lundi 31 janvier 2022

Ce monde est tellement beau

C'est le titre et de bons échos sur ce roman de Sébastien Lapaque qui m'ont donné envie de l'emprunter en bibli. "Lazare, viens dehors !" est un possible sous-titre à ce roman. Ou la divine comédie du siècle. Oui, c'est un roman initiatique, le roman d'une conversion. 

Tout commence un matin de vacances scolaires. Lazare, professeur - en vacances donc -, seul chez lui, prend conscience que notre monde est devenu un immonde : un monde gouverné par l'argent, un monde sans visage, un monde de superficialité. Alors qu'il se rend compte que sa compagne l'a quitté et que ses dix dernières années se sont écoulées dans l'habitude, de petites et grandes choses changent autour de lui. Il rencontre Lucie, qui étudie la disparition des moineaux et l'invite à lire Shakespeare. Il perd son meilleur ami. Et puis, il fait des tentatives : aller vivre un été dans la Bretagne rurale, travailler la terre, aller à la messe, apprendre le nom des oiseaux... Et il se convertit ou du moins semble trouver du sens dans la foi catholique.

Oui, j'ai pitché tout le bouquin, c'est pas sympa. Mais vous ne le lirez pas pour l'histoire, plutôt pour la façon dont tout cela s'enchaine, pour les analyses - parfois un peu longues - sur l'immonde, pour l'écriture agréable sans être remarquable. C'est assez froid, cérébral mais pas intello pour autant. 



jeudi 27 janvier 2022

La plus secrète mémoire des hommes

Aussitôt reçu, aussitôt lu, ce livre de Mohamed Mbougar Sarr n'a pas fait long feu. Il faut dire qu'il s'agit d'une quête, d'une enquête, sur un livre, Le labyrinthe de l'inhumain, et son auteur, T.C. Elimane. Quête littéraire d'un jeune écrivain, elle nous entraine du Sénégal en France, aux Pays-Bas puis jusqu'en Argentine.

Ce livre mythique, c'est d'abord un titre dans un manuel, lié à un écrivain maudit, plagiaire, dont toute trace a disparu. Et puis, c'est le hasard ou le destin de la rencontre entre le livre et notre narrateur, Diégane, un jeune écrivain et thésard, suite à une nuit avec Siga D., écrivaine scandaleuse. 

Lecture du livre, relecture, choc, partage du bouquin dans les cercles de copains écrivains, recherche des traces (articles et critiques), rendez-vous avec Siga D. pour tenter de comprendre le livre ou l'auteur. En savoir plus en tous cas. 

Les formes se mêlent : mémoires, interview, liste, emails... la langue reste précieuse (Diégane, notre héros, thésard, enquêteur et écrivain) ou crue (Siga D.). Elimane se découvre par petites touches, quand il veut bien se laisser voir. Diégane absorbe toutes les infos de Siga D., pompe son enquête, persévère et se rend jusqu'au Sénégal, tandis que d'importantes manifestations se préparent, pour retrouver le village natal du mystérieux écrivain.

Il faut aimer les labyrinthe et les mises en abime, les mots inusités et les jeux littéraires pour s'amuser avec ce livre. S'amuser de se perdre un peu, parfois, entre les voix multiples, entre les pères d'Elimane, entre ses amis égarés dans la Seconde Guerre mondiale, entre les rites de marabout, les vivants et les morts. Suivre les voies de traverse d'une femme qui hait et détruit, qui aime et avance. Suivre les méandres d'un jeune homme qui se forme et ne veut pas vraiment faire de choix. Suivre le court d'une histoire qui fait des virages, qui se moque des chronologies. Une lecture qui fait aimer les livres !



lundi 24 janvier 2022

Paridaiza

Sortie de PAL historique pour ce roman de Luis de Miranda. C'est une histoire d'amour et de monde virtuel, d'ennui et de changer le monde.

Nuno et Clara sont amants mais doucement, l'ennui se glisse dans leur relation. Comment y échapper ? Comment trouver du sens à cette vie ? Sans nouvelle de Clara, Nuno s'inscrit sur Paridaiza, un genre de Second life. Directement lié au cerveau de l'être humain, il lui fait vivre, à travers un ou plusieurs avatars, une expérience complète : il sent, il pense, il aime dans la peau de son ou ses alter-ego. Après une première phase d'exploration, où Nuno est encore présent dans le "vrai monde", commence une addiction plus forte à ce faux monde, où il retrouve Clara. Cherchant à la reconquérir, il entre dans un groupe de rebelles qui veulent pirater le système. 

