mercredi 28 février 2018

Bulibasha roi des gitans

C'est la première fois que je lisais un roman de Witi Ihimaera ou même des éditions Au vent des îles. Et j'ai bien envie de continuer ! Car j'ai découvert un très beau roman familial.


Narré par Siméon, le rebelle de la famille, ce roman nous plonge chez les Maoris, au sein des rivalités entre clans. Petit-fils de Bulibasha (Tamihana de son vrai nom), Siméon ne cesse de provoquer son grand-père et de questionner sa tyrannie sur les membres de sa famille. Cet illustre père de famille nombreuse a fondé sa réputation sur la tonte des moutons dont il est expert. Il a embauché ses enfants dans cette entreprise et règne sur la petite communauté de son église en patriarche généreux. Face à cette famille, il y a Rupeni et les siens. Une famille aussi nombreuse, elle aussi dans le mouton, qui nourrit une rivalité historique contre Tamihana et les siens. Pour une histoire d'amour... Eh oui, nos deux chefs de clans étaient tous deux amoureux de la belle Ramona, grand-mère de Siméon. Que ce soit autour du sport, de la tonte ou de la course automobile, tous les coups sont permis entre les clans. Et que le meilleur gagne !

Voilà présentés quelques personnages, l'ambiance... pour le décor, c'est la Nouvelle Zélande du milieu du siècle. Exotique, non ? Et c'est surtout le ton, plein d'humour et d'impertinence qui fait de ce roman une si jolie découverte. 

mardi 27 février 2018

Carmen(s)

C'était un superbe spectacle de danse au théâtre de Chaillot. Et je vous en parle trop tard car il n'est plus à l'affiche.

Alliant danse classique, contemporaine, hip-hop et flamenco, il nous propose une nouvelle Carmen. Les airs de Bizet sont présents ainsi que la passion, le meurtre mais en filigrane. Ce n'est pas ce qui compte ici. Seule Carmen intéresse. Une Carmen multiple. Elle est toutes ces femmes et hommes qui dansent leur passion. Survoltées et dynamiques, ces Carmen(s) tout de rouge vêtues sont superbes, chacune a son style, sa danse, son rythme. Chacune incarne Carmen. D'ailleurs, chacun.e des danseur.se.s est invité à dire quelques mots de ce qu'est Carmen pour lui à travers des extraits vidéos. Cette liberté, cette sensualité, cette passion qui se moque des conventions. Seul moment un peu bizarre, celui sur les migrants, qui vient comme un cheveu sur la soupe. Intéressant en terme culturel et social, l'image est assez mal exploitée selon moi. Ou pas assez mise en lien avec Carmen.

Un très beau spectacle de la compagnie Montalvo qui mêle les différentes danses avec beaucoup de finesse et de beauté !

lundi 26 février 2018

Si un inconnu vous aborde

Est un recueil de nouvelles de Laura Kasischke, une auteur que j'affectionne particulièrement. Je vous avais parlé de ses poésies, de ses romans et déjà de ses nouvelles. En voici 15 autres qui plairont aux fans. 

Mona : elle fouille dans les affaires de sa fille adolescente.
Melody : un père, en plein divorce, se rend à l'anniversaire de sa fille par une journée de canicule.
"Lorsqu'on commence à chercher au-delà de chez soi ce qu'on a perdu, y compris le vide, cette chose ultime que l'on peut revendiquer, le monde nous l'arrachera des mains"
"Tout semblait si parfait. Tellement fait d'espoir et d'exclusion arrivés à maturité. Mais Tony repérait de petits problèmes ici ou là - une gouttière décrochée que personne ne s'était donné la peine de fixer, une boîte aux lettres bourrée de prospectus que personne n'avait vidée - l'indice que tout n'allait pas si bien, que les gens ne pouvaient avoir une véritable idée de ce qui se passait derrière cette porte"
Notre père : un père caché par ses filles, en période de guerre.
La maîtresse de quelqu'un, l'épouse de quelqu'un : Karen était la maîtresse d'un homme. Elle vit tranquillement. Et pourtant, tout est gore et bizarre dans cette nouvelle.
"La vaste dentelle de la décomposition étendait son voile terrible à travers le pays"
Virée : il emmène sa grand mère en voiture.
La saisie : elle tombe amoureuse d'une maison.
Vieil homme disparu : les recherches se poursuivent : un vieillard et un petit garçon, qui sont-ils ? Où vont-ils ensemble ? Et pourquoi les personnages autour d'eux sont toujours les mêmes ?
La barge : elle a lâché sa poupée, une autre a pris sa place.
Monument aux morts : un ange veille sur les enfants morts dans un incendie
Tu vas mourir : une fille doit l'annoncer à son père.
Le bâton fleuri : ils vont se marier. Elle est plus âgée. Est-ce un problème ?
Les prisonniers : elle se réveille et tente de retrouver ses mots, des visages, des prisonniers.
ça doit être comme ça, en enfer : elle fait la queue alors que ses invités l'attendent et que son mari vient de renverser un enfant.
Le don : elle peut abréger des souffrances.
"Si un inconnu vous aborde pour vous demander de transporter un objet à bord d'un avion" : Elle attend son vol et accepte une petite boite d'un inconnu.


