Cet essai d'Elisabeth de Fontenay s'intitule "Réflexion sur la Révolution française et la Vendée".
L'auteure, à travers de courts chapitres, revient sur la guerre de Vendée. Peu connue de notre histoire, il s'agit d'une période de guerre civile des débuts de la République, dans le foulée de la Révolution. Instrumentalisée par certains partis, mise au service d'une hostilité à l'idée de nation ou de république, elle a été gommée de l'histoire... mais ne pas l'assumer n'est certainement pas la solution. Cette guerre est au centre du roman Quatrevingt-Treize de Hugo - et cet ouvrage m'a donné envie de relire ce roman. Elisabeth de Fontenay convoque aussi Michelet, qui évoque aussi cet épisode sanglant dans son Histoire de la Révolution française.
Ce sont deux approches bien différentes, la première, par le roman, montre des personnages en proie à d'affreux dilemmes, entre affections et convictions.
"Ils s'affrontent parce que Gauvain n'a pas tout à fait sacrifié la grâce qui ne fait qu'un avec l'honneur et le pardon, alors que Cimourdain a choisi le culte de la justice et de la défense de la patrie en danger"
La seconde, dans l'essai historique, ne nie pas les crimes révolutionnaires mais se refuse à éprouver quoi que ce soit devant les massacres de la guerre civile - alors que d'autres crimes de la Terreur sont convoqués.
Ce qui l'interpelle dans cette seconde approche, c'est l'universalisme surplombant et destructeur, l'absolu qui impose sa vérité, nie la différence et devient intolérant. A travers cet ouvrage, on s'interroge avec elle sur l'universel et l'absolu bien sûr, mais aussi sur le sens de l'histoire. Peut-on du jour au lendemain changer les lois en vigueur et proposer un nouveau code ? L'auteur dénonce le constructivisme et le volontarisme des révolutions qui créent un homme nouveau à partir de nouvelles lois, en décapitant les modérés ou ceux qui doutent.
"Les grandes révolutions, la française et la russe, ont sacrifié des individus pour faire naitre des hommes régénérés. Même s'il faut le redire, tout est toujours déjà et toujours encore histoire, cette façon de décider que la politique doit engendrer, quel qu'en soit le prix, des hommes libres, égaux et heureux, révèle une volonté anthropogène qui, par sa radicalité, confisque l'émancipation"
Et aujourd'hui, où en sommes nous ? Comment peut-on continuer à avancer ensemble, sans céder aux sirènes du communautarisme ou de l'universalisme ?
"La nécessaire contextualisation des réalités passées n'implique aucunement de renoncer à juger, ni de céder en rien sur l'impératif catégorique, énoncé en 1785 par Kant, admirateur un peu plus tard de la Révolution française : "Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen.""
"Les êtres humains sont devenus extrêmement sensibles au sang répandu et à l'humain bafoué au nom de principes qui, ayant en commun d'être plus universalistes qu'universels, ont pouvoir d'anéantir ces différences inassimilables qui persévèrent et éclatent au visage de l'Europe et de la République"
"Le philosophe Souleymane Bachir Diagne [...] distingue un "universel de surplomb", polarisé, vertical et un "universel latéral", décentré, horizontal. Le premier définit une appréhension de la particularité, à partir d'une position de centralité qui n'est jamais contestée. Le second se conçoit comme aller et retour entre les particuliers, sans point de référence absolu à partir duquel ils sont jaugés. C'est le mot absolu qui importe ici et l'on ne peut que souscrire à ce qui ne tient pas à un relativisme faisant de toute "diversité" un horizon désormais indépassable mais à une exigeante capacité de modifier le focus"
"S'est opéré en ce temps-là un nouage difficile à démêler entre l'universalisme, le centralisme, la République et le progrès, nouage qui tint lieu d'absolu"
"La République ne pouvait produire ce récit des origines, où elle se fondait, sans expulser publiquement ce qui l'avait si évidemment menacée. Walter Benjamin a écrit que le secret de toute œuvre résidait dans l'inhumanité qui avait constitué sa condition de possibilité, que "tout monument de culture est un monument de barbarie"."
"C'est avec le romantisme républicain et la recherche de l'absolu que l'ange de l'histoire nous invite donc à rompre. Mais pas avec le fait de veiller, car chaque instant qui passe est à la fois lourd de mémoire historique et chargé d'attente déraisonnable"
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