Pour ouvrir le challenge Bobin avec Yuko en ce début d'été, je vous propose un livre qui commence en hiver, dans la glace et le froid.
Geai et Albain. Femme morte, sous la glace, femme dont le sourire grandit, femme en rouge. Albain enfant curieux. sensible, rêveur, hors du monde ? Ou plutôt, plus dedans que les autres : présent à à la nature, à la musique, aux objets. Sage, sans souci du lendemain ou d'hier. Enfant que suit le lecteur, flottant avec lui. Albain devient adulte en conservant ses yeux et son attitude d'enfant, même quand il vend des casseroles ou travaille pour un antiquaire. Ce contemplatif, cet idiot diront certains, pose un regard si différent sur le monde et les êtres qu'il questionne. Faut-il tant travailler, se hisser, se battre ou se laisser vivre, à l'abri du monde ? Albain ne se pose peut-être même pas la question mais il a choisi.
J'ai noté pas mal d'extraits qui me plaisaient dans ce livre mais si je ne devais en garder qu'"une phrase qui bondit au visage du lecteur comme si elle n'attendait que lui" :
"On croit aimer des gens. En vérité, on aime des mondes"
Dans ce court roman, un bol d'air avec les jolies trouvailles de Bobin, Albain, ce personnage principal si paisible et doux.
"Que deviennent les choses que personne ne voit ? Elles grandissent. Tout ce qui grandit grandit dans l'invisible et prend, avec le temps, de plus en plus de force, de plus en plus de place"
"Un secret, c'est comme de l'or. Ce qui est beau dans l'or, c'est que ça brille. Pour que ça brille, il ne faut pas le laisser dans une cachette, il faut le sortir dans le plein jour. Un secret, c'est pareil. Si on est seul à l'avoir, ce n'est rien. Il faut le dire pour que ça devienne un secret"
"Mon Dieu, protégez-nous de ceux qui nous aiment"
"Et voilà. Il ne voulait pas le dire à Prune et il l'a dit. Les secrets sont des piments sur le bout de la langue. Tôt ou tard ils mettent la bouche en feu. Tôt ou tard on ouvre la bouche et on montre le petit diable qui faisait sa cuisine entre nos dents serrées"
"-Si c'est pour moi, tu trouveras. Quand on aime quelqu'un, on a toujours quelque chose à lui dire ou à lui écrire, jusqu'à la fin des temps.
-Qui a dit que je vous aimais ?
-Mais tu me vois, Albain. Tu me vois : il est impossible de voir quelqu'un - de ce côté de la vie ou de l'autre côté, peu importe - si on ne l'aime pas"
Quelle jolie phrase choisie ;) en relisant ma chronique de ce livre, je me suis aperçue que j'avais gardé la même phrase (enfin, dans un paragraphe) https://leblogdeyuko.wordpress.com/2014/04/23/geai-de-christian-bobin/
RépondreSupprimerQuel plaisir de se replonger dans la lecture de cet auteur et c'est grâce à toi ! A très vite !