lundi 28 mars 2022

Revenir à toi

Le dernier roman de Léonor de Recondo est une déception pour moi. Je ne retrouve plus le rythme de son écriture que j'appréciais tant. C'est le roman d'une quête et d'une reconquête. Quête d'une mère disparue depuis des années, une mère malade. Quête de soi à travers la quête maternelle.

Magdalena a reçu un coup de fil : sa mère a été retrouvée. Ni une ni deux, elle prend le train pour la rejoindre. C'est l'occasion de faire défiler les souvenirs avant d'arriver dans la petite maison au bord du fleuve. Une maison débordante d'objets et de saleté. Avant d'accéder à sa mère et à son passé, Magdalena s'attaque d'abord aux choses. 

Une histoire un peu 'facile', des retrouvailles de roman, l'actrice qui joue Antigone - bien-sûr -, tout cela laisse une impression de bâclé. 



jeudi 24 mars 2022

Rire avec les anciens

J'ai repéré depuis plusieurs années cette collection Signets des Belles lettres. La présence de ce titre de Danielle Jouanna à la bibliothèque m'a enfin permis de la découvrir.  

Le principe : une thématique principale, ici le rire, déclinée en sous-thèmes, une intro, des extraits choisis et voilà ! C'est une anthologie de textes grecs ou romains qui font sourire voire rire. Au programme, des bien connus tels qu'Aristophane, Plaute, Pétrone, Lucien ou Martial voire Ovide. D'autres moins attendus comme Homère ou Platon et Tite-Live. Et puis d'autres, oubliés ou mal connus que les extraits permettent de rencontrer. Est-ce que nous rions toujours des mêmes choses ? Eh bien oui, ou en tous cas, il y a des histoires antiques qui peuvent toujours nous faire rire : les histoires de quiproquos ou de mauvaise foi, les histoires d'hommes et de femmes, les caricatures, les sujets de la vie quotidienne ou mythologiques...

Une jolie façon de renouer avec les textes antiques que j'affectionne, qui m'a donné envie de relire ou de me replonger dans les versions intégrales des textes ! 

lundi 21 mars 2022

L'arrière-pays de Christian Bobin

Ce joli livre de Dominique Pagnier permet au lecteur d'entrer un peu plus dans la vie de Christian Bobin. Chronologique, il s'invite au Creusot dans la famille du poète. 

Composé de courts chapitres illustrés d'extraits de manuscrits, de photos de lieux de vie ou de personnes inspirantes, cet ouvrage éclaire les publications de Bobin. Rien de bien surprenant non plus, on retrouve les thèmes chers au poète, ses modèles littéraires et ses gouts musicaux par exemple. Les citations sont nombreuses et émaillent l'ouvrage. 

On entre aussi dans l'intimité de sa famille, la maladie mentale de sa grand-mère, la vieillesse de ses parents. On en sait un peu plus sur Ghislaine ou sur Lydie, sur sa filleule Hélène. Bref, on ouvre quelques portes entrouvertes par les textes de Bobin.

Un joli objet, plutôt pour les fans.



lundi 14 mars 2022

Ce matin-là

Vous connaissez mon gout pour les livres de Gaëlle Josse. Celui-ci était une bonne pioche, j'ai aimé suivre Clara son héroïne.

Un matin pour Clara, tout lâche : sa voiture lâche et elle s'effondre. Ce burn-out, dont le nom n'est pas écrit, va consumer son temps, sa vie, ses amours. La jeune femme efficace et compétente, soumise à des pressions qu'elle ne supporte plus, va mettre sa vie entre parenthèse. Elle peine à s'alimenter, dort, et sortir de chez elle devient une épreuve. Son amoureux ne comprend pas. Son médecin, si.

Et c'est la lente dépossession de soi et sa reconquête que nous observons chez cette jeune femme. Une seconde naissance, une nouvelle liberté par rapport à soi, aux autres. Malgré les fragilités.

Un joli roman, quand la vie met plus de temps à se reconstruire que quelques pages. 



jeudi 10 mars 2022

18 exils

J'ai adoré la Sixième et j'ai du lire d'autres livres de Susie Morgenstern pendant l'enfance dont je ne me souviens pas. Le titre de cet ouvrage, la couverture joviale, m'ont donne envie de retrouver cette écrivain.

Les 18 exils, autant d'épreuves sur son chemin, sont contées rapidement, avec vitalité et drôlerie. C'est sympathique mais absolument pas indispensable.


lundi 7 mars 2022

Le pays derrière les larmes

Avec ce recueil de poésies choisies, j'ai plongé dans le monde de Jean-Pierre Lemaire. Un monde imprégné du soleil, celui de l'Italie, de Menton, celui de l'enfance. Un monde chrétien aussi avec ses passages évangéliques, ses rosaires, ses miracles. Un monde où les mots semblent simples et accessibles mais renferment un sens secret, un sens à découvrir.

J'en ai aimé beaucoup, je vous livre ces poèmes :

Préface

Le vent dégage au-dessus du temps mince
où la rivière continue à jouer aux dés sans lever les yeux
les flancs irrévélés de l'éternité
le blanc qui résume le prisme incandescent de la terre
les montagