J'ai découvert Rancière avec Le maître ignorant et avec une amie qui l'a beaucoup lu. Intriguée par cette longue conversation du philosophe avec Laurent Jeanpierre et Dork Zabunyan, j'ai pu découvrir par cette lecture un peu plus de la philosophie de Rancière et notamment sa conception de l'égalité, ses études sur la parole ouvrière, sa conception des scènes et de l'événement. Je vous avoue que je n'ai pas toujours tout compris, les références me manquaient, surtout quand il s'agissait d'Althusser ou des questions politiques des années 70. L'ouvrage se scinde en 4 parties : Genèses pour ce qui est de la formation du philosophe, Lignes pour éclairer les questions de sa pensées, Seuils pour la confronter à d'autres et Présents pour questionner le lien à l'actualité.
Ce billet sera donc surtout une suite de citations plus qu'un résumé ou un avis.
"Ma question est quand même toujours : "Qu'est-ce qu'on peut percevoir, qu'est-ce qui permet de voir telle chose, qu'est-ce qui fait que tel mot, telle phrase prennent sens, acquièrent une valeur symbolique, d'assignation ou d'émancipation ?" C'est lié au fait que j'ai un peu toujours travaillé sur les marges, en récoltant éventuellement des bribes, des chutes, avec l'idée que ce qui définit les conditions de la pensée et de l'écriture n'est jamais le temps et la situation tels que les décrit le discours dominant. Il y a une texture sensible de l'expérience qui est à retrouver et qu'on ne peut retrouver qu'en éliminant entièrement les hiérarchies entre les niveaux de savoir, du politique, du social, de l'intellectuel, du populaire"
"Pour moi la seule méthode qui vaille c'est de savoir si une parole fait tout à coup poids, résonance par rapport à une autre, si elle établit un réseau par rapport à une autre [...] Car c'est là le problème fondamental : déterminer un commun de la pensée"
"Il y a des philosophes que j'ai connus et dont je peux dire qu'ils m'ont influencé à un certain moment [...] Sartre, c'est l'écart par rapport aux explications psychologiques et sociologiques ; Althusser, une certaine remise en question de l'idée d'histoire, une certaine idée de la multiplicité des temps à laquelle, en un sens, j'ai le sentiment d'avoir été plus fidèle qu'Althusser lui-même. Foucault, une attitude consistant à se demander non plus ce qu'il fallait penser, ou sur quoi reposait la pensée, mais ce qui faisait que telle chose était pensable, que tel énoncé était formulable. J'ai retenu de lui l'idée que ce qui est intéressant c'est la pensée à l’œuvre dans des pratiques, dans les institutions, la pensée qui participe au paysage de ce qui est. Et j'ai aussi retenu une certaine disjonction entre ce que on appelle théorie et pratique [...] Tout ce qui a pu être chez moi l'attention à la façon dont les événements sont d'abord des transformations de ce qui est perçu et de ce qui est pensable, cela me vient de la littérature [...] Je pense être quelqu'un qui a eu 20, 30 ou 100 maîtres et non pas un maître [...] Au fond, est maître tout ce qui nous provoque, et aussi éventuellement tout ce qui vous souffle des réponses par rapport à la provocation"
"La norme, c'est que les gens restent à leur place et que ça continue toujours pareil. Tout ce qui fait date dans l'histoire de l'humanité fonctionne malgré tout sur le principe qu'il arrive quelque chose, que des gens se mettent à parler. Je travaille à partir de ceux qui parlent [...] C'est une stratégie aussi bien des chefs politiciens que des historiens et sociologues, de dire que la parole qui compte, c'est la parole des gens qui ne parlent pas. Je suis parti du fait que s'il arrive quelque chose, c'est par exception, et qu'on s'occupe de l'exception"
Ouvrage passionnant quoi qu'ardu lorsque l'on n'est pas familier du philosophe, il semble être un résumé de sa pensée mais aussi une introduction à ses écrits. A poursuivre, donc !
Le Maître ignorant, cela me renvoie à mes années de formation....
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