lundi 22 mai 2017

Marqués à vie

Après Santiago du Chili, direction Manille pour suivre une volontaire de solidarité internationale partie avec Fidesco, Lucie Taurines

Après un parcours brillant dans le commerce international, notre volontaire s'interroge. Est-ce vraiment là sa place ? Quel est le sens dans son job ? Dans l'argent qu'elle gagne ? Et ses talents, ne pourrait-elle pas les mettre au service d'autre chose ? C'est avec ces questions en tête qu'elle chemine vers le volontariat. Et qu'elle se retrouve à accompagner des jeunes exclus philippins vers la vie professionnelle. Au sein de l'association LP4Y, elle intervient comme coach. Elle forme des jeunes qui ont fait de la prison, qui dorment dans la rue, qui n'ont pas été à l'école, qui dealent, afin qu'ils puissent accéder à un emploi digne. 
A travers de multiples anecdotes, Lucie nous dresse le portrait des Philippines et de la vie quotidienne des plus exclus. Elle nous compte ses petites victoires, ses échecs, ses doutes. Et surtout, elle nous présente des jeunes aux multiples talents. 

Restée trois ans sur place, avec une mission qui a pris de l'ampleur, passant de l'accompagnement de jeunes à celui des centres et aux partenariats avec les entreprises, Lucie nous transmet sa foi en l'être humain. Un beau parcours de vie... et de foi !

Angel Paraguay

mercredi 17 mai 2017

Petite Poucette

Ce petit livre de Michel Serres se lit rapidement et questionne beaucoup sur notre société. Il s'intéresse particulièrement à la mutation technologique et à l'arrivée du numérique. Cette révolution, du même ordre que le passage de l'oral à l'écrit et du manuscrit à l'imprimé, est en cours. Et la petite Poucette, une des actrices du changement avec son habileté à taper des messages avec son pouce. 

Explorant les divers aspects du monde, notre philosophe montre les évolutions qu'il subit, les changements qui s'opèrent. Il compare l'ancienne manière de faire à la nouvelle, il explique de façon assez didactique à nos parents ce que sont leurs enfants, des mutants ! 

Si l'idée est intéressante, j'ai trouvé qu'on restait très la surface des changements et des potentiels qu'ils ouvrent, que cela restait finalement très descriptif. Et que la position d'observateur de l'auteur ne suffit pas, qu'il serait bon de chercher à mieux comprendre et analyser ces changements, de s'inquiéter d'un internet toujours plus rempli de contenus mais des si faibles moyens pour vérifier les sources ou même les difficultés pour les plus jeunes à prendre du recul, à s'interroger sur ces contenus. Tout se dilue en lui, comme se dilue notre esprit critique devant l'abondance d'un supermarché rempli de publicités, de promo, d'offres si diverses que l'on n'y retrouve rien. 
C'est donc un point de départ intéressant que ce livre, mais il mériterait d'être complété, d'être débattu et pourquoi pas d'être questionné pour rêver la société que nous voulons construire. Je note cet extrait sur le travail, qui me parait très vrai concernant la génération Y et les suivantes :
"Comme il n'y a plus que des individus, que la société ne s'organise qu'autour du travail, que tout tourne autour de lui, même les rencontres, mêmes les aventures privées qui n'ont rien à voir avec lui, Petite Poucette espérait s'y épanouir. Or elle n'en trouve guère, elle s'y ennuie. Elle cherche à imaginer aussi une société qui ne soit plus vraiment structurée par lui. Mais par quoi ? Et combien de fois lui demande-t-on son avis"

lundi 15 mai 2017

Mariées rebelles

Wild brides, c'est le premier recueil de poésie publié de Laura Kasischke. Et le premier qui nous est traduit en français. Mais en nous proposant les textes originaux en face (ce qui est super chouette). Du coup, tu lis en anglais, tu apprécies le rythme, le choix des mots, l'ambiance bizarre (oui, dans sa poésie aussi) et puis tu jettes un oeil au français pour les mots qui t'ont échappés. Et tu avances tranquillement dans le recueil. Parfois, tu frissonnes. Parfois, tu trouves ça glauque. Parfois, tu ne comprends pas tout. Tu te repères avec Médée, qui coupe en quatre le recueil. Tu croises des femmes, des épouses, des familles. C'est malsain. C'est eros et thanatos en banlieue. Mais c'est puissant !

