Cet essai coordonné par Alain Corbin brosse, à travers une dizaine d'articles, l'histoire du temps libre. Chères lectrices, saviez-vous qu'au début du siècle, il était réputé dangereux de lire, surtout quand il s'agissait de romans-feuilletons ? Ils font, je cite M. Langevin, "dans le cerveau des femmes les mêmes ravages, et de plus graves peut-être, que l'alcool dans celui des hommes". En gros, c'est la porte ouverte à la déchéance morale et à l'abrutissement de l'ouvrière. Eh oui, plus que son travail... Étonnant, non ?
Ces articles s'intéressent au loisir en Angleterre, en France, en Italie et en Allemagne essentiellement, dans les villes et les campagnes, dans les classes aisées comme populaires. L'analyse commence dans les années 1850 où la Révolution Industrielle modifie profondément les rythmes du travail. Alors que loisir et travail peuvent être poreux à la campagne ou dans les commerces (foires, lecture du journal entre deux clients), ce n'est évidemment pas le cas à l'usine. La première réflexion sur le temps libre émane bien souvent de philanthropes, patrons paternalistes, qui veulent encadrer le loisir ouvrier. Par ailleurs, le développement des transports favorise l'habitude de l'excursion de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie hors des villes, vers le bord de mer ou les cures thermales. Dans les années 1890 à 1930, le paquebot est roi. Initialement peu dévolu au loisir, il intègre de plus en plus de divertissements.
Que faire pendant son temps libre ? Fuir la ville et se ressourcer près de la nature ? Cette pratique aristocratique s'étend à la bourgeoisie. C'est le temps de la mise en avant du corps sportif dont parlait La Roue et le stylo. Mais il existe aussi un loisir citadin qui consiste à aller au spectacle, au bal, au parc, chacun selon son rang... Et il est amusant de lire ici combien certains loisirs populaires s'inspirent de ceux des classes aisées. Voire combien l'on souhaite maîtriser le temps de loisir populaire afin qu'il n'entraîne ni paresse ni rébellion.
D'autres sujets sont traités comme le développement de la pratique du football, de la pêche ou du bricolage jusqu'au vote des premiers congés payés. Tout article est introduit par Alain Corbin et rédigé par un des contributeurs (liste plus bas). Hélas, j'ai noté des disparités dans ces articles, tous ne sont pas aussi agréables à lire (mais tous sont intéressants) et tous ne sont pas toujours très structurés. C'est dommage car l'analyse de l'auteur se perd dans des descriptions de faits et ne ressort pas de façon évidente. Bon, c'est mon côté historien qui parle, ne vous inquiétez pas.
Les contributeurs de cet ouvrage sont Julia Csergo, Jean-Claude Farcy, Roy Porter, André Rauch, Jean-Claude Richez, Léon Strauss, Anne-Marie Thiesse, Gabriella Turnaturi et Georges Vigarello.
Une émission est passé à France Culture il n'y a pas longtemps sur le sujet. Très intéressante.
RépondreSupprimerAh, j'ignorais. Sais-tu à quel moment ? Je vais regarder si je la retrouve, ça m'intéresse ! Merci !
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