mercredi 26 juillet 2017

On va au ciné ?

Nos dernières sorties ciné commencent à dater et je vois que les affiches se raréfient. Quelques mots sur deux jolis moments.

Lion
Savez-vous combien d'enfants disparaissent chaque année en Inde ?
Saroo est l'un d'entre eux. Partis avec son frère Guddu pour travailler, il s'endort dans un train et ne se réveille que des kilomètres plus tard. Il est déjà trop tard pour descendre et il arrive à Calcutta après plusieurs jours sans boire ni manger. Il erre dans la ville et découvre qu'il ne parle pas la même langue que les autres. A la gare, il est repoussé, dort sous des ponts, se fait repérer par des gens louches... puis aider par un garçon sympa. Mais il finit à l'orphelinat.
C'est là qu'il est adopté, sur photo, par des australiens. Et qu'il oublie petit à petit qu'il n'a pas été abandonné mais qu'il s'est perdu. Et bien sûr, ça lui saute au visage lorsqu'il s'y attend le moins. Et le voilà qui cherche à retrouver les siens... Ce qui n'est pas une mince affaire quand on a la mémoire de ses cinq premières années seulement.

A voix haute
D'Inde, on passe à Saint-Denis ! On suit des étudiants qui vont passer le concours Eloquentia, un concours d'éloquence qui vise à désigner le meilleur orateur du 93. Avocats, comédiens, poètes viennent conseiller et accompagner ces jeunes. Ils apprennent à exprimer différemment leurs idées, à les structurer, à les illustrer. On suit plusieurs de ces jeunes dans leur quotidien. Leurs efforts, l'espoir et l'attente. C'est riche, c'est beau !


lundi 17 juillet 2017

Les quatre fleuves

J'ai eu la joie de découvrir un Vargas un peu différent de ceux que je connaissais. Ici, il s'agit d'un roman graphique, presque d'une bande dessinée en collaboration avec Edmond Baudoin. 

On reste dans l'univers familier du polar et Adamsberg est au rendez-vous. Il ne ressemble pas du tout au Adamsberg de mon imagination. Danglard non plus. Mais tant pis. Par contre, l'enquête est sympa. Plus courte que d'habitude, certainement à cause du format mais pas moins palpitante ! 

Grégoire et Vincent organisent souvent des vols à la tire et autres magouilles. Mais cette fois-ci, ils s'attaquent à un poisson trop gros pour eux. Dans le sac du vieux qu'ils ont bousculé, il y a pas mal de trucs louches. Astrologie, magie noire et compagnie. Et Vincent se fait descendre. Grégoire tourne un peu trop près de l'immeuble de Vincent, ce n'est pas prudent. Et Adamsberg le repère. Il faut dire que Grégoire ne passe pas inaperçu avec ses rollers et ses cannettes de bière, qu'il ramasse pour son père. Lequel les utilise pour reproduire la fontaine des quatre fleuves du Bernin. Dans son jardin.

Bref, tout le monde est un peu tapé chez Vargas. Surtout les meurtriers. Et celui-là, il est possible que ce ne soit pas un vieux inoffensif mais Le Bélier, tueur en série qui signe ses crimes d'un joli bélier... Bref, ça craint pour Grégoire car Adamsberg a beau sentir les trucs, il n'est toujours pas d'une vivacité qui permette de tout contrer...

Très chouette cette collaboration entre Vargas et Baudoin, une bonne lecture pour se détendre cet été. 

Bernin, 4 fleuves, rome

jeudi 13 juillet 2017

Au-delà des étoiles. Le paysage mystique de Monet à Kandinsky

Voilà une expo que j'ai beaucoup apprécié au musée d'Orsay mais dont je n'ai pas pris le temps de vous parler. Mea culpa. Riche et intéressante, elle exposait notamment des artistes canadiens qui m'étaient inconnus. 

