dimanche 4 avril 2021

Sous l'imperturbable clarté

Je relis de la poésie. Vraiment, je redécouvre un genre négligé et je me régale. Je pioche au hasard dans les rayons des bibliothèques, je picore, je lis in extenso, je note des vers. C'est ce qui s'est passé avec ce recueil de Jean-Marie Barnaud dont je ne connaissais même pas le nom. Il y a dans cet ouvrage, des poèmes de 1983 à 2014, issus d'une dizaine de ses publications. J'ai découvert une voix discrète, tournée vers le ciel, vers la nature, vers l'autre. Et des vers courts, où chaque mot compte, choisi. J'en ai noté quelques extraits que je vous livre :

"Passante inespérée :

la pluie,

sous l'arc-en-ciel"


"Passe l'écureuil,

ce risque-tout. 

"Et celui-là,

soupire le chien, 

où sont ses ailes""


"La mer en fête

tend l'arc

de ses dauphins"


"Comment dire seulement

Douceur

Quand l'air partout

Autour de nous

Eclate

Et puis retombe en cendres

 

Quand c'est du sable qu'on déverse

En charretées

Sur les visages et sur les mains

De suppliants

 

Quand les soins du labour

Que la mort

Sous son masque d'acier

Quand on n'avance que pour creuser

Des tombes"


"Alors tu t'étais perdue

Les chemins pour te rejoindre

avaient sombré

Tu t'éloignais toujours plus

dans cette campagne vive

Tu me hélais de là-bas

sans me voir

Et dans ce rêve dont j'étais le naufragé

je te voyais qui te penchais souvent

pour une poignée d'asperges sauvages" 


"Qui sait combien de pages

droit devant

il reste à écrire

et dans quelle langue


Et donc 

voici bien ma supplique : 

que tu descendes

jusqu'à ce livre

qui témoigne aussi de nous


Que tu fasses lever 

l'éclat demain

de la page blanche" 

"Le don furtif


C'est à nouveau

dans le ciel d'hiver

le grand soleil

Témoin terrible qui enchantait

les Grecs et dessinait pour eux

les routes de l'éternel 


Le même 

faisait aussi flamber au désert

les armes d'Alexandre


Vrai que maintenant

les drones et les missiles

sont les yeux et la foudre

des nouvelles puissances du ciel

qui toucheraient plus surement

Achille au talon

que la flèche de Pâris


Les dieux à présent

travaillent au scalpel


D'un seul élan

comme le vent nous porte

nous rentrons au pays

La mer nous est fidèle

L'écume fume et sauve

Ce sont les dieux qui jouent


Sur les nantis aux chagrins ordinaires

la beauté passe et se donne

sans preuve et sans raison


Assauts et clameurs

les vagues se brisent

contre la muraille

On a le droit ici

d'avoir les yeux comblés 

et le corps sourd"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour laisser un petit mot, donner votre avis et poser des questions, c'est ici !