lundi 29 avril 2019

Ça commence par moi

Je ne sais pas si vous connaissez le site de Julien Vidal mais c'est d'abord ainsi que j'ai découvert "ça commence par moi". Je rentrais de l'étranger peu après lui et je regardais les chemins qu'inventaient les uns et les autres pour avoir un peu de prise sur le monde. C'était l'un d'eux. 

Au retour de ses volontariats, Julien s'inquiète de l'état des choses, des limites de la planète. Il décide de mettre en place, chaque jour, une action pour avoir un impact positif sur le monde. Une façon de donner du sens à des gestes quotidiens, tout en diminuant son impact carbone. 
Et le livre présente le cheminement de chaque mois, avec les nouveaux défis repérés - et clairement, par quoi commencer concrètement sans se décourager - et comment cela change sa vie de façon globale, en le rendant plus attentif aux conséquences de ses actes, aux nombreux secteurs de la vie qui peuvent être transformés. On suit Julien dans ses joies et ses découragements, dans ses doutes et ses victoires. C'est sympa, ça se lit bien et c'est très pratique : on peut aussi chaque mois choisir et cocher des petites révolutions à mettre en place. Et ça fait du bien de se rendre compte qu'on fait déjà plein de petites choses, que ce soit éteindre les lumières, se déplacer à vélo, s'intéresser au sujet et lire des ouvrages, ne plus faire les soldes, etc. Ce qui est chouette aussi, c'est que ça aide à prendre le taureau par les cornes : il y a des actions simples qui marchent ! A votre tour :)


lundi 22 avril 2019

La fraternité bafouée

J'ai été interpelée par ce titre de Véronique Albanel sur la question de l'hospitalité et des réfugiés. L'ouvrage se compose de trois parties :

1. Nos peurs ou l'hospitalité perdue
2. Nos impensés ou la fraternité impossible
3. Notre humanité partagée ou la fraternité retrouvée

Qu'est devenue cette hospitalité traditionnelle des sociétés antiques, qui faisait du mauvais hôte un impie ? Pourquoi a-t-elle été remplacée par une inquiétude ? Une peur de l'autre ? A-t-elle d'ailleurs été remplacée par une logique du soupçon ? 
"L'hospitalité est donc une loi sacrée de l'Antiquité grecque qui réclame réflexion, concertation et responsabilité du côté des hôtes, prudence et discrétion du côté des étrangers, mais aussi discernement des deux côtés. De cette longue et belle tradition, sommes nous encore les héritiers ? [...] La relation d'hospitalité s'établit ainsi entre des individus ou des peuples, liés par un pacte"

Ou une logique d'opposition, comme si l'on ne pouvait sortir du conflit civilisé/barbare ? Car avec l'évocation du clash des civilisations et la peur du grand remplacement, c'est exactement ce même combat qui se rejoue sans cesse. On est donc invité dans l'ouvrage à questionner notre rapport à la fraternité.

"S'il s'agit d'une valeur sans portée juridique, elle repose entièrement sur le bon vouloir ou l'initiative de quelqu'un ce serait alors un simple "idéal commun", voire un horizon inatteignable. S'il s'agit du principe général du droit public, l'Etat se voit alors obligé de le reconnaitre et de le respecter"
Et à oser la rencontre, comme seul moyen de dépasser les oppositions manichéennes.
"L'authenticité de la rencontre constitue le noyau dur de la fraternité, son ADN. Sans elle, rien n'est possible. Seule la vraie rencontre nous permet d'échapper aux logiques de violence et de haine, de défiance et d'exclusion"
Enfin, l'ouvrage invite à plus de courage politique, à savoir prendre réellement les mesures annoncées, que ce soit pour mieux accueillir les personnes ou pour écarter les personnes déboutées.

Ce que j'ai eu la joie de croiser dans l'ouvrage, c'est un peu de mon ami Hugo :)
"Liberté, Égalité, Fraternité. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce sont les trois marches du perron suprême. La liberté, c’est le droit, l’égalité, c’est le fait, la fraternité, c’est le devoir. Tout l’homme est là.
Nous sommes frères par la vie, égaux par la naissance et par la mort, libres par l’âme.
Ôtez l’âme, plus de liberté." 

lundi 15 avril 2019

Trois amis en quête de sagesse

Échange à trois voix entre Christophe André, psychiatre, Alexandre Jollien, philosophe et Matthieu Ricard, moine bouddhiste retranscrit dans cet ouvrage. Ils se retrouvent à la campagne quelques jours pour échanger sur leurs questions existentielles : leurs aspirations, l'ego, les émotions, l'écoute, le corps, la souffrance, la cohérence, l'altruisme, la simplicité, le pardon et la liberté. La forme est plutôt dynamique grâce aux trois compagnons, le fond est centré sur la méditation et l'abandon. J'ai noté quelques phrases, que j'ai trouvé jolies ou justes. Et je sors de cet ouvrage, comme souvent de ce genre d'ouvrage d'ailleurs, un peu sceptique, un peu déçue : non, pas de réponse claire à mes questions, il va falloir continuer à chercher en soi et non en l'autre !