Le paysage comme reflet d'une quête mystique et spirituelle, ce n'est pas une idée très nouvelle. Rappelez-vous nos amis Romantiques ! La question soulevée est ici plus tardive, de l'impressionnisme au début du XXe siècle. Et elle s'intéresse parfois plus à la réception par l'oeil du visiteur qu'à l'intention de l'artiste. Cela donne des interprétations un peu ridicules sur des œuvres qui inspireraient ou non un sentiment de transcendance. Et des métaphores simplistes autour du cycle de la vie... Bref, ne vous attardez pas sur les explications de certaines salles, notamment la première, profitez des œuvres. Ensuite, on suit la démarche d'artistes qui veulent mettre du sacré dans l'art, comme Puvis de Chavannes, Maurice Denis et Emile Bernard. Là, c'est moins tordu comme rapprochement. Évidemment, c'est aussi l'espace pour les peintures qui intègrent les saints ou le Christ.



Puis l'on passe au Canada, avec des paysages vides, vierges, lumineux. Des grands espaces. Les artistes se rattachent plus ou moins à des courants théosophiques... Bien, bien. Et vient enfin la nuit du titre. Paysages nocturnes, vivants de lumières éparses ou vides. Comme le ciel ? De nouveau, on se pose la question du rapport au mystique. Et plus encore dans la salle suivante dédiée à la guerre qui transforme les paysages.

Enfin, on aborde l'univers, les étoiles, les planètes, le cosmos tout entier. On nous livre les convictions ou questionnements des artistes. Est-on encore dans le paysage ? C'est un autre débat.

Une exposition dont le sujet m'a semblé mal cadré, ou que j'ai mal compris, avec des rapprochements parfois forcés. Mais des oeuvres très intéressantes, inconnues de moi.

vendredi 7 juillet 2017

Lucrèce Borgia

Dernière représentation au Théâtre 14 avec Emmanuel Dechartre, Frédérique Lazarini, Didier Lesour, Marc-Henri Lamande, Louis Ferrand, Hugo Givort, Clément Heroguer, Pierre-Thomas Jourdan, Kelvin Le Doze et Adrien Vergnes. 

Rien de tel qu'un drame de Hugo pour clôturer l'année ! Une pièce portée par de très bons comédiens, mention spéciale à Frédérique Lazarini, même si elle a tendance à en faire un peu trop. Zéro mise en scène, usage intéressant de la musique, heureusement, il y avait des comédiens !

Le drame, vous le connaissez sans doute : Gennaro est un soldat de hasard, qui ne connait pas les siens. Il vit avec des amis qui ont tous perdu un parent par la malice des Borgia. Alors qu'ils sont à Venise, Gennaro et Lucrèce Borgia (masquée et présente comme par hasard) s'entretiennent de la mère disparue de Gennaro. Mais le groupe la reconnait et la nomme à Gennaro.
On passe ensuite à Ferrare, ville de Lucrèce, où nos jeunes gens ont à faire. Gennaro insulte la duchesse et est arrêté. Lucrèce le sauve. Mais elle condamne ses amis. Et tout cela se finit bien mal. Oui, parce que Gennaro n'envisage pas une seconde que Lucrèce s'int
éresse à lui pour d'autres raisons qu'un amour adultère.

Une représentation très chouette, qui sert le drame, qui exagère parfois trop les effets mais te laisse pantelant et questionné. Plutôt bon signe !


jeudi 6 juillet 2017

Le Baroque des Lumières. Chefs-d'œuvre des églises parisiennes au XVIIIe siècle

Cette expo du Petit Palais fait suite à celle du musée Carnavalet sur les églises du XVIIe siècle à Paris. A la veille de la Révolution, qu'en est-il de l'art religieux ? 

En franchissant la porte, on est attiré par une carte de Paris montrant les édifices religieux de la capitale. Ils sont innombrables ! Aussi riche que la précédente, cette expo parle d'architecture, de peinture et de décors. Si c'est la peinture qui domine en terme d'oeuvres, c'est surtout les décors baroques qui retiennent l'attention. Et, là encore, l'expo invite à aller sur place, dans les églises, pour voir ce qu'il reste de ces folies ! Dans l'expo, on croise d'ailleurs une reconstitution de la chapelle des Enfants trouvés, tout à fait étonnante. Je connaissais les gravures et cela fait un drôle d'effet d'entrer dans le dessin. Les retables sont aussi présentés en nombre, avec les fioritures propres au XVIIIe, qui me font toujours un peu bizarre dans l'art religieux. Et puis, avec le néo-classicisme, ça se calme niveau déco.

