Petit à petit, je poursuis mon incursion proustienne. Avec ce tome, je sors un peu moins motivée, un peu lassée par la vie mondaine de notre héros.
Le côté de Guermantes reflète Du côté de chez Swann à plusieurs niveaux : du salon des Verdurin, on passe aux Guermantes, plus classes mais tout aussi plats. De l'enfance du narrateur, à la mort de sa grand mère. Des amours de Swann et Odette aux échecs amoureux du narrateur, que ce soit avec la duchesse de Guermantes, la belle Oriane, ou madame de Stermaria. Tout comme les jalousies de Saint-Loup pour sa Rachel font écho à celles de Swann... Pauvre Swann que l'on retrouve bien mal en point.
Mais si le premier tome m'a enchantée, passant du narrateur à Swann puis à Combray, celui-ci m'a paru plus monotone entre Doncières et Paris. De plus, si la bêtise des salons aristocratiques n'a rien à envier à celle des bourgeois, celle des invités paraît d'autant plus grande qu'ils évoluent dans des salons ultra fermes, super sélects ! Et tant de vanité fait rire au début et finit par attrister et fatiguer... Tout comme elle fatigue le narrateur. Bref, je me suis ennuyée dans ces jolis salons.
Heureusement, il y a de très beaux moments, très picturaux :
"La vie que menaient les habitants de ce monde inconnu me semblait devoir être merveilleuse, et souvent les vitres éclairées de quelque demeure me retenaient longtemps immobile dans la nuit en mettant sous mes yeux les scènes véridiques et mystérieuses d’existences où je ne pénétrais pas. Ici le génie du feu me montrait en un tableau empourpré la taverne d’un marchand de marrons où deux sous-officiers, leurs ceinturons posés sur des chaises, jouaient aux cartes sans se douter qu’un magicien les faisait surgir de la nuit, comme dans une apparition de théâtre, et les évoquait tels qu’ils étaient effectivement à cette minute même, aux yeux d’un passant arrêté qu’ils ne pouvaient voir. Dans un petit magasin de bric-à-brac, une bougie à demi consumée, en projetant sa lueur rouge sur une gravure, la transformait en sanguine, pendant que, luttant contre l’ombre, la clarté de la grosse lampe basanait un morceau de cuir, niellait un poignard de paillettes étincelantes, sur des tableaux qui n’étaient que de mauvaises copies déposait une dorure précieuse comme la patine du passé ou le vernis d’un maître, et faisait enfin de ce taudis où il n’y avait que du toc et des croûtes, un inestimable Rembrandt."
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"Les repas du milieu Guermantes faisaient alors penser à ces heures que des amoureux timides passent souvent ensemble à parler de banalités jusqu'au moment de se quitter, et sans que, soit timidité, pudeur, ou maladresse, le grand secret qu'ils seraient heureux d'avouer ait jamais pu passer de leur coeur à leurs lèvres"
"Si, dans le salon de Mme de Villeparisis, tout autant que dans l'église de Combray, au mariage de Mlle Percepied, j'avais peine à retrouver dans le beau visage, trop humain, de Mme de Guermantes, l'inconnu de son nom, je pensais du moins que, quand elle parlerait, sa causerie, profonde, mystérieuse, aurait une étrangeté de tapisserie médiévale, de vitrail gothique. Mais pour que je n'eusse pas été déçu par les paroles que j'entendrais prononcer à une personne qui s'appelait Mme de Guermantes, même si je ne l'eusse pas aimée, il n'eût pas suffi que les paroles fussent fines, belles et profondes, il eût fallu qu'elles reflétassent cette couleur amarante de la dernière syllabe de son nom, cette couleur que je m'étais dès le premier jour étonné de ne pas trouver dans sa personne et que j'avais fait se réfugier dans sa pensée".
J'ai hâte de le commencer, cet automne. Ils sont déjà tous dans ma liseuse.
RépondreSupprimerAlors, où en es-tu?
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