers menacent la mémoire. Le premier, c'est de ne pas avoir de mémoire, ce qui nous fait vivre dans la tombe. Le second, c'est d'avoir de la mémoire et de nous en rendre prisonnier. La seule bonne stratégie, c'est d'élaborer, se donner de la peine, afin de donner du sens aux faits"
"Après un événement émotionnant, la plupart des commotionnés ont besoin de parler. L'enjeu de ces récits n'est pas de dire la vérité, il vise à donner une forme verbale à la bousculade émotionnelle pour apaiser le parleur et pour que son monde redevienne cohérent"
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