J'ai envie de vous mettre quelques extraits, de vous encourager à découvrir ce recueil. J'aurais pu en mettre bien plus, mais il faut choisir ! Parmi ceux que j'ai beaucoup aimé aussi il y a Palm, After my little light, I sat in the dark, Bells of ice, Passion, The sorceress and the wife.


Massacre of the Innocents (after Pieter Brueghel)

Pale rubies dripped from the branches
like red gems of ice, and Rachel
was weeping. And the cold
snow of Bethlehem, of Flanders.
The soldiers moved slowly
as a forest, confused
and eager as metal animals. Herod
was sleeping. Rachel
refused to be consoled. Hide
the childrens, the cried. Hold
the babies higher. But 
the world was unraveling. The future
had found them. The pond
was frozen sharp
and white as a wing.
And no one saved them. No. God
fled to Egypt, by donkey
through the snow, cold
snow of Egypt, of Flanders, of France.
A star was seen exploding
in the East, precisely
over themselves. They could have hidden, but
no angel appeared
to them. The soldiers arrived
grey and still, and their mothers
pleaded, and a voice was heard,
too late and wailing. In the cold
snow of Oklahoma,
or Dachau, or Peru. Wailing
and loud lamentation.
An old man got down on his knees
and begged to have
the baby back. Cape
of Good Hope.

Porch

When she died I believed that she was dead, but now
we meet each night in a world between ourselves
where she is more alive
than I have ever been.

On the front porch we talk
Baldung Grien, trois âges de la vie, 1510and rock in the wicker rockers
that ruined in the rain
even before she had gone.
The dead we love enter
the earth from here :
It is night, the front porch
between a meteor storm
and the new grass growing.

The yard is full of sweat-pea
and poison sumac, bittersweet
and brimstone.
The summer before
and all the summers since

are over and have never been.

In space the stars turn
to ash and incandescence, 
but it's too much to try to understand.
She says, Someday you'll learn to see
with all your eyes.

This amazes me.
My breath light is burning down but hers
has turned inward, become
truly lucent,
purely life.
She pulls her nightgown down
to show me the scars again
where they let death out of her.

I turn my head :
too bright, too beautiful.

She laughs. She says,
You're still the weaksister, the one
who was meant to die.

When I wake up
I need to believe -

Though - once I watched a swan die
of a fishhook caught in her throat.
In that still black river 

she seemed to sing
but it was pain that peeled
the notes from her.

Maybe that's all it is
to dream about the dead.

The bride between them

That night his bride's face
becomes the moon's surface
in his bed. Between dreams
he is climbing
the narrow step to her.
She wakes that night,

saying :

Now, think out
into all that might happen
to us. What it means, the future.
We'll look back later and remember
how it was tonight,
not knowing.

The house fills up with winter
months later. He sweeps up
the fireplace, afraid 
to find something
still alive among the ashes.
She is gone, fallen
into the bed of a man
he knows and loves.
Her bridal dress burns black.

Years ago, at any wedding
in any room full of people,
he would not have known
how a man's best friend
could become his bitter enemy,
how the eyes of the woman
he would love would look
moon-cold and closed.

He would not have known 
that to crawl up to the black, sad
sleep of love
is not to want to live.
His own ghost glowing there. 

In any room full of people
there are already two or three
wearing funeral shrouds
beneath their wedding clothes.
There is one at the altar
who will hold a knife 
to the throat of a friend.
A woman who can forget anything.
Two men who might share
the bride between them. 