Autres sujets traités, les nouvelles dévotions avec des saints qui inspirent les peintures et les fondations d'églises : missionnaires et fondateurs, ils sont dans l'apostolat plus que dans la contemplation. Et surtout, ils sont bien attestés. C'est l'effet Réforme qui se prolonge, avec également un développement de la dévotion privée.
Reconstitution chapelle Enfants trouvés

Sans entrer plus longuement dans le détail du parcours, je vous invite à vous intéresser à cette très belle expo !

mercredi 5 juillet 2017

Un ethnologue dans le métro

Petit livre de Marc Augé qui se lit bien, il plaira certainement aux parisiens qui me lisent. Attention cependant, c'est parfois un peu décousu.

Metro parisien
La première partie, qui s'intéresse notamment aux "Mémoires" que nous avons du métro m'a semblé la plus abordable et la plus sympa. J'ai particulièrement apprécié de lire combien le métro illustrait une partie de nos histoires :
"C'est bien un privilège parisien que de pouvoir utiliser le plan du métro comme un aide-mémoire, un déclencheur de souvenirs, miroir de poche où viennent se refléter et s'affoler un instant les alouettes du passé [...] Certaines stations de métro sont suffisamment associées à des périodes précises de ma vie, néanmoins, pour qu'y penser ou en rencontrer le nom puisse m'être l'occasion de feuilleter mes souvenirs comme un album de photos"

"Les lignes de métro, comme celles de la main, se croisent ; non seulement sur le plan où se déploie et s'ordonne l'entrelacs de leurs parcours multicolores, mais dans la vie et la tête de chacun"

"La majorité des parcours singuliers dans le métro sont quotidiens et obligatoires. On ne choisit pas de les garder ou non en mémoire : on s'en imprègne, comme du souvenir de son service militaire"

"Tel nom de station qui ne fut longtemps pour nous qu'un nom comme un autre, repère convenu dans une série invariable, a pu soudain revêtir une signification sans précédent, symbole d'amour ou de malheur"

Les parties suivantes, intitulées "Solitudes" et "Correpondances", et qui s'intéressent à l'altérité dans le métro, s'interrogent sur le "fait social" qu'est le rituel de prendre le métro, questionnent Marcel Mauss, m'ont moins parlé.
"La lecture y occupe encore une grande place [...] sous la forme de bandes dessinées ou de romans sentimentaux comme ceux de la série Harlequin. Ainsi, l'aventure, l'érotisme ou l'eau de rose se déversent dans les cœurs solitaires d'individus qui s'appliquent avec une constance pathétique à ignorer leur entourage sans rater leur station"
 Dommage que la moitié du livre soit finalement si abstraite, si peu liée au métro, mais s'inquiète plus de débats ethnologiques et de positionnement que de rendre son propos limpide.

lundi 3 juillet 2017

A room of one's own

Je terminerai ce mois anglais sur un essai de Virginia Woolf qui patiente depuis bien longtemps dans ma LAL. C'est un ensemble de conférences sur le sujet "women and fiction" ordonnées dans ce petit traité. La thèse de Virginia ? Il faut une pièce pour soi, que l'on peut fermer à clé, et 500 livres de rente pour qu'une femme puisse écrire.

Toutes les conférences ne m'ont pas intéressée de la même façon et j'ai trouvé le propos parfois redondant mais l'ensemble dessine une analyse passionnante de la condition des femmes, de leur accès à l'éducation et à l'écriture. Un essai féministe, qui ne manque pas d'ironie, à l'égard des hommes comme des femmes.