Un roman sans beaucoup de surprise, dont le thème a pu avoir du succès à sa publication mais qui semble aujourd'hui assez terne. 

jeudi 20 janvier 2022

La femme à venir

Encore un petit Christian Bobin pour le plaisir de ses jolis mots. Le lecteur suit l'enfance, l'adolescence et le début de l'âge adulte d’Albe, fille d’un peintre et d’une lectrice de manuscrits. On la suit dans sa croissance, discrète, simple. Parmi les thèmes importants, la nature, l'amour et la mort bien sûr ! 
Encore une fois, j'y ai glané des mots !

« À dix-sept ans, on voit clair. On voit ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. On devine que le cœur d'un adulte est mélangé de tout. On voit que le cœur d'un adulte est un chiffon, un peu comme ceux qui servent aux peintres, pour essuyer leurs pinceaux. On voit la vie manquée on se promet tout le contraire. On a des colères pures, sans ressentiment. On a des joies toutes neuves, sans fatigue. Mais on ne peut pas tout voir »
« Où donc es-tu partie si vite. Tu es la plus étourdie des voyageuses. En partant, tu as laissé tous tes rires dans mes yeux, tu as négligé d’éteindre la lumière dans mon cœur. Comment pourrais-je m’y retrouver, maintenant »

« La distance entre lui et moi, je la vois, je la sens. Je la reconnais déjà dans la manière de marcher. On ne va pas du tout du même pas. Il va trop vite pour moi. De temps en temps il ralentit, revient à mon côté, mais c’est plus fort que lui […] Il ressemble au père, c’est drôle. Je m’en suis aperçue la semaine dernière. C’est dans les yeux que ça se passe. Quand ses yeux se rapprochent des miens, à les éteindre. A me bruler le cœur. Il est comme le père, mené par quelque chose. On ne sait pas quoi. Le père, je devine, les peintures parlent pour lui. Mais celui-là. Ce mélange de force et de douceur. J’ai cru qu’il allait me gifler, l’autre nuit, quand j’ai éclaté de rire »

« Il y a deux manières de mentir. On peut inventer. On peut aussi dire la vérité, en passant, d’une voix menue, comme une chose parmi tant d’autres sans importance. C’est la plus élégante façon de mentir »

« Elle appelle au secours mais il ne voit qu’un sourire »

 



« Des gens normaux qui vivent à côté de leur folie – comme on dort auprès d’une femme délaissée, peu remuante. Tellement de visages, détachés de la même substance d’humanité, de la même matière d’absence. Albe les regarde un par un. Elle les trouve beaux – d’une beauté qui a affaire avec la douleur. Ce sont les mêmes visages que dans l’enfance, un peu effacés, un peu plus étonnés d’avoir accumulé autant de mauvaises notes »

« On est très près d’une autre vie. Aucun doute là-dessus. Une vie toute rose, peinte en neuf. On la touche presque du bout des doigts. Les pensées y volent déjà – et l’air y est ample. Le cœur y bat déjà – comme détaché, en éclaireur. Et pourtant rien n’arrive. C’est qu’on est empêché. On croit que c’est quelque chose qui empêche. On cherche. On n’a aucune chance de trouver parce que ce n’est pas une chose qui empêche, c’est soi-même : on tient encore à cette vie morte, que l’on n’aime plus. On tient encore à trop de choses. Comment faire. Comment se quitter soi-même – ce qui serait la seule manière de tout quitter »

« Cette conversation – comme toutes les conversations – est un jeu de société. Le but est d’amener l’autre au silence » « Bien peu de gens savent aimer, parce que bien peu savent tout perdre »

lundi 17 janvier 2022

Le jardin des tempêtes

Vous avez remarqué ? Je me remets à lire un peu de poésie. Et j'aime beaucoup ça. Je découvre des auteurs contemporains comme Yvon le Men, qui m'emmène dans les embruns, l'amour, la mer. A travers ce choix de poèmes, j'ai lu des formes courtes comme des haikus ou plus longues comme des chants. Je ne sais pas parler de poésie autrement qu'en vous en confiant quelques unes.


