samedi 20 mars 2021

Rendez-vous nomades

Un petit livre de Sylvie Germain qui n'est pas un roman mais plutôt un essai, une exploration nomade entre des pensées intimes, intérieures, existentielles. On y croise des questions sur Dieu et sur le lien de l'homme à Dieu, à travers la Bible. On se questionne avec elle autour de foi et raison, de l'innommable et de la shoah. Questions existentielles et humaines qui nous conduisent à l'écriture et à la lecture, guidés par Paul Celan, Simone Weil, Maurice Zundel et quelques autres. Si les premières parties traitent de là où elle vient à travers l'exploration du hasard, de l'extraordinaire, de l'invention, de l'inquiétude et révolution puis des mots qui font problème comme ceux de foi et croyance, de Dieu, de grandeur, d'imagination, de pourquoi, la dernière est sur l'écriture. C'est celle qui m'a le plus intéressé et que j'ai trouvé aussi la plus accessible.



L'ouvrage se termine par une nouvelle, L'astrologue, qui joue justement avec la marelle et le monde.

"La Bible est pareille à cet "abri de fortune" (au sens aussi de "trésor"), en tant qu'objet déplaçable et maniable, bien sûr, mais plus essentiellement en tant que lieu d'habitation migrante et de lieux de rendez-vous toujours renouvelé avec la part tout autre de soi même, la part d'inconnu, d'insoupçonné du temps, du monde, de la vie"
"La foi : une aventure de la pensée troublée par l'étrange gout de ce manque qui prend saveur de désir, et mue par les confus remuements du vide en elle."
"Ecrire est le plus sérieux des jeux. dans le territoire du roman, on écrit un peu à la façon dont on joue à la marelle, on pousse les mots de ligne en ligne, de page en page, on avance à cloche-main, et les espaces traversés ne sont pas sans danger. Mais on ne vise aucun "paradis", aucun "ciel" ; c'est vers le silence que l'on tend, que l'on conspire, en écrivant. Vers ce silence qu'on devine ouvert en amont du langage, que l'on pressent béant en son aval, et que l'on sent bruire autour, et tout au fond de chaque mot"
""Le romancier n'est ni historien ni prophète : il est explorateur d'existence" dit Kundera. Le romancier n'est rien de précis, il ne possède aucun savoir particulier, il est juste, et passionnément, en quête d'un peu de compréhension de ce qu'est l'humain. Il tourne autour, il lance de sondes, fines ou brutales, il fouille et touille, il hasarde des conjectures, il bricole des possibles par voie d'inférence et d'imagination, il extrapole."
"En écriture : on veille sur du sens imprécis, insaisissable, innommable, sur le passage d'un souffle - inspiration ; on témoigne de la présence de quelque chose qui ne se manifeste toujours qu'à fleur d'absence - expiration. On assume une fonction de lieutenance"
"Ce qui importe, c'est l'assomption par l'écrivain de cette "voix" (bruit, souffle, murmure, cri, chant, appel...) montée il ne sait d'où, qu'il fasse l'effort de s'en faire la bouche/main suppléante, l'effort de tenir lieu de locuteur quand la voix inaugurale s'est déjà retirée, partie ailleurs semer son trouble"

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