Des nouvelles étranges, ciselées, poétiques, aux images étonnantes et belles, qui se finissent souvent avant la fin. A nous d'imaginer ce qui suit. Et c'est souvent terrible ce qui est suscité par l'abrupte fin. 

mercredi 21 février 2018

Human flow

J'attendais avec impatience la sortie en salle de ce film d'Ai Weiwei et quelle ne fut pas ma surprise de le voir si peu distribué. Même à Paris ! ça me parait dingue surtout que le sujet du film est d'actualité. Les migrations, c'est quand même un thème qui intéresse, non ? Le bon côté de tout ça ? J'ai découvert des cinémas, certes un peu loin de chez moi, mais qui ont une sélection intéressante. 

Et le film en lui-même ? J'en sors un peu mitigée. C'est (très/trop) esthétique, avec un peu trop de drones parfois. C'est divers, on passe du Bangladesh au Kenya, à la Grèce, au Mexique, etc. Ce n'est pas trop bavard. C'est documentaire avec des interviews de représentants du HCR ou d'autres ONG. C'est proche des réfugiés, enfin de certains, avec des interviews et des scènes de camps ou de sauvetage. Mais... c'est aussi très autocentré, on voit beaucoup trop Ai Weiwei. On comprend à la fin que ça sert presque uniquement à justifier les échanges avec la police américaine mais c'est à la limite de l'indécent parfois (femme qui vomit). Et c'est un peu long, il y a des rush qui méritaient d'être coupés, qui se répètent, qui n'apportent pas grand chose alors que d'autres choses semblent manquer : l'Afrique est peu présente en images alors que le nombre de réfugiés qu'elle abrite est énorme. L'Asie est oubliée, à part quelques images du Bangladesh et des Rohyngas. Bref, c'est un peu brouillon alors que les chiffres, les interviews, la diversité des lieux tendait à nous faire croire à un film exhaustif. Malgré ces critiques et les limites de l'exercice, une chose est sûre : ces situations nous paraissent intolérables. Que penser de ces familles entassées à la frontière macédonienne ? De ces réfugiés installés hors de leur pays depuis 25 ans et plus ? De ces personnes qui traversent les mers au risque de leurs vies ?


Images de misère et d'ennui, de destruction et de fuite se mêlent dans un gigantesque kaléidoscope où les hommes et les responsabilités sont diluées, où tout se mélange... 

lundi 19 février 2018

La grande vie

Un peu de Christian Bobin pour éclairer nos matins, pour mettre un peu de douceur dans les transports en commun, pour se mettre dans l'oreille d'autres refrains. 

C'est un petit livre poétique, aux textes divers, du paragraphe à quelques pages, qui va de l'oiseau à la célébrité. C'est un livre qui ne se résume pas. Qui sait passer de Maryline à Thérèse, la petite sainte de Lisieux. Dont certains mots nous percutent. Il faut être là, présent au livre. Il ne se dévore pas entre deux trains, la tête à moitié ailleurs, il se savoure tranquillement. Il peut se garder longtemps sur une table de chevet, entre deux textes. Il n'est pas urgent, pas pressé. Il est simple. Il parle de toutes ces petites choses qui font la vie, qui font l'écrit, qui font le livre, qui font vivre.

"Un livre nous choisit. Il frappe à notre porte. La charité, monsieur. La charité de me donner tout votre temps, tous vos soucis, toutes vos puissances de rêverie"
"L’extrême sensibilité est la clé qui ouvre toutes les portes mais elle est chauffée à blanc et brule la main qui la saisit"

lundi 12 février 2018

On ne m'écoute pas !

Et ce serait pas mal qu'on ne me lise pas. Franchement ce bouquin d'Alain Braconnier n'a pas d'intérêt. On aligne les évidences, on met un petit vernis de témoignages, et on envoie à l'impression. Pas de structure, pas de contenu. A éviter ! 

