Cet ouvrage de Mac Naspy et Blanch nous permet de parcourir les 30 pueblos des anciennes réductions jésuites du Paraguay, d'Argentine et du Brésil. C'est un livre illustré de photos en noir et blanc, qui hésite entre propos historiques, artistiques, anthropologiques et personnels. Malgré ce mélange, l'ouvrage est une belle introduction à l'histoire des missions. Allez, on part en voyage !
Tout commence en 1607 avec la fondation d'une nouvelle province de l'ordre jésuite, la province du Paraguay. Débutent alors les missions d'évangélisation envers tribus nomades guaranies. Contrairement aux colons, qui prennent indiens comme esclaves ou serviteurs, les jésuites créent et gèrent des réductions qui fonctionnent en autonomie, à l'écart des colons. 30 cités forment ce que l'on nomme ensuite la république guaranie avec 2000 à 4000 indiens par cité et 2 ou 3 jésuites. Le modèle des réductions est assez intéressant car il est parfois vu comme un prélude et un modèle pour le communisme. Que trouve-t-on dans ces réductions ? Des écoles pour les indiens, des enseignements en art avec pour but unique l’évangélisation. La première presse à imprimer des guaranis est mise en route en 1705... Voilà qui va accélérer la diffusion des catéchismes ! En 1767, l'aventure se termine avec l'expulsion des jésuites d'Espagne et des provinces de la couronne. Plus de 80 000 indiens habitaient alors les réductions qui sont attaquées par les militaires.
Entrons maintenant un peu plus dans le vif du sujet.
I. Las misiones en Paraguay, algunos lugares y pueblos
La présence des jésuites en Amérique du Sud remonte au 16e siècle avec la fondation du collège San Pablo au Pérou, à Lima (1568), la première école jésuite du continent.
Mais c'est au 17e siècle que se développent les missions, réparties entre le Paraguay, le Brésil et l'Argentine. Les héros des premières réductions se nomment Roque Gonzalez qui a fondé plusieurs réductions avant d'être assassiné par un cacique ou Ruiz de Montoya qui écrit les premiers dictionnaires et grammaires en guarani. Beaucoup de jésuites sont envoyés au Paraguay. Avant partir, ils devaient apprendre le guarani. Sur place, ils se retrouvaient confrontés à des souffrances physiques et morales (chaleur, bestioles, etc.) ainsi qu'à l'éloignement entre les différentes réductions.
2. Las reducciones en Paraguay
1609, nuit de Noël ou 29 décembre, les jésuites célèbrent la première messe à San Ignacio. La fondation officielle se fait en 1610. La légende dit que c'est fondé par San Roque, saint patron de la ville de San Ignacio, mais il n'arrive dans le coin qu'en 1611. La première réduction a certainement été fondée vers Santa Rita plus que dans le centre actuel qui remonte à 1667.
Les églises de San Ignacio sont construites en 1694 (destruction en 1911) puis en 1921 avec un intérieur en bois. On peut regretter la disparition de plus de 600 peintures à l'intérieur.
Autre réduction, Santa Maria de Fe, fondée en 1647 par Emmanuel Berthod, un français qui avait une grande dévotion à Notre-Dame de Foy. Son église est détruite en 1889 par un incendie mais l'on peut encore voire autour de la place centrale des maisons d'indiens, toujours habitées et un peu restaurées.
A côté, Santa Rosa dont l'église a aussi été détruite par un incendie (1883). Elle conserve un autel secondaire et une grande tour. On peut aussi y voir une belle chapelle avec des peintures et sculptures de Notre-Dame de Lorete et des maisons d'indiens.
Un peu plus loin, Santiago. Le saint, identifié en Espagne comme le vainqueur des maures, l'est ici contre les paulistes. On peut y découvrir de belles statues avec des influences flamandes !
De Trinidad, on retiendra l’église fondée en 1706, faite par Juan Bautista Primoli. Elle est considérée comme la plus belle des réductions avec ses frises d'anges musiciens et ses portes de style churrigueresque. On notera aussi l'originalité des maisons des indiens qui ont des voutes d’arête à la place des piliers traditionnels sur les galeries. Il subsiste aussi une tour qui pouvait être un campanile ou une horloge.
On termine avec San Cosme et Jesus. Cette dernière, jamais terminée, est étonnante avec ses portes surplombées par des arcs trilobes.
3. Misiones en Argentina
On déplore ici des réductions disparues complétement : Corpus Christi, Santos Martires, San José, Santo Tomé, San Javier, Encarnacion, Posadas, Concepcion, Apostoles, Santa Maria la Mayor, Santa Cruz, San Carlos, NUestra Señora de los Reyes Magos, Loreto. Et l'on passe par les ruines de Candelaria où vivait le supérieur des 30 pueblos. On s'arrête aussi à San Ignacio Mini, fondée en 1610, puis déplacée en raison des paulistes. L'église quant à elle (1690) serait de Brasanelli et Petragrassa. Elle est reconnue pour la richesse de sa sculpture, ainsi que celle du collège de la mission, qui emprunte au baroque européen.
4. Las siete ciudades al otro lado del Uruguay
Au Brésil, on croise aussi des réductions. Là, il s'agit plutôt d'estancias avec de grandes cultures et des patures en plus du champ dévolu à chaque indien. Cela permettait l'autosuffisance de la réduction et la vente du surplus pour payer l'impot à la couronne. Parmi les jolies choses, on peut parler de l’église Santa Ana faite par Brasanelli, de la réduction San Miguel, fondé en 1632 par Cristobal de Mendoza et Pablo Benavides, puis déplacée en 1687, qui conserve une église de style baroque romain, attribuée à Ribera ou à Primoli qui possédait deux tours dont l'une a été reconstruite.
Nos auteurs font aussi un petit excursus sur Antonio Sepp, musicien des missions, qui introduit des instruments de musique, de la harpe à l'orgue.
5. El barroco guarani
Bien sûr, il est difficile de parler d'un art baroque hispanico-guarani car de nombreux artistes des réductions sont italiens (Primoli, Brasanelli, Zipoli), français (Berger), autrichien (Sepp)... Et en termes de baroque, on dépasse largement la durée du courant connu en Europe puisqu'on parle d'un art qui a duré de 1580 à 1780. Par contre, on peut garder l'idée de baroque comme un courant qui assimile toutes influences. Quant à un art guarani, nos auteurs émettent quelques doutes. Selon eux, il n'y avait pas d'art guarani à l'exception de quelques poteries. Ceux-ci se révèlent excellent copistes mais n'ont jamais exprimé aucune originalité. Enfin, les sources et ruines leur paraissent trop peu pour parler véritablement d'un style.
L'architecture des missions suit un plan unique, composé d'une place avec une église à une extrémité encadrée par le cimetière et le collège. Autour de la place, les maisons des indiens, toutes sur un même modèle.
Epilogo
Enfin, on conclut sur la dispersion des guaranis ne sachant pas gouverner par eux-mêmes la cité après l'expulsion des jésuites et la destruction des réductions.