The wind is cold.
Two dark cats claw in the snow.
He stands at the window
and understands
how one sweet creature
could gnaw another to death. 

vendredi 12 mai 2017

A Scanner darkly

J'ai mis pas mal de temps pour lire ce roman de Philip K. Dick, je ne suis jamais vraiment rentrée dedans, malheureusement. Pourtant le thème était prometteur : la drogue. Mais je n'ai pas accroché à l'écriture, ni aux personnages. Et j'attendais plus de SF que ça.

Fred évolue dans la brigade des stups. Il est chargé de surveiller Bob Arctor, Luckman et Barris, dealers et accros à la substance D. Ce Bob est particulièrement louche avec ses trous dans l'emploi du temps... Et pour cause, puisqu'il n'est autre que Fred. Un Fred / Bob qui ne se rend pas compte qu'il est le même homme, qu'il est à la fois schizo et parano. Car la substance D est à la fois abordable et mortelle. Elle attaque le cerveau dont les hémisphères ne se connectent plus. Bref, l'idée est fabuleuse et la description des symptômes également. Sauf que c'est assez lent, très pesant et noir. Quelques scènes délirantes viennent apporter un peu de légèreté, notamment celle des vitesses du vélo qui ont disparu mais l'ensemble reste lourd. Jusqu'à ce qu'apparaisse l'incapacité de Fred aux yeux de ses supérieurs. Et qu'il entame une nouvelle vie sous le nom de Bruce.

Ce qui m'a principalement déplu : le peu de SF. C'est ce que je venais chercher et j'ai visiblement pris le mauvais titre. A part le brouilleur qui permet à Fred de dissimuler son identité, et sur laquelle repose l'intrigue, pas grand chose. Si l'état policier en arrière-plan. Mais sinon, on reste dans une pseudo-normalité. Je n'ai pas non plus aimé le rythme, je me suis parfois ennuyée et la plume de l'auteur ne m'a pas non plus retenue. Bref, c'est une rencontre manquée.

Vase biface

mardi 9 mai 2017

Mission Tepeyac

Attention, voilà un témoignage qui dépote ! Romain et Renaildes de Chateauvieux ont choisi un mode de vie pas ordinaire. Jeunes mariés, ils se dédient à la prière, à la simplicité et à la mission. Et cela dessine un parcours pour les fondateurs de Misericordia

Après leur mariage, le jeune couple part en mission avec Fidesco... à Gainesville aux USA. Là, tu te demandes bien ce qu'il y a à faire pour les volontaires de solidarité internationale au pays de Donald. Eh bien, pas mal de choses en fait ! Vivants parmi les migrants hispanophones, dans un quartier où il n'est pas facile de trouver du boulot, de ne pas boire, dealer ou se droguer, Romain et Renaildes lancent de jolies initiatives : café de la miséricorde, visites de prisonniers, cours d'anglais, de musique, catéchisme, rosaire... et jusqu'à la construction d'un centre paroissial. 

Mais ce n'est que la mise en route. Car avec leurs enfants, notre couple est ensuite envoyé en mission d'évangélisation, en bus, le carrito del Tepeyac, dans les zones les plus délaissées d'Amérique du Sud. Mexique, Guatemala, Nicaragua, Bolivie... Notre famille débarque dans des lieux perdus et crée, en quelques mois, de nouvelles dynamiques religieuses.  Prélude à la création à Santiago de l'association Misericordia, cette aventure missionnaire épate le lecteur. La foi sans faille des parents, la simplicité et la joie des enfants, ouvrent les cœurs les plus durs. 

Ce témoignage est un véritable coup de cœur. C'est épatant comme ces deux-là bougent des montagnes et vivent "al estilo de Jesus". Cela donne envie de les suivre :)


vendredi 5 mai 2017

Une vie bouleversée suivi de Lettres de Westerbork

Les écrits d'Etty Hillesum, recommandés maintes fois par des proches, enfin empruntés en bibliothèque, lus et aimés. Wahou, quelle force dans ce bout de femme de 27 ans !