Danse, danse,
Fais tourner les feuilles
Les fleurs et tes bras.
Le soleil claque dans ses mains
La terre se réchauffe
Danse, danse,
Tu m’emmènes vers toi.
Violons, rires, morceaux de bonheur
A la volée !
L’avenir rebondit sur le ciel
J’ai mal aux émotions
Danse, danse.
Nos yeux jaillissent
Baigne-toi dans moi, je te lave
Et les notes de musique comme des gouttes de pluie
Baptême devant la vie !
Et blanches les lèvres et bleus nos corps
Danse, danse, danse.
Il fait bon.
Et si je te disais ce soir que tu es belle
Les nuages n’en tomberaient pas.
Les saisons s’enfonceraient toujours dans la vie,
Comme un couteau.

Les arbres sont venus ce matin faire une forêt à Blanche-Neige.
Tes paupières étaient des papillons de nuit qui tournaient
Autour de mes yeux.
Bientôt tu te réveilleras
Quand tu auras fini d'escalader ton rêve.
Je ne sais jamais où tu vas
Ainsi, allongée entre deux jours.
Je suis parfois jaloux de cette femme en noir
Qui nous sépare.
Mais les vagues sont nombreuses sur la mer
Autant que les hommes qui roulent sur la vie
Et butent contre toi.
Ton sourire s'échappera de notre tendresse
Parce que la mer s'en va aussi par derrière l'Ile.
Ce pays fabuleux qui crie :
"Emmène-moi au bout du monde"
De l'autre côté de l'enfance.
Et moi qui avais besoin de Blanche-Neige pour m'endormir
Je resterai assis sur la jetée
Et mes larmes rempliront la mer jusqu'au raz de marée
Qui m'amènera au bout de la vie.

Casse-toi le cœur 
Empierre ton âme jusqu'au feu
Marche dessus à t'en bruler l'amour.
Tu es plus belle que moi. 
Je serai aux pieds de tes mains
Te donnerai l'anneau de lune
Phénix, vole une dernière fois
Vers la mer, et reviens moi. 
Partageons-nous le lit comme un morceau de faim
Avant de faire l'amour
Nous déferons la haine qui nous aveugle.
Nous n'avions pas les yeux en face du ventre.
J'ai torturé ma nuit
Et le jour a avoué son soleil.
Que va-t-il arriver dans ce désert ?
Où sont les mirages qui balancent des images au ciel ?
Pourquoi traverser ?
Parce qu'il faut que chacun trouve son Amérique. 
Nous hurlerons amour, amour !
Comme ils crièrent terre, terre !
Cherche-moi mon amie, et tu me trouveras.
Un sourire de toi bien éclairé,
Et je bascule sans crainte dans l'ombre.
On s'enverra en l'air vers les oiseaux
Qui rapacent au-dessus de nos têtes.
Sais-tu que je te trompe, quand je regarde la Voie lactée,
Alors le désir me donne un coup de poignard dans le dos
Je m'éventre comme un bouquet de fleurs en flames
Qui montent jusqu'à la mort.
A nouveau la vie éclaire toute la chambre et nos lèvres.
Séduis-moi, manque-moi,
Et tout d'un corps on se partagera en deux
Et encore et encore,
Par petits morceaux de rêves qui couleront de nos yeux. 

Au commencement était l'amour
Le coup de foudre qui brule les chaumières tapies dans nos rêves
Nous avons appris à construire nos maisons dans les contes de fées
A bâtir le mur pour nous protéger des sorcières
Les branches attendent dans la forêt qu'on vienne les ramasser
Et la rivière trace un cercle autour de la lumière

Nous sommes deux
Nous ne savons qui nous sommes
La vie jettera les ponts qui joindront la lune au soleil
Le jour à la nuit
Ton corps au mien
Voilà ce qui est écrit sur les lignes de ma main posée contre mon front
Quand j'ai la fièvre de t'attendre
Je suis né par la force des hommes et des femmes
Qui poussent le destin jusqu'à la joie


Ma chère petite sœur
J'allumerai l'étoile Polaire jusqu'à l'arc-en-ciel

Je t’appellerai
Draps de neige étendus sur les cordes vocales
Branches nouées dans la gorge

Je te verrai
Pain noir sur la nappe blanche
Raisin qui coule dans nos verres

Tu viendras
Marche jusqu’à mes yeux
Echelle de corde jusqu’au cœur
Cœur qui balance la tête
Ciel qui tombe dans mes mains

Mange jolie fille qui écrase tes pas sur le seuil avant d’entrer
Donne-moi tes yeux cachés dans ton mouchoir

Je te ferai l’amour avec sympathie
Beaucoup de maladresse
Je serai à la douane de tes lèvres
Et je ne dirai rien
Sinon qu’il fera beau

Mais les fleuves ne passent-ils pas par les rocs

Toujours vont vers la mer
vers le lieu où ils ne sont plus
et deviennent l'océan

combien de temps
a duré la lecture

trois feuilles de lierre sont tombées
[...]
sous un charme

j'ai vieilli d'une heure
mon visage a rajeuni
[...]
ne peut sortir de l'eau

le reflet du goéland
[...]
dans la lumière
disparait le cormoran

ce n'est plus 
qu'un peu de cri
qui vole

samedi 15 janvier 2022

Un combat

Relecture avec cette nouvelle édition, d'une nouvelle de Süskind lue adolescente.  