"Je venais de réaliser, raconta-t-elle au maître spirituel du monastère, que mon corps avait ressenti l'impact du coup pendant quelques secondes, mais que mon ego en avait souffert pendant une heure"

"Je sors du métro. Les gens sont si beaux. Mais ils ne le savent pas !"

"Travailler sur la manière dont on réagit aux compliments et aux critiques est un très bon exercice pour nos patients en mésestime de soi. Ils sont complexés, doutent d'eux, se font souvent exploiter, écraser, manipuler par les autres. Et parfois, à l'inverse, ils deviennent agressifs parce qu'ils sont mal dans leur peau"

"Dans ce bonheur que je suis en train de ressentir, ou dans ce succès que j'ai pu attendre, qu'est-ce que je dois aux autres ? Et très paradoxalement, plus ils apprenaient à fonctionner sur ce mode, plus ils prenaient confiance en eux ! Parce que, au fond, la gratitude les libérait de cette "fausse confiance en soi" qui ne consiste qu'à croire en ses forces et en ses capacités [...] "La gratitude se réjouit de ce qu'elle doit, quand l'amour propre préférerait l'oublier""

"Il faut une sacrée liberté intérieure pour cesser de vouloir transformer l'autre à sa guise, lui dicter ses conduites, façonner ses opinions. Toujours subsiste la tentation de prendre le pouvoir, même inconsciemment"

"Dans la vie spirituelle, je décèle un autre danger : vouloir jouer au super-héros, prétendre avoir surmonté les blessures. Il n'est peut-être pas inutile de se rappeler les paroles de Nietzsche :"Il faut porter du chaos en soi pour accoucher d'une étoile dansante""

"En fréquentant des maîtres, ce qui m'a le plus frappé, c'est que je n'ai jamais décelé chez eux le moindre désir de plaire. Ils rayonnent de leur cœur une profonde adéquation au réel et un amour inconditionnel pour chaque être. Tandis que les blessures peuvent nous transformer en mendiants avides d'affection, prêts à tout pour être consolés"

"Le manque de cohérence est souvent lié au sentiment exacerbé de l'importance de soi. Celui qui veut absolument afficher une image flatteuse ou trompeuse de lui-même a du mal à admettre ses fautes et à se montrer tel qu'il est. Il a tendance à tricher quand ses paroles et ses actes ne sont pas à la hauteur de l'apparence qu'il veut donner"

"La nature est bien faite, car le bonheur nous donne l'énergie nécessaire pour venir en aide à autrui, pour agir, pour changer le monde. C'est assez logique au regard des travaux sur les liens entre bonheur et attention : le bonheur élargit notre vision du monde, alors que la souffrance réduit notre focale attentionnelle"

"Etre généreux sans se laisser bouffer par le désir de plaire : c'est un devoir sacré de découvrir une liberté intérieure. Comment y arriver si on obéit au doigt et à l'oeil à son ego, si on est totalement soumis au qu'en-dira-t-on ? Passer du désir de plaire au pur amour, gratuit et sans pourquoi, et poser là, tout de suite, des actes altruistes"

jeudi 11 avril 2019

A son image

Je ne pensais pas forcément lire à nouveau Jérôme Ferrari mais un collègue me l'a mis entre les mains. Et vous connaissez mon peu de résistance aux tentations livresques... J'ai donc découvert cette messe d'enterrement d'une jeune photographe morte dans un accident de voiture. Découpés selon les moments de la liturgie du Requiem, les chapitres proposent la date, le titre d'une photographie - réelle ou imaginaire - qui scandent la vie de la jeune femme. Avec quelques excursions dans les photographies d'autres, de guerre.

