Cet ouvrage de François Jullien traite du "beau" pour questionner ce terme si banal. Après tout, on cherche souvent à définir ce beau, mais rarement à le questionner, à le confronter à d'autres philosophies. En proposant des regards croisés sur le beau, substantivé, sacralisé, idéalisé comme une idée, dominant l'occident, et une conception chinoise d'un beau qui ne se dit pas beau, qui est avant tout tension, transformation et opposition, le philosophe permet de repenser notre rapport à l'esthétique.
Loin de voir le beau comme un idéal, une forme plastique reproduisant ou sublimant une réalité, la pensée chinoise s'intéresse à ce qu'il y a de vivant, de mouvant dans l'art. Ce n'est pas l'imitation, la copie mais ce que suscite et permet l'équilibre et l'énergie des formes qui compte. On dira d'une œuvre qu'elle est supérieure, vivante, qu'elle possède un attrait inépuisable. Elle permettra surtout, à mesure qu'on la regarde, d'être toujours plus intéressante. Elle est shen c'est-à-dire qu'elle est spirituelle et / ou miao (achevée). Elle est "paysage en voie de sagesse" car les tensions et l'énergie entre les composants du paysages créent du spirituel. A travers cette comparaison avec le concept chinois, c'est toute la philosophie occidentale du beau, de Platon à Kant et Hegel, qui est sollicitée. On y retrouve notamment la question cruciale du sensible et du spirituel, de l'essence des choses, l'idée qui est manifestée par le beau. "Le beau est seul inscrit au sein du sensible, il fait signe et nous tend vers ce dépassement" ou "Le beau lui-même est ce paraître sensible de l'Idée". Il oppose la forme-idée des grecs à la forme-actualisation d'énergie des chinois. Il s'intéresse également à l'esthétique et au plaisir que suscite le beau en occident qui correspond plutôt en Chine à un déploiement d'énergie, une animation vitale, qui permet d'entrainer l'esprit, de méditer. Enfin, il est également question de comment l'art peut se détacher du beau, exprimer l'étrangeté de ce beau. Une lecture intéressante
"Le beau est la conformité d'un objet à ce qu'il doit être, ou mieux à ce qu'il lui convient d'être, et qui fait sa perfection"
"Peindre, en Chine, ce sera donc faire apparaitre, à travers ce qui s'étale et se réifie, le procès intérieur qui le fait advenir et muter, dégageant ainsi sa dimension d'"esprit" : en rendant sensibles, non plus des qualités, mais des capacités"
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