lundi 7 octobre 2019

Tout le monde est occupé


C’est peut-être la première fois que je lis un Bobin si proche du roman. C’était étonnant et agréable de suivre une histoire plus que des évocations. Que voulez-vous, j’aime aussi l’ordre et les chronologies, s’ils sont légers. On pourrait dire que c’est l’histoire d’Ariane et de ses trois amours, ou d’Ariane et ses trois enfants. Ariane pleine de joie et de vie. Ariane qui vole et qui ronfle en dormant. Ariane qui a un canari et un chat. Qui aime les plantes et les revues. Puis à travers elle, c’est Manège, Tambour et Crevette que l’on découvre. Trois enfants étonnants et sensibles, comme Ariane. Et quelques personnes autour d’eux : les pères, plus ou moins présents, les employeurs d’Ariane, qui ont tous une petite lourdeur – tristesse, orgueil et jalousie -, la vierge Marie de plâtre de l’église qui aime voyager et voilà. Ça suffit pour faire un petit monde aux allures de conte.


La phrase qui fait boum : 
« Les livres, pour les effacer, il suffit de ne jamais les ouvrir. Les gens, c'est pareil : pour les effacer, il suffit de ne jamais leur parler »
Et plein d'autres morceaux choisis !
« Elle aimait et elle voulait. Le reste n’importait pas. Vivre est si bref. Donne-moi ce que j’aime. Je n’aime que la vérité. Donne-moi ce que tu es, laisse tomber ce que t’ont appris tes maîtres, oublie ce qu’il est convenable de faire »
« Il n’y a que du naturel dans ce monde. Ou si vous voulez, et c’est pareil – il n’y a que des miracles dans ce monde »
« Tout le monde est occupé. Tout le monde, partout, tout le temps, est occupé, et par une seule chose à la fois. Monsieur Lucien est envahi par sa femme. Monsieur Gomez est obsédé par sa mère. Madame Carl ne pense qu’à sa carrière. On ne peut pas faire deux choses à la fois. C’est dommage mais c’est comme ça. Dans la cervelle la plus folle comme dans la plus sage, si on prend le temps de les déplier, on trouvera dans le fond, bien caché, comme un noyau irradiant tout le reste, un seul souci, un seul prénom, une seule pensée. Dans le cerveau de Manège, dans sa tête, dans son cœur et sous ses paupières qui ne se ferment jamais, il y a désormais un pêcheur à la ligne. Elle le cherche dans la beauté du monde. Elle dessine cette beauté pour y trouver les traits de son père. L’histoire des petites filles avec leur père est une histoire insistante. Quant à l’histoire des petits garçons avec leur mère, c’est encore plus compliqué. C’est dommage, c’est navrant, c’est un peu étroit, c’est tout ce qu’on voudra mais c’est comme ça. Tout le monde, partout, tout le temps, est occupé, et par une seule chose à la fois »
« Ariane est à nouveau amoureuse. Il n’y a pas d’occupation plus radicale. L’amour prend la pensée et la prend toute. L’amour est pour la pensée la fin des vacances. Tout ce qu’Ariane pense se rapporte à son nouvel amour »
« Dieu, mon petit bonhomme, c’est aussi simple que le soleil. Le soleil ne nous demande pas de l’adorer. Il nous demande seulement de ne pas lui faire obstacle et de le laisser passer, laisser faire. Un peu comme Ariane dans la cuisine, quand elle demande aux enfants d’aller jouer un peu plus loin, afin de préparer cette nourriture qu’elle n’invente au fond que pour eux. Dieu, c’est pareil mon petit bonhomme. Il aime nous voir rire et jouer. Le reste, il s’en occupe »

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