lundi 30 décembre 2019

Louise Amour

Histoire d’amour, évidemment  !

Louise est parfumeuse, riche, légère. Elle est présente au monde et aux autres, elle éclaire le monde. Et notre narrateur écrit. Il aime les écrits des saints et des mystiques. La rencontre des deux fait des étincelles et c’est le début d’une histoire. Une histoire de passion et de mort, comme toutes les histoires d’amour. Une histoire d’amour et de jalousie, de possession. Une histoire qui vient fendiller la carapace de cristal du narrateur. 

Lieux : cimetières, églises, champs de fleurs et roseraie. Alternance de lumière et de sombre, entre les lieux de Louise et ceux du narrateur, en pleine lumière.

Encore une belle incursion dans l'imaginaire de Christian Bobin et dans sa langue si douce à mes yeux : « Arrive la mort – ou la grâce d’une épreuve sans issue imaginable – et l’épouvantail brûle en une seconde et du feu surgit un vivant absolu, une personne non encombrée d'elle-même ni infestée par le monde, un tout petit éclat bleuté du grand vitrail de Dieu – une âme »


« Les livres sont de vieux serviteurs sur le dos desquels nous disposons, afin qu'ils les portent à notre place, nos craintes et nos espérances. Le temps passé à lire qui est du temps changé en lumière, l’espérance attrapée comme un rhume en rêvant, la puissance secrètement demandée aux livres savants, tout de nous pèse sur les épaules, la nuque, le dos de nos esclaves de papier. Il suffit ensuite de les regarder pour connaitre leur maître. La bibliothèque de Louise Amour ne révélait-elle pas une âme éprise de ce Dieu exténué d’être seul, à qui les roses proposent l’asile de leur douceur ? »
« Le visage de la jeune femme derrière Santal avait la sourde luminosité de celle qui, penchée au-dessus d’une flamme invisible, ne songeait qu’à l’entretenir et s’oubliait elle-même. Elle semblait avoir l’autorité abrupte de ceux qui se donnent à l’essentiel, sans aucun souci de plaire. Le Christ avait aimé de telles voisines fidèles et sans prestige »
« Certains êtres sont comme le lilas qui sature de son parfum, jour et nuit, l'air dans lequel il trempe, condamnant ceux qui entrent dans son cercle embaumé à éprouver aussitôt une ivresse intime qui fait s'entrechoquer, comme des verres de cristal de Bohême, les atomes de leurs âmes. Dans les entours de telles créatures, comme dans ceux du lilas, plus moyen de garder une conscience claire. La pensée est un soleil d’hiver. Elle a besoin du froid et du sec pour s’élever. L’ivresse, même quand elle n’est que mentale, l’humidifie, l’alourdit et finalement l’empêche de s’envoler »
« Le luxe donnait l’impression que la vie était délivrée de la mort, de la douleur, du temps – et au bout du compte de la vie même »
« A la fin de chaque jour d’absence de Louise Amour je prenais le carnet au-dessus de la pile, je le remplissais de mots jusque tard dans la nuit, et c’était comme verser un vin précieux dans un verre sans fond. Louise Amour, quand je ne pouvais la voir, devenait plus haute qu’une cathédrale. Son absence jetait de l’ombre sur tout, comme si une géante avait recouvert de ses jupons la terre entière – villages, routes et projets […] Je la remerciais au contraire silencieusement de m’avoir abandonné, de m’avoir laissé dans une épreuve que finalement, avec de l’encre et du papier (comme font les enfants après le départ soudain de leur mère dans la pièce à côté), j’avais changé en grâce. J’offrais mes prières de papier à la déesse de chair. Elle prenait son temps pour les lire. Elle prenait son temps pour tout»
« Chacun de nous est fait pour une seule chose et cette chose, quand il l’accomplira, le contiendra en entier, mieux qu’un cercueil. J’étais fait pour adorer. J’avais été élevé pour ce sacre dont j’inventais la couronne d’encre et de papier »
« Elle portait son cœur sur son visage comme les saints qui tiennent leur cœur dans leurs mains, à l’extérieur d’eux-mêmes »
« Le parfum des parfumeurs, c’est l‘âme volée des fleurs. On devrait l’interdire aux belles dames et l’utiliser uniquement pour laver les clochards et les agonisants »

1 commentaire:

  1. Je ne suis pas très "histoires d'amour" ces temps-ci... mais bon, Bobin... pourquoi pas! Bonne année miss!

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