Ce livre est composé de deux éléments mis bouts à bouts : d'une part le journal d'Etty de 1941 à 1943 puis ses lettres depuis le camp de transit de Westerbork. 

Dans le journal, on découvre une jeune femme qui vit à Amsterdam, étudie, enseigne le russe, profite de la vie mais n'est pas très heureuse. Elle rêve de devenir écrivain mais se perd dans les idées plutôt que dans l'action. 
"L'essai le plus mince, le plus insignifiant que tu parviens à écrire vaut mieux que tout le flot d'idées grandioses dont tu te grises. Garde tes pressentiments et ton intuition, c'est une source où tu puises, mais tâche de ne pas t'y noyer ! [...] Ne surestime pas ces orgies de vie intérieure, ne va pas te croire pour autant du nombre des "élus" et supérieure aux gens "ordinaires" dont la vie intérieure t'est, après tout, parfaitement inconnue ; mais si tu continues à te griser et à te délecter de tous tes remous intérieurs, tu n'es qu'une chiffe molle et une bonne à rien"
"J'ai retrouvé soudain, fugitivement, la certitude qui, en ce moment précis où je tiens un stylo, a de nouveau totalement disparu : un jour je serai écrivain. Les longues nuits que je passerai à écrire, ce seront mes plus belles nuits. Alors tout jaillira de moi, s'écoulera de moi en un flux ininterrompu et sans fin, tout cela qu'aujourd'hui j'emmagasine en moi"
"Il n'y a pas de poète en moi, il n'y a qu'un petit morceau de Dieu qui pourrait se muer en création poétique"
Nous la rencontrons alors qu'elle vient de faire la connaissance de S., Julius Spier, chirologue (il lit ton âme dans les lignes de la main) et thérapeute. Avec ses conseils, Etty va grandir, se découvrir, s'accepter. C'est un voyage initiatique de l'âme que l'on fait avec elle. Et un parcours dans son quotidien, ses histoires de coeur, ses lectures, ses envies. On suit aussi le durcissement du traitement des juifs en Hollande. 
"On est constamment indignés devant certains faits, on cherche à comprendre, mais rien n'est pire que cette haine globale, indifférenciée. C'est une maladie de l'âme"
Gallen Kalela, Ad astra, 1907
Mais tout cela ne semble pas tellement peser car Etty est véritablement transfigurée par sa rencontre avec Dieu, avec ce qu'il y a de divin en elle. On ne sait pas vraiment quand s'opère cette conversion. Pas de grand miracle ou d'apparition. C'est simplement dans un ton qui évolue, qui murit, qui s'ensoleille malgré les difficultés qui s'amoncèlent. Elle nous livre des petits trésors d'abandon, d'acceptation et de foi.
"Il m'est indifférent de faire ou non de grandes choses, parce que j'ai l'intime conviction que de la réussite ou de l'échec il sortira toujours quelque chose. Avant, je vivais au stade préparatoire, j'avais l'impression que tout ce que je faisais ne comptait pas vraiment, n'était que la préparation à autre chose, à quelque chose de grand, de vrai"
"C'est ici et maintenant, en ce lieu, dans ce monde, que je dois trouver la clarté, la paix et l'équilibre. Je dois replonger sans cesse dans la réalité, "m'expliquer" avec tout ce que je rencontre sur mon chemin, accueillir le monde extérieur dans mon monde intérieur et l'y nourrir - et inversement -, mais c'est terriblement difficile, et pourquoi ai-je ce sentiment d'oppression au dedans de moi ?"
"Il y a en moi un puits très profond. Et dans ce puits, il y a Dieu. Parfois, je parviens à l'atteindre. Mais plus souvent, des pierres et des gravats obstruent ce puits, et Dieu est enseveli. Alors il faut le remettre au jour. Il y a des gens, je suppose, qui prient les yeux levés vers le ciel. Ceux-là cherchent Dieu en dehors d'eux. Il en est d'autres qui penchent la tête et la cachent dans leurs mains, je pense que ceux-ci cherchent Dieu en eux-mêmes"
"Penser, c'est une grande et belle occupation dans les études, mais ce n'est pas ce qui vous tire de situations psychologiques difficiles. Il y faut autre chose. Il faut savoir se rendre passif, se mettre à l'écoute. Retrouver le contact avec un petit morceau d'éternité"
"Voilà  ta maladie : tu veux enfermer la vie dans tes formules personnelles. Tu veux que ton esprit embrasse tous les phénomènes de cette vie, au lieu de te laisser toi-même embrasser par la vie. Je me rappelle ce mot : mettre ta tête dans le ciel, passe encore, mais mettre le ciel dans ta tête, holà ! Tu veux toujours recréer le monde à ton idée, au lieu de jouir du monde tel qu'il est. Tu montres là ta nature tyrannique"
On ne sait pas trop qui est ce Dieu pour Etty. Elle est juive mais pas pratiquante. On peut la voir chrétienne. Mais après tout, l'essentiel n'est pas là. A quoi sert d'identifier, de classer la divinité ? Ce qui compte, c'est que pour Etty, c'est un chemin vers elle même. 