On commence d'abord par suivre une femme dans ses activités quotidiennes, un peu comme on a pu suivre Clarisse Dalloway. On voit ce qui est admis et ce qui ne l'est pas. Dans le cadre d'une université fictive, Oxbridge... Et entrer à la bibliothèque n'en fait pas partie. Qu'à cela ne tienne, il y a celle du British Museum. Où la majorité des livres sont écrits par des hommes. Oui, même -voire surtout - lorsqu'il est question de femmes. 

Mais là où l'on entre dans le vif du sujet, c'est lorsque Virginia touche à Shakespeare et à Jane Austen. Elle imagine le tragique destin d'une sœur de Shakespeare. Et elle s'étonne de la force d'une fille de pasteur, qui a pu écrire au milieu d'un salon bruyant. Le chapitre sur les Bronte, Austen et Eliott est de loin celui qui m'a le plus plu. Je me suis délectée des images que Virginia nous propose et de l'innovation étonnante de ces bas-bleus. Par contre, elle aurait pu faire une petite place à d'autres dames, plus antiques comme Sappho, plus précieuses comme Mme de Scudéry ou Mme de Lafayette.

Enfin, elle s'attaque au cœur même du travail de l'écrivain, proposant que la qualité n'émane pas du sexe de l'auteur mais plutôt de sa capacité à se fondre entre eux. L'écrivain idéal est androgyne. C'est finalement ces derniers chapitres que je retiendrai. Virginia se demande si l'argent n'est pas plus important que le droit de vote pour les femmes. Je vous laisse réagir. Elle invite aussi à dépasser cette opposition entre hommes et femmes pour ne laisser paraitre que l'écrivain. Et invite tout un chacun à prendre un stylo, sans se soucier des résultats, simplement pour le plaisir d'écrire.

Comme souvent quelques extraits de la lecture :
"No force in the world can take from me my five hundred pounds. Food, house and clothing are mine forever. Therefore not merely do effort and labour cease, but also hatred and bitterness. I need not hate any man; he cannot hurt me. I need not flatter any man; he has nothing to give me. So imperceptibly I found myself adopting a new attitude towards the other half of the human race".

"'Women live like Bats or Owls, labour like Beasts, and die like Worms...'" 

"In those words she puts her finger exactly not only upon her own defects as a novelist but upon those of her sex at that time. She knew, no one better, how enormously her genius would have profited if it had not spent itself in solitary visions over distant fields; if experience and intercourse and travel had been granted her. But they were not granted; they were withheld; and we must accept the fact that all those good novels, VILLETTE, EMMA, WUTHERING HEIGHTS, MIDDLEMARCH, were written by women without more experience of life than could enter the house of a respectable clergyman; written too in the common sitting-room of that respectable house and by women so poor that they could not afford to buy more than a few quires of paper at a time upon which to write WUTHERING HEIGHTS or JANE EYRE". 

"Speaking crudely, football and sport are 'important'; the worship of fashion, the buying of clothes 'trivial'. And these values are inevitably transferred from life to fiction. This is an important book, the critic assumes, because it deals with war. This is an insignificant book because it deals with the feelings of women in a drawing-room". 

"It was strange to think that all the great women of fiction were, until Jane Austen's day, not only seen by the other sex, but seen only in relation to the other sex. And how small a part of a woman's life is that; and how little can a man know even of that when he observes it through the black or rosy spectacles which sex puts upon his nose". 

"Thus, when one takes a sentence of Mr B into the mind it falls plump to the ground--dead; but when one takes a sentence of Coleridge into the mind, it explodes and gives birth to all kinds of other ideas, and that is the only sort of writing of which one can say that it has the secret of perpetual life". 

"'The poor poet has not in these days, nor has had for two hundred years, a dog's chance...a poor child in England has little more hope than had the son of an Athenian slave to be emancipated into that intellectual freedom of which great writings are born.' That is it. Intellectual freedom depends upon material things. Poetry depends upon intellectual freedom. And women have always been poor, not for two hundred years merely, but from the beginning of time. Women have had less intellectual freedom than the sons of Athenian slaves. Women, then, have not had a dog's chance of writing poetry. That is why I have laid so much stress on money and a room of one's own".