Au jardin du Luxembourg, Jean, champion local d'échecs, affronte un nouveau venu. Plein de flegme, l'air vainqueur, un jeune homme l'affronte devant les badauds habituels. Ceux-ci, souvent mis échec et mat par Jean et impressionnés par son adversaire, commentent le match. Tous, même Jean, ont envie que le nouveau venu gagne. Le lecteur suit le jeu jusqu'à son dénouement.

Edité avec des dessins de Sempé, ce livre est une belle redécouverte !



mercredi 12 janvier 2022

L'ennéagramme, un chemin de vie

Je continue de me documenter sur l'ennéagramme, cet outil de connaissance de soi et des autres. Ce que j'ai apprécié avec l'essai de Marielle Bradel, c'est son côté complet et son intérêt pour l'évolution des personnes.

L'ennéagramme, c'est 9 types de personnalités construites à partir d'un évitement pendant l'enfance. Cela a amené l'adulte à se construire de façon à éviter des situations qui lui provoquent trop de souffrance. A partir de cette croyance initiale, souvent inconsciente, les personnes développent des comportements particuliers. Les évitements initiaux sont les suivants : la colère, considérer ses besoins, l'échec, la banalité, le vide intérieur, la transgression, la souffrance, la faiblesse et le conflit. 

Dans cet ouvrage, les neufs types sont expliqués avec leurs points forts et faibles, leur source d'énergie et leur façon d'être en situation d'intégration (quand tout va bien) ou de désintégration (sous stress ou quand tout va mal). Au-delà de l'aspect descriptif, des conseils sont donnés pour identifier son type et surtout l'apprivoiser ! 

Une bonne façon d'aborder le sujet de façon globale et profonde, malgré des répétitions, pédagogiques certes, mais un peu lassantes. 

lundi 10 janvier 2022

Asta

Ma découverte de l'œuvre de Jon Kalman Stefansson se poursuit avec ce roman, très différent de ceux qui me l'ont fait découvrir. C'est un peu un puzzle que ce roman, que l'histoire d'Asta, de ses parents, de leur amour. 

Roman qui se joue de la chronologie, il ne livre que des fragments, des morceaux importants pour comprendre qui est Asta. Parmi les moments forts, la chute de son père, qui fait défiler des moments fusionnels avec Helga, sa femme, des moments de rupture, des temps en famille ou au travail. On compte aussi un séjour à la campagne pour les ados à problème. Une dépression terrible à Vienne. Des lettres. Au centre de tout ? L'amour, les relations, la solitude infinie. Ce qui compte dans une vie !

C'est une écriture plus contemporaine et plus incisive que celle que je lui connaissais mais agréable et forte aussi.  

"Elle avait réglé sa montre sur l'horloge de la cathédrale, dont on peut supposer qu'elle affiche l'heure de Dieu et qu'elle est, par conséquent, exacte à la seconde près"

"Ceux qui sont capables de parler de poésie sans s'ébouriffer, desserrer leur cravate ou froisser leur jupe feraient sans doute mieux de parler d'autre chose"

lundi 3 janvier 2022

Ce que j'aurais aimé savoir avant de me marier

Ce court livre de Gary Chapman doit être proposé dans toutes les préparations au mariage... Bon, on l'a découvert un peu tard mais il reste intéressant pour continuer à échanger en couple sur les besoins de chacun. Chaque chapitre, assez court, s'intéresse à un aspect de la vie en couple, avec des exemples et pas mal d'humour. Il se termine systématiquement par des questions à se poser.

Au programme : le sentiment amoureux et les étapes de l'amour, les disputes, le rapport à la famille, la vie quotidienne et les tâches ménagères, l'argent, la sexualité, les caractères et la vie spirituelle. Oui, ça fait pas mal de sujets ! Si on apprend pas grand chose, on rigole bien devant certains exemples (ou certaines traductions, notamment "l'époque des fréquentations") et on discute avec son amoureux. C'est pas si mal !