Avec cet ouvrage de Cyrulnik, on n'est pas directement dans la résilience. C'est pas mal, parce qu'on pourrait se lasser du thème ! Ici, il est question d'affectivité et de développement humain, en partant de la conception d'un enfant à la mort du vieillard. Au programme, le sens de la vie, de l'appartenance, la construction personnelle, mais aussi la violence et l'inceste. Un ouvrage assez chronologique dans le développement, on sort de la pensée en spirale.
Notre histoire commence avec la rencontre des parents de l'être humain. Ben oui, ce n'est pas le petit d'homme uniquement qui se construit, il hérite aussi de pas mal de trucs - qu'il découvrira peut-être toute sa vie ! Cyrulnik s'intéresse à la vie mentale du fœtus et surtout à ce qui fait son hérédité et son héritage, entre ce qui est choisi ou subi. On s'attarde sur les sens. Mais l'auteur développe surtout longuement, et c'est intéressant, l'appartenance :
"Puisque appartenir est une fonction, cela peut donc mal fonctionner. On peut ne pas appartenir, vouloir ne plus appartenir, appartenir à un autre, appartenir à soi-même, trop appartenir c'est-à-dire mal appartenir. Chaque trouble de cette fonction se manifeste par un trouble du fonctionnement de l'individu"
La violence et l'inceste, violence destructrice ou créatrice, interdit de l'inceste dans les sociétés, voici deux questions abordées selon le rapport nature / culture. Ce sont les parties qui m'ont le moins intéressée. Il conclue sur le récit qui émerge de la mémoire des hommes âgés, comme sur un palimpseste où tous les événements vécus n'ont pas été effacés mais recouverts... pour mieux resurgir plus tard.
Un ouvrage très intéressant mais assez daté sur les rôles des parents et la place de la femme. A rafraichir ?
"Dans le mariage d'amour, c'est l'intimité de la personne qui s'exprime en priorité. Voilà pourquoi, aujourd'hui, les rencontres se font beaucoup plus entre inconscients qu'entre familles. Voilà pourquoi j'ai pu dire que le mariage arrangé facilitait la reproduction des structures sociales, comme le mariage d'amour facilite la rencontre des névroses"
"L'enfant comprend, vers deux-trois ans, qu'en le regardant, l'autre le capture. S'il désire cette capture, il sourit et se précipite à la rencontre de l'autre, dont le regard assume alors sa fonction d'appel. S'il refuse cette capture, il va se cacher pour éviter l'autre, dont le regard assume alors sa fonction d'intrusion"
"La rencontre crée un champ sensoriel qui me décentre et m'invite à exister, à sortir de moi-même pour vivre avant la mort. C'est pourquoi il y a toujours quelque chose de sensuel dans la rencontre qui m'excite et m'effraie, comme la vie"
"Il faut donc appartenir. N'appartenir à personne, c'est ne devenir personne. Mais appartenir à une culture, c'est ne devenir qu'une seule personne. On ne peut pas devenir plusieurs personnes à la fois sauf à connaitre des troubles d'identité qui compromettent son insertion dans le groupe [...] Quand un enfant n'appartient pas, il ne connait pas l'histoire de sa famille ou de sa lignée. Or, cette lacune empêche l'enfant de structurer son temps. Lorsqu'un enfant sans famille raconte sa vie, je suis toujours ahuri par la désorganisation temporelle de son récit"
"Les contresens culturels sont fréquents parce que des gens qui vivent dans le même espace-temps et s'y côtoient physiquement, ne vivent pas du tout dans le même monde mental où chacun est fier des valeurs culturelles du groupe auquel il appartient. Ce sentiment de fierté que procure un mode d'emploi du monde procure à son tour le plaisir de pouvoir y construire son identité"
"La perte de sens des objets participe de la crise de l'appartenance, elle fragmente le corps social et libère les individus qui ne veulent plus lui appartenir"
"Finalement, dans notre culture de la personnalisation, la réponse à la question : "A qui appartient l'enfant ?" serait : "Il appartient à lui-même !" Cette aimable réponse n'a pas de sens, puisque l'enfant de personne devient personne. Il lui faut quelqu'un pour devenir quelqu'un. Un nouveau-né qui n'appartient pas est condamné à mourir ou à mal se développer. Mais un enfant qui appartient est condamné à se laisser façonner par ceux à qui il appartient. Le plaisir de devenir soi-même, de savoir qui on est, d'où on vient, comment on aime vivre, passe par le lien qu'on tisse avec les autres"
"Que nous soyons prédateurs, commensaux ou parasites, c'est l'indifférence affective qui autorise la destruction de l'autre. Et cette indifférence s'explique par le fait que nous vivons dans des mondes incommunicables"
"L'âgé, en perdant son amarrage au monde, désémantise les objets, puis les désaffective jusqu'à les transformer en matière inerte. L'objet meurt lentement avec le sujet qui s'éteint"
Chaque livre que je lis de Cyrulnik me fait grandir.
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