Cet essai de Jean-Claude Guillebaud invite à regarder notre réalité avec plus de bonne humeur, à chasser la morosité, à retrousser nos manches, et à changer les choses ! C'est vrai, quoi, si on n'est pas contents, pourquoi juste râler ? On peut agir aussi.
Avec le premier chapitre, "Renverser la montagne" il s'agit de questionner le propos du livre. Pourquoi vouloir revaloriser l'espérance ? A quoi ça sert ce truc ? C'est pas un peu vieillot ? Et puis, c'est agaçant la morosité de nos contemporains, qui ne sont pas si mal lotis, lorsqu'on compare avec d'autres régions du globe.
"Comment la flamme a faibli" se propose de suivre l'histoire de cette désespérance. Comment l'idéal européen a perdu de son attrait. Comment les grandes idéologies ont semé le doute.
"Quiconque se préoccupait de l'inégalité grandissante se voyait renvoyé au désastre communiste, voire au goulag"
"Le marché était jugé plus "raisonnable" que la politique, toujours soupçonnée de démagogie"
Bref, comment toutes nos jolies valeurs se sont retrouvées perverties, transformées, compromises à tel point que les grands mots ne déclenchent plus que méfiance ou haussement d'épaules.
On enchaine sur "Un mensonge a chassé l'autre". Vaste programme. Après les mensonges du communisme, ceux du capitalisme érigé comme religion :
"Credo n° un : il est moins dangereux de défendre des intérêts que des convictions. Crédo n° deux : l'efficacité des marchés (on parle doctement de leur efficience) est supérieure à celle de la décision politique. Credo n° trois : l'intérêt général n'est rien d'autre que la combinaison concurrentielle des intérêts particuliers puisqu'"une société, ça n'existe pas" comme disait Margaret Thatcher. Credo n° quatre : il faut ramener l’État à un étiage minimal et privatiser le reste, y compris les anciens services publics"
" Une société qui n'est plus "tirée en avant" par une valorisation de l'avenir, une société sans promesse ni espérance est vouée à se durcir. Ramené à lui-même et cadenassé sur sa finitude, le présent devient un champ clos. Y prévalent les corporatismes inquiets, les frilosités communautaires, les doléances, le chacun-pour-soi et le cynisme impitoyable"
Mais "Comment la flamme fut mise à l'abri" va nous redonner un peu d'espoir. Oui, oui, la société va mal mais il y a pas mal de monde qui se démène pour que ça aille mieux.
"L'extraordinaire effervescence du bénévolat est à la fois magnifique et politiquement embarrassante. Les bénévoles en sont conscients. En tempérant les cruautés de la société marchande, le mouvement associatif permet de panser les plaies, mais, du même coup, il aide le système à perdurer"
"Quand nous flanchons", c'est le moment nostalgie, le passage à vide, entre laideur du bitume et vide des campagnes. Mais on ne reste pas longtemps dans ce chapitre pour passer à "Un autre monde respire déjà". Il passe par des changements géopolitiques, le centre n'est plus seulement là où l'on le voit/le croit, par des changements dans l'échelle économique, par des progrès biologiques et numériques ainsi que par une révolution écologique. Yeah ! Il y a des perspectives, des outils qui vont nous permettre d'écrire une nouvelle page.
Puis interlude sur l'Europe "Qu'avez-vous fait du rêve européen ?" Réponse : une bureaucratie bien loin de l'utopie rêvée.
"Souviens-toi du futur !" propose de renouer avec un projet commun, avec une vision réjouissante au lieu de râler ou de tout tourner en dérision :
"La parole prophétique bouleverse de fond en comble le sens de l'aventure humaine. La vie ne sera plus soumise au destin, à la fatalité, mais avancera en direction d'un projet [...] il n'y a pas d'autre destin que choisi et construit. Et cette construction s'enracine dans une tradition attentivement transmise et constamment revisitée".
"Tous ces signes, mesures et indices sont autant de leurres. Ils colonisent notre esprit. Ils détournent notre attention des véritables questions : où allons-nous ensemble ? Quelle sorte de société voulons-nous construire ? Comment échapper à la violence de tous contre tous ?"
"Un pessimisme à front de taureau" et "Affaire de décision" montrent les effets pervers du pessimisme ambiant, du catastrophisme qui laisse croire que tout va toujours plus mal. Alors que nous pourrions choisir l'espérance !
"Ce que nous "ressentons", et qui alimente en continu notre pessimisme, ne correspond pas à la réalité, mais le ressenti l'emporte. La vérité, en somme, ne fait plus sens"
"L'optimisme retrouve une dimension réflexive et volontariste qui le rapproche de l'espérance. Il devient choix personnel, aventure intérieure, assentiment intime. Il n'est plus une simple tournure d'esprit ou une disposition à la bonne humeur. Comme l'espérance, il devient le moteur d'un engagement. Je propose d'appeler "optimisme stratégique" ce parti pris. Il est stratégique car il repose sur l'idée, mille fois vérifiée, selon laquelle le pessimisme est autoréalisateur"
Par quoi cela passe-t-il ? Certainement par un regard bienveillant et confiant sur le monde. Mais aussi par l'action pour ce en quoi l'on croit. Ces petits gestes qui semblent des riens mais qui changent le monde, qui nous changent.
"C'est la culture qui ne sert à rien qui, seule, rend une société capable de se poser des questions sur les changements qui s'opèrent en elle et de leur imprimer un sens" André Gorz
A mettre entre les mains de mes collègues qui ne font que râler, alors.
RépondreSupprimerOh oui !
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