A la rigueur, lisez le "Bref rappel" mais guère plus !

"Cinq principes généraux
Savoir à qui l'on s'adresse, savoir écouter son interlocuteur
Oser s'exprimer
Rechercher l'authenticité dans l'échange en laissant de la place à chacun des deux interlocuteurs
Chercher les mots justes et ceux qui touchent. S'exprimer clairement
Susciter l'empathie"

Voilà, ça vous donne une idée du bidule, répétitif, peu concret. Bref, pas sûr que ça change votre vie.

mercredi 7 février 2018

Les mains de Selim sur le corps du Christ en croix

C'est sympa, on commence à se prêter des bouquins au boulot ! Sans quoi je serais probablement passée à côté de ce joli roman de Jean-Marie Gourio. 

Christ Santa Rosa, ParaguaySelim a brulé une voiture, commis pas mal de vols, et il a passé quelques mois enfermés. Mais aujourd'hui, il est heureux. On lui a donné sa chance Au bois doré, une ébénisterie. Il y est avec deux autres apprentis. Anciens voyous. Et un patron qu'il admire, Gabriel dit l'Archange, qui fait éclore des vies sur des copeaux de bois. Des mains d'artiste.

Et ça lui plait à Selim. Il aime ce travail. Il aime les gens avec qui il crée des meubles. Il offre un autre chemin à sa famille. Il fait la fierté de son grand-père, qui s'est cassé les reins à construire les routes de France. De sa maman, qui n'a pas le droit de se teindre les cheveux. Seul son frère, Farid, dénigre son travail et passe son temps à admirer les actions des extrémistes. Au milieu, le père, indifférent, suit la voix du plus fort. 

C'est un roman de rédemption et d'amour du travail, un roman sur les lois religieuses, les lois des hommes et leurs peurs. Un joli roman, plein de finesse. 

lundi 5 février 2018

Accroche ta vie à une étoile

Cet ouvrage est un entretien de Stan Rougier, prêtre, avec Jean-Pierre et Rachel Cartier. Le prêtre partage des éléments de sa vie personnelle et familiale : son enfance, ses amours, sa vocation difficile, son travail auprès des jeunes. Et il partage ce en quoi il croit : sa foi, la tendresse et l'amour. Il se fait témoin pour le lecteur.

