"Pour moi, expérience de l'amour et expérience de la foi n'en font qu'une. Loin de se faire du tort, elles se renforcent l'une l'autre, conscientes de procéder d'une même intuition : celle de l'absolu se faisant proche"
Attention, ce livre de Jacques de Bourbon Busset va vous faire basculer dans l'intimité d'un couple. Cette lettre à son épouse Laurence, récemment décédée, tient véritablement de l'échange amoureux. Ou plutôt, du monologue amoureux. Il est à la fois rétrospectif parce qu'il revient sur quelques éléments d'une histoire d'amour, mais sans suivre une chronologie particulière, et très intemporel parce qu'il s'intéresse au grandes lignes du cœur et de l'esprit humain.
Cet amour réciproque, à la fois passionné et tendre, intellectuel et sensuel, semble au lecteur hors du commun. Inatteignable. C'en est limite agaçant. On a l'impression que l'auteur nous assomme de la perfection de son histoire d'amour. Il l'explique notamment par un même élan vers l'absolu : "Il y avait entre nous une complicité d'esprit, la même conviction qu'il existait un absolu et que tout était subordonné à sa recherche" et par une volonté de faire constamment le bien de l'autre avant le sien propre : "Pour penser à moi je pensais à toi". Cet amour se ressource aussi dans la foi que partage ce couple, qui les nourrit. Ce n'est pas l'étape première de leur construction, mais cela vient les renforcer.
Sans être éblouie par l'écriture, sans être réellement touchée par cet amour et par ce couple, j'ai noté beaucoup de passages. C'est un peu comme ma lecture de La plus que vive : souligné et entouré à chaque page (ou presque). Et pourtant rien ne me bouleverse là dedans. C'est étrange... Ce genre de sentiment vous a-t-il déjà habité après une lecture ?
Voici les nombreux extraits que j'ai envie de retenir de ce livre :
"Tout s'est passé comme si nous avions ressenti la nécessité de nous mettre à deux pour interroger le monde et en tirer quelques certitudes provisoires. Mais pourquoi moi, pourquoi toi ?"
"Je l'ai toujours pensé, l'amour vit d'une ressemblance manquée"
"Ce qui nous avait tout de suite rapprochés, ce fut une commune exigence, une exigence de vérité, non pas de vérité sociale, expression qui n'a aucun sens, mais, comme disent les enfants, de vérité vraie"
"J'ai appris par toi que le passage de l'amour de la vie au désir de la mort n'était pas un défilé long et difficile mais, au contraire, une brusque et imprévue coupure sur le chemin familier, une défaillance brutale dans l'ordre des choses pouvant intervenir à tout moment. Rien n'est jamais acquis, tout peut être remis en cause à chaque instant. Le secret de la liberté est dans ce pouvoir de bouleverser d'une intonation, d'un geste ce qui a été patiemment construit et, en sens inverse, d'illuminer d'un sourire les ombres accumulées et de les disperser"
"Le secret, c'est que l'unité tant recherchée existe à cause du regard de l'autre. Ton regard a créé mon unité. Je ne me sentais un que sous ton regard. Je pense que chacun de nous est en mesure de faire exister un être, un seul (et c'est déjà beaucoup). On devient soi par l'autre.
Proust dit que l'amour est "le temps rendu sensible au cœur". Sans un amour profond le temps est, en effet, bête comme une voie de chemin de fer. On y va de gare en gare. L'amour change la couleur du temps. Des points lumineux s'allument, s'éteignent, se rallument après des années. Les mois, les semaines, les jours sont multicolores. Il en est de noirs, de bleus, de rouges, d'écarlates. Le temps n'est plus un long chemin qui s'étire tristement, c'est un feu d'artifice où les fusées de la joie s'efforcent d'éclairer la nuit obscure"
"La complicité, loin de nuire à la liberté de chacun, la développe, qu'il se crée une émulation féconde entre deux intelligences soucieuses de s'étonner et de se dépasser"
"La fausse vie a, en sa faveur, le brillant, l'immédiat, le facile. La vraie vie est un sentier escarpé qui exige effort et patience, mais, à chaque pas, le monde se découvre un peu plus. Aller de la fausse vie à la vraie vie, c'est changer de rive. Tu m'as fait passer sur l'autre rive"
"La joie d'exister, c'est toi qui me l'a apprise. Avant de te connaitre, j'étais un de ces vivants qui ont l'air de s'excuser de vivre"
"L'amertume de beaucoup naît de la conscience de l'absurdité du monde où ils sont jetés. Notre joie naissait de l'étonnement, chaque matin, de jouir encore de la grâce qui nous avait été donnée. Dans les deux cas, on n'en revient pas, que ce soit de l'absurdité ou de la grâce. Ce sentiment de stupeur nous séparait de tous ceux pour qui l'univers est une machine sans problèmes à laquelle il convient seulement de s'adapter. Pour nous, rien n'allait de soi, tout faisait question, le mystère était présent dans l'acte même d'exister"
"La rigueur inséparable de la démesure, j'ai appris de toi qu'elle était source de joie. Auparavant, je connaissais le plaisir, j'ignorais la joie, ce plaisir grave qui se nourrit du sentiment que l'on a enfin trouvé sa route, celle qui suffit de suivre pour aller toujours plus loin. Grâce à toi, j'ai compris que de l'alliance de la cohérence et du désir naissait la joie"
"L'amour naît de la confiance absolue"
"La relation la plus intense, pour un être humain, est l'étreinte. L'étreinte ouvre sur l'absolu. L'étreinte, c'est l'infini resserré. La gloire de l'étreinte est la respiration de l'univers"
Je crois qu'on peut apprécier une lecture, un style et une plume sans que ça nous touche aux tripes. Moi la littérature de l'intime m'emballe très rarement, et arrive peu à me bouleverser. Donc je ne pense pas que serai forcément sensible à cet ouvrage, même si c'est touchant cet homme qui écrit à son épouse défunte. Les extraits sont très beaux, mais peut -être trop travaillés ou trop stylisés pour moi
RépondreSupprimerCertes, mais je trouve ça dommage de ne pas en sortir émerveillée comme l'était la copine qui me l'a conseillé. J'ai l'impression d'avoir loupé un truc !
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