Encore un petit Christian Bobin pour le plaisir de ses jolis mots. Le lecteur suit l'enfance, l'adolescence et le début de l'âge adulte d’Albe, fille d’un peintre et d’une lectrice de manuscrits. On la suit dans sa croissance, discrète, simple. Parmi les thèmes importants, la nature, l'amour et la mort bien sûr !
Encore une fois, j'y ai glané des mots !
« À dix-sept ans, on voit clair. On voit ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. On devine que le cœur d'un adulte est mélangé de tout. On voit que le cœur d'un adulte est un chiffon, un peu comme ceux qui servent aux peintres, pour essuyer leurs pinceaux. On voit la vie manquée on se promet tout le contraire. On a des colères pures, sans ressentiment. On a des joies toutes neuves, sans fatigue. Mais on ne peut pas tout voir »
« Où donc es-tu partie si vite. Tu es la plus étourdie des voyageuses. En partant, tu as laissé tous tes rires dans mes yeux, tu as négligé d’éteindre la lumière dans mon cœur. Comment pourrais-je m’y retrouver, maintenant »« La distance entre lui et moi, je la vois, je la sens. Je la reconnais déjà dans la manière de marcher. On ne va pas du tout du même pas. Il va trop vite pour moi. De temps en temps il ralentit, revient à mon côté, mais c’est plus fort que lui […] Il ressemble au père, c’est drôle. Je m’en suis aperçue la semaine dernière. C’est dans les yeux que ça se passe. Quand ses yeux se rapprochent des miens, à les éteindre. A me bruler le cœur. Il est comme le père, mené par quelque chose. On ne sait pas quoi. Le père, je devine, les peintures parlent pour lui. Mais celui-là. Ce mélange de force et de douceur. J’ai cru qu’il allait me gifler, l’autre nuit, quand j’ai éclaté de rire »« Il y a deux manières de mentir. On peut inventer. On peut aussi dire la vérité, en passant, d’une voix menue, comme une chose parmi tant d’autres sans importance. C’est la plus élégante façon de mentir »« Elle appelle au secours mais il ne voit qu’un sourire »
« Des gens normaux qui vivent à côté de leur folie – comme on dort auprès d’une femme délaissée, peu remuante. Tellement de visages, détachés de la même substance d’humanité, de la même matière d’absence. Albe les regarde un par un. Elle les trouve beaux – d’une beauté qui a affaire avec la douleur. Ce sont les mêmes visages que dans l’enfance, un peu effacés, un peu plus étonnés d’avoir accumulé autant de mauvaises notes »« On est très près d’une autre vie. Aucun doute là-dessus. Une vie toute rose, peinte en neuf. On la touche presque du bout des doigts. Les pensées y volent déjà – et l’air y est ample. Le cœur y bat déjà – comme détaché, en éclaireur. Et pourtant rien n’arrive. C’est qu’on est empêché. On croit que c’est quelque chose qui empêche. On cherche. On n’a aucune chance de trouver parce que ce n’est pas une chose qui empêche, c’est soi-même : on tient encore à cette vie morte, que l’on n’aime plus. On tient encore à trop de choses. Comment faire. Comment se quitter soi-même – ce qui serait la seule manière de tout quitter »« Cette conversation – comme toutes les conversations – est un jeu de société. Le but est d’amener l’autre au silence » « Bien peu de gens savent aimer, parce que bien peu savent tout perdre »
J'adore Bobin, tu me donnes envie de le relire !
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