"Je veux seulement tenter de devenir celle qui est déjà en moi, mais cherche encore son plein épanouissement. Il m'arrive de croire que j'aspire à la retraite du couvent. Mais c'est dans le monde et parmi les hommes que j'aurai à me trouver"
"Je commence à me rendre compte que lorsqu'on a de l'aversion pour son prochain, on doit en chercher la racine dans le dégoût de soi-même"
"Nos actes ne sont souvent qu'imitation, devoir supposé ou représentation erronée de ce que doit être un être humain. Or la seule vraie certitude touchant notre vie et nos actes ne peut venir que des sources qui jaillissent au fond de nous-mêmes. Je le dis en cet instant avec beaucoup d'humilité et de gratitude et je le pense profondément (même si je sais que tout à l'heure je serai redevenue rebelle et écorchée vive) : "Mon Dieu, je te remercie de m'avoir faite comme je suis. Je te remercie de me donner parfois cette sensation de dilatation, qui n'est rien d'autre que le sentiment d'être pleine de toi. Je te promets que toute ma vie ne sera qu'une aspiration à réaliser cette belle harmonie, et à obtenir cette humilité et cet amour vrai dont je sens en moi la possibilité à mes meilleurs moments." Et maintenant, desservir le petit déjeuner, finir de préparer la leçon de Lévi, et un peu de make-up sur le museau"
Et grâce à cette conscience de Dieu, grâce à la prière, grâce à cette cohérence intérieure, cet apaisement, bien différents de l'agitation initiale des feuilles de 1941, Etty regarde l'extérieur avec plus de tranquillité. Elle parle souvent, même en camp, de la prière comme lieu de ressourcement et de compréhension du monde.
"Les menaces extérieures s'aggravent sans cesse et la terreur s'accroit de jour en jour. J'élève la prière autour de moi comme un mur protecteur plein d'ombre propice, je me retire dans la prière comme dans la cellule d'un couvent et j'en ressors plus concentrée, plus forte, plus "ramassée". Cette retraite dans la cellule bien close de la prière prend pour moi une réalité de plus en plus forte, devient aussi plus simple"
"Cette peur de ne pas tout avoir dans la vie, c'est elle justement qui vous fait tout manquer. Elle vous empêche d'atteindre l'essentiel"
"Je sens à présent tout le poids que tu m'as donné à porter, mon Dieu. Tant de beauté et tant d'épreuves. Et toujours, dès que je me montrais prête à les affronter, les épreuves se sont changées en beauté. Et la beauté, la grandeur, se révélaient parfois plus dures à porter que la souffrance, tant elles me subjuguaient. Qu'un simple coeur humain puisse éprouver tant de chose, mon Dieu, tant souffrir et tant aimer !"
Et ce qui est beau, c'est que cet amour pour Dieu, elle rejaillit sur l'autre. D'abord timidement, puis de plus en plus devant la difficulté de la vie à Amsterdam puis à Westerbork.
"Si j'aime les êtres avec tant d'ardeur, c'est qu'en chacun d'eux j'aime une parcelle de toi, mon Dieu"
"Il me reste une leçon à apprendre, la plus dure, mon Dieu : assumer les souffrances que tu m'envoies et non celles que je me suis choisies"
"On voudrait être un baume versé sur tant de plaies"
"Si nous ne sauvons des camps, où qu'ils se trouvent, que notre peau et rien d'autre, ce sera trop peu. Ce qui importe, en effet, ce n'est pas de rester en vie coûte que coûte, mais comment l'on reste en vie. Il me semble parfois que toute situation nouvelle, qu'elle soit meilleure ou pire, comporte en soi la possibilité d'enrichir l'homme de nouvelles intuitions. Et si nous abandonnons à la décision du sort les dures réalités auxquelles nous sommes irrévocablement confrontés, si nous ne leur offrons pas dans nos têtes et dans nos cœurs un abri pour les y laisser décanter et se muer en facteurs de mûrissement, en substances d'où nous puissions extraire une signification, - cela signifie que notre génération n'est pas armée pour la vie"
"Je vois ici beaucoup de gens qui disent : nous ne voulons rien nous rappeler d'"avant", sinon la vie au camp nous deviendrait impossible. Et moi, je vis justement si bien ici parce que je n'oublie rien de cet "avant" (qui n'en est d'ailleurs même pas un pour moi) et que je continue sur ma lancée"
"Tout est parfaitement bon. Et en même temps parfaitement mauvais. Les deux faces des choses s'équilibrent, partout et toujours. Je n'ai jamais eu l'impression de devoir me forcer à en voir le bon côté, tout est toujours parfaitement bon, tel quel. Toute situation, si déplorable soit-elle, est un absolu et réunit en soi le bon et le mauvais"
 Je ne vous ai pas mis la longue lettre qui décrit une nuit de départ pour la Pologne. Mais c'est une plongée dans l'horreur de la déportation pendant laquelle Etty tente d'être lumière, partout où elle passe. Avant d'être à son tour déportée avec sa famille et de mourir à Auschwitz. Un témoignage lumineux et puissant !

lundi 1 mai 2017

Très sage Héloïse

Comment ce livre de Jeanne Bourin est-il passé de ma bibliothèque à ma PAL en un déménagement ? Je vous rassure, pas d'enquête à la Sherlock pour débuter ce billet mais un simple constat : j'avais déjà lu ce livre et je ne m'en souvenais plus. Oui, oui, c'est utile un blog mais pour le bien, il faudrait aussi que je liste mes lectures de lycée, antérieures à ce petit coin de web. Bref, entrons dans le vif du sujet, ce ne fut pas un livre désagréable à relire (vous voilà rassurés). 

Notre chère Héloïse, amante d'Abélard, se meurt. La mère abbesse du Paraclet va remettre son âme à Dieu durant tout le roman. Kyrie Eleison. Mais rassurez-vous, c'est juste un artifice pour nous faire relire la vie de la belle Héloïse, en débutant sur les bords de Seine où elle vit avec son oncle et rencontre Pierre Abélard. C'est ensuite le feu de la passion qui les embrase... et qui continue d'éclairer notre héroïne sur son lit de mort. Elle n'est qu'amour, que passion, non pour Dieu, mais pour Pierre. Ce qui, au Moyen Age, nécessite de demander pardon à la veille de mourir si l'on ne veut pas rôtir éternellement. 

Alternant entre les souvenirs de l'abbesse et les réactions de ses sœurs, qui tentent d'apaiser ses derniers moments, ce roman retrace l'histoire d'une passion, d'un martyr. Car notre belle abbesse a la vocation de l'amour, pas du cloitre. C'est joli, ça se lit bien, ça fait se balader dans le temps, une bonne lecture détente.