C'est ma lecture de Bobin qui m'a fait découvrir Jean Grosjean. J'ai choisi ce recueil de poésie, un peu par hasard, pour voir. Et j'y trouve deux éléments chers à Bobin : une observation fine de la vie quotidienne, notamment de la nature et des hommes ainsi qu'une approche spirituelle, notamment à travers Abraham revisité, les violettes, ou En bas de l'échelle.
Comme souvent, j'ai noté quelques poèmes que je veux garder !
J'ai été là
J'ai été là où reposait ton corps.Le vent parlait tout bas dans les buissons.Les gens étaient partis pour vivre encore,pour contourner vaillamment ton absence.Le soleil de l'été s'était lui-mêmeaprès toi retiré de nos jardins.La bruine allait et venait dans la nuitcomme on fait les cent pas jusqu'au matin.
Dans son fourgon
Il fait soleil mais le vent vient du nord.La grande herbe a déjà l'odeur du foin.La vie qui se dessèche aussi m'embaumetant la demeure est cernée par les roses.Tout est livré aux insectes pillardsmais les instants aussi son butineurs.Chacun nous prend quelques lambeaux du jourpour entasser dans son fourgon ses proies.
Leurs pas épars
Je monte obscur à ce grenier d'où voirdescendre le chemin par où partirentle long des bois, les uns après les autres,les habitants de nos jours périmés.Ils ont laissé dormir dans la campagneleurs pas épars sous l'incendie des soirsmais sous l'inattendu des clairs de luneils ont gardé leur souffle matinal.
En ce village
Tu descendais ton coteau de duréeparmi les frondaisons roussies d'automne.Dans la source on voyait le fond du cieloù les oiseaux se mêlaient aux nuages.J'ai demeuré moi-même en ce villageoù se sont déployés tes derniers joursmais c'est depuis ton départ que tes joursse sont mis à revivre au fond des miens.
L'avenue
Fin de l'hiver, sérénité du soir.Pas de tiédeur mais la froidure a fui.La lumière en suspens s'estompe à peine.On voit glisser au fond de l'avenuedes ombres de passants qu'on n'entend guère.Ce n'est pas l'heure encor des lampadairesmais tu es là dans ta beauté précaireet mon partage est d'être aimé de toi.
Horizons
J'épie les horizons d'où tu viendrais.Nous seras-tu moins étranger qu'étrangecomme une ondée qui ne sait pas son heureou ces orties dont le calme est trompeur ?Je t'entendais la nuit longer les murset pousser devant toi les morts futurs.Si l'ouragan renverse au bois les hêtreset l'aigle dans la nue, tends-moi la main.
Les violettes
"Cette récurrence nous renvoie au pays confronter cette vie d'après sa mort avec notre ancienne vie quotidienne. Le monde est toujours le même et pourtant tout autre. Le Christ ressuscité, dès qu'on y pense c'est presque comme s'il était là, mais la moindre de nos occupations semble l'effacer. Un souci, une honte, une douleur et on est perdu. Ce qu'on sait de lui c'est comme un cénacle où on se réfugie mais sans lui. Et ce qu'on sait aussi c'est qu'il peut soudain être là, qu'il est même plus réel que quand il marchait sur l'eau du lac la nuit de la tempête. Or ce compagnon de nos vies humaines qui les a expérimentées et en porte les marques, il est tout ce que Dieu a à nous dire et son seul resplendissement"
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