Christina in a Red Cloak, 1913, Mervyn O’Gorman © Royal Photographic Society Collection

Très tôt passionnée par la photo, Antonia en fait le centre de sa vie. C'est son oncle et parrain - le prêtre qui célèbre l'enterrement - qui lui a offert son premier appareil photo. Et Antonia découvre les joies de photographier et développer les images, de figer le temps... Avant que la mort ne vienne effacer nos vies. Photographe dans un journal, en charge des concours de pétanque et autres faits divers, presque femme d'un nationaliste corse, elle semble enfermée dans sa famille et son île. Et puis, elle lâche son mec, puis son job, le temps de prendre des photos de la guerre de Yougoslavie, qu'elle ne développera jamais. Et entre la voix de son oncle et la sienne, par l'intermédiaire d'un narrateur, on découvre un peu de sa vie et de ses photos.

Et l'on s'interroge avec elle et avec le narrateur sur la photographie, cette voleuse de temps, qui montre parfois ce qu'on ne voudrait / devrait pas voir, qui abime, salit...

"Antonia regardait un portrait de sa mère à dix ans, debout à l’ombre du laurier planté devant la maison, à côté d’une minuscule aïeule tirant comme de juste une gueule épouvantable, ou elle reconnaissait son parrain, au même âge, parmi d’autres élèves réunis sous le préau de l’école du village pour une photo de classe, et la maison, le préau, le laurier même, paraissaient n’avoir pas changé mais l’aïeule était morte, sa mère et son parrain n’étaient plus des enfants depuis longtemps et leur enfance disparue avait pourtant déposé sur la pellicule une trace de sa réalité aussi tangible et immédiate que l’empreinte d’un pas dans un sol d’argile et il semblait à Antonia que tous les lieux familiers et, depuis ces lieux, l’immensité du monde entier, s’emplissaient de formes silencieuses comme si tous les instants du passé subsistaient simultanément, non dans l’éternité, mais dans une inconcevable permanence du présent" 

"Car il n'y avait au fond que deux catégories de photos professionnelles, celles qui n'auraient pas dû exister et celles qui méritaient de disparaître, si bien que l'existence de la photographie était évidemment injustifiable"

mardi 9 avril 2019

Les courtes

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais j'ai pas mal d'envies de théâtre en ce moment. J'ai embarqué plusieurs titres de Grumberg à la biblio. Je ne suis pas hyper emballée par ce recueil de courtes pièces, toutes baignées d'humour noir et grinçant. On y rencontre surtout des personnes de classe moyenne qui réagissent au regard des autres, au tourisme, à la chasse aux roux, au malheur, à la vocation d'un enfant... Les 15 pièces sont autant de regards sur la médiocrité et l'estime de soi des personnages. 


Michu : Un collègue met les gens dans des cases.
Rixe : quand un accrochage vire au meurtre.
Les vacances : une famille dans un restau à l'étranger, tensions autour de la carte et du pater familias.
Les rouquins : une chasse aux rouquins est lancée. Pour les détecter, rien de plus simple : l'odeur.
Les Gnoufs : un couple organise une soirée à thème. Des musiciens gnoufs arrivent mais ils ne correspondent pas aux attentes...
Maman revient pauvre orphelin : dialogue entre fils et...
Hiroshima commémoration : une victime et un soldat américain se rencontrent sur un plateau TV.
Nagasaki commémoration : une épicerie se fait braquer par un vieux soldat.
Commémoration des commémorations : à la télé, ce qui est bien, c'est qu'il y en a partout chez Marylou.
A qui perd gagne : finale entre deux femmes écrasées par le malheur.
Guerre et paix : la guerre commente les actes faits pour cette belle gosse qu'est la paix... et qui justifie tous les crimes.
Job : dialogue entre Job et Dieu.
La vocation : pour ce père, toutes les vocations sont acceptables sauf une.
Un jardin public : histoire de femmes et d'hommes trop beaux.
Pied de lampe : transformer sa femme en accessoire ou comment prolonger son mariage. 

lundi 1 avril 2019

Le petit chaperon rouge

Je suis dans ma période théâtre, j'en lis, j'en vois. Et je découvre petit à petit Joël Pommerat qu'une amie aime beaucoup. Ce texte est à destination d'enfants.

L'histoire du petit chaperon rouge, chacun la connait. Pommerat met l'accent sur le désir de la petite fille de sortir, toute seule. Et sur le chemin entre sa maison et celle de la mère de sa mère. Elle y rencontre le loup, bien sûr, mais aussi son ombre. Le tout porté par une jolie écriture, sans fioriture.



Histoire d'une petite fille qui veut grandir, qui découvre la vraie peur et non plus jouer à avoir peur. 

"La petite fille un jour avait voulu faire un cadeau utile à sa maman
lui offrir du temps
elle lui avait dit : tiens je te donne du temps maman
mais sa mère ne s'était même pas rendu compte du cadeau que lui faisait sa petite fille et tout était resté comme avant"