"Dire que l’avenir est à la tendresse, c’est dire qu’il y a un bel avenir pour ceux qui croient à l’amour. Les jeunes qui y croient ou voudraient y croire n’ont jamais été aussi nombreux. Vous avez dû vous-mêmes le constater : quand on interroge des gens qui sont d'une grande efficacité dans le monde actuel, aux premières lignes dans le combat contre l’injustice et les sources du mal, ils sont avant tout sensibles à cette dimension d’écoute et de partage. Ils savent que les hommes ont encore plus besoin de reconnaissance de leur dignité que de pain. rajoute qu’il ne faut pas se a payer de mots. Ce n’est pas parce qu’on a prononcé le mot amour que sa réalité va surgir. L’éducation à la tendresse est une longue tâche. D’autant plus qu’il faut toujours se méfier des contrefaçons"
"Elle répétait souvent :"Les êtres n'existent dans leur plénitude que lorsqu'ils sont regardés avec amour". Elle s'orientait vers la pédiatrie et elle s'occupait des enfants avec une tendresse extraordinaire. "C'est l'amour seul qui fait exister les êtres" C'était là son inspiration. Elle est devenue aussi la mienne"
Keith Haring, Untitled
"Dieu est présent dans toutes les formes vivantes. J'aime cette idée que j'ai trouvée dans une Upanishad : « Dieu pèse dans la pierre, pousse dans la plante,  respire dans l'animal, aime dans l'homme. » L'Inde et saint François se rejoignent ! L'école ne peut leur donner tous les éléments de leur formation, si bien que les jeunes sont frustrés dans plusieurs dimensions de leur être, leur profondeur, leur originalité, leurs talents, la faculté d'accueillir l'autre, de communiquer avec lui et se s'émerveiller ensemble de ce que l'on découvre"
"Je me disais : "Peut-être vont-ils tout de même se poser quelques questions : "Ce type là aurait pu vivre la vie de tout le monde. Qui l'a donc saisi pour le mettre ainsi totalement à notre service ?" 
- Crois-tu qu'ils se la posaient cette question ? 
Je n'en sais rien. Je rongeais mon frein en me demandant si j'allais rencontrer un jour des jeunes visités par des curiosités spirituelles, portant en eux des interrogations autres que : "A quelle heure on mange?" Ceux-là n'en portaient pas. Ils n'avaient que des problèmes d'identité [...] J'étais un peu le prolongement de la générosité de Dieu pour eux, mais j'airais voulu Le leur révéler plus totalement. Leur dire : "Non, Dieu n'est pas celui qui vous croyez. Il n'est pas quelque chose d'abstrait, de flou. Il est présent dans votre vie. Il vous aime d'un amour infini !" Hélas ! cela ne passait pas. Pourtant, ma foi était au maximum de son intensité"
"Au fond, le grand message des jeunes est double. "Aimez-moi ou je meurs" chez les déprimés, ou bien "Aimez-moi ou je mords" chez les violents"
"Avec les jeunes, la bonne issue ne se trouve pas dans le "il faut", "tu dois", mais dans le désir à faire naître. Là, il n'y a pas de recette, c'est une contagion d'enthousiasme"
"Plus que jamais, peut-être parce que la société semble avoir perdu ses repères habituels, les jeunes sont à la recherche de leur identité. Ils ont peur que leur originalité soit gommée. Ils ont peur de passer à côté de l'essentiel, de ne pas réussir leur vie ! C'est long une vie ratée. Beaucoup ont la panique à fleur de peau. Ils ont besoin de quelqu'un qui les aide à réfléchir, à se poser les bonnes questions, à découvrir que Dieu les aime et les accepte comme ils sont. Ils ont besoin aussi de savoir à quoi, à qui ils pourraient bien servir, où ils pourraient donner leur générosité, libérer leur trop-plein de vitalité"
"Les jeunes peuvent comprendre que les souffrances et les injustices du monde actuel ne sont pas un spectacle devant lequel on va répéter, bien assis dans son fauteuil, que Dieu est méchant. S'ils entendent Dieu leur dire : "Viens, aide-Moi à sauver le monde ; J'ai besoin de toi", alors tout change, tout bascule. Au lieu de se cogner la tête contre les murs en se disant : "Ce monde est mal fait", au lieu de crier : "Arrêtez le train, je veux descendre", ils vont demander : "Dites-moi où je peux être embauché !"
"Lorsque l'on aime et lorsqu'on est aimé, on se sent justifié d'exister"
"Comme le dit saint Augustin :"Dieu t'est plus intime que toi-même". Cela veut dire que Dieu est en toi, que tu es tissé dans l'étoffe divine"

vendredi 2 février 2018

Antigone

Je connais bien celle d'Anouilh et de Sophocle, je lorgne sur celle de Bauchau (comme sur toute son œuvre) depuis mes débuts dans la blogo sans jamais passer le pas. Et voilà qui est fait. Sans difficulté ni inquiétude. Une lecture qui arrive à point. 

Une lecture de l'histoire d'Antigone plus fouillée que celles que je connaissais, qui laisse véritablement s'épanouir le personnage, qui creuse la rivalité entre Etéocle et Polynice, ainsi qu'avec Ismène. Une Antigone qui ne cherche que l'authentique, le vrai. Sans froufrou. A travers l'art et la médecine. Une Antigone qui veut la vie. E qui avance sans peur vers la mort. 

Comme j'ai aimé ce personnage. Comme j'ai aimé cette réécriture, empreinte d'hommage à la mythologie grecque, à la culture de l'hybris et de ses conséquences, à la culture politique mais aussi psychanalytique. Cela en fait un roman riche, aux lectures multiples. Sans parler du style, assez lyrique et poétique. S'il m'a pesé au début, je me suis étonnée à l'apprécier de plus en plus en avançant dans ma lecture. 

"Est-ce qu'il ne faut pas être rejeté pour devenir soi même ?"
"C'est aussi tellement toi, Antigone, cette confiance intarissable dans l'action de la vérité, dont on ne sait si elle est magnifique ou seulement idiote. Crois-tu qu'on peut, sans délirer, espérer comme tu le fais ?"
"Avec toi, on croit aux dieux, à ceux qui éclairent et à ceux qui transpercent. On croit au ciel, aux astres, à la vie, à la musique, à l'amour à un degré inépuisable. Toujours tu es celle qui nous entraine grâce à tes yeux si beaux, à tes bras secourables et à tes grandes mains de travailleuse qui ne connaissent que compassion"
"Demander, recevoir parce qu'on a eu la confiance de demander, on s'aperçoit alors qu'on ne mendie pas seulement pour survivre, on mendie pour n'être plus seul"