mardi 2 septembre 2014

L'hiver de la culture

Jean Clair est un empêcheur de penser en rond. Cet ancien conservateur de musée s'en prend dans cet ouvrage à l'art contemporain et aux musées (à ses visiteurs, à ses employés, à ses politiques, à ses œuvres : bref, à presque tout). 


musee david d'angersCommençons par les musées. Ces lieux de savoir sont devenus à ses yeux des lieux de loisirs, où les populations analphabètes viennent se gaver d’œuvres d'art sans les comprendre. Il lit dans cette foule qui se précipite au musée une recherche de spiritualité. Le musée serait le dernier lieu de culte d'occidentaux sans dieu : "Eglises, retables, liturgies, magnificence des offices : les temps anciens pratiquaient la culture du culte. Musées, "installations", expositions, foires de l'art : on se livre aujourd'hui au culte de la culture". Il rapproche ces pratiques du stade esthétique de l'humanité d'après Kierkegaard : l'homme n'aurait plus en vue que l'hédonisme et la jouissance comme but de sa vie... Et pourtant, quel ennui que ces alignements de tableaux, ces expositions sans sujet et ces animations perpétuelles !
Jean Clair revient également sur le topos de la perte de l'aura de l'oeuvre d'art à l'heure de sa reproductibilité, sans oublier le rôle initial de la gravure dans ce processus. Et il s'interroge sur le sens même du musée, sur son côté factice et vain : "Toute chose placée dans un musée devient ipso facto parodie d'elle-même, mise là pour éterniser un geste désormais vide ou en porte-à-faux..." dixit R. Klein.

Il s'interroge ensuite sur la mort de l'art. Les musées en sont-ils responsables ? "Il y a quelque chose d'insupportablement barbare dans l'habitude des musées. Ils ne sont pas le plus grand achèvement qu'une culture puisse offrir mais le préambule à des temps obscurs où l'art aura cessé d'exercer ses fonctions" selon M. Blanchot
Il reproche à l'art contemporain d'être sans intérêt, centré sur des individus starifiés plutôt que sur des œuvres. Il s'agace de la complicité des musées qui, via des expositions, crédibilisent ces artistes auprès du marché de l'art. Il tape aussi sur le ministère de la culture, qui a la mainmise sur l'histoire culturelle et les productions artistiques. Bref, tout le monde en prend pour son grade ! 

Si ce essai a la virulence et l'excès du pamphlet, les questions qu'il soulève n'en sont pas moins pertinentes et intéressantes. Que recherchent tous ces touristes au musée ? A quoi sert un musée ? Est-ce que l'art contemporain est absolument nul ? Et depuis quand ? etc. Toutefois, cet ouvrage ne propose pas de réponse, il se contente de critiquer, de râler (c'est très français) et de condamner. Faut-il revenir à un musée ouvert aux seuls artistes et chercheurs ? Le musée doit-il ne pas exposer d’œuvres contemporaines ? Sans proposition explicite, Jean Clair apparaît malheureusement comme un nostalgique et un passéiste

6 commentaires:

  1. mmmhhhh, je pense que c'est le genre d'essai mauvais pour ma zenitude...

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    1. ça peut... Il dit des choses assez énervantes mais souvent vraies. Et son point de vue est un tantinet élitiste.

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  2. Sans avoir lu le livre, je suis assez d'accord avec ta conclusion... Et puis, je préfère que les «touristes» (et je m'inclus là-dedans!) aillent voir des oeuvres d'art pour de mauvaises raisons plutôt que pas du tout!

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  3. J'ai lu un livre de l'auteur, mais pas celui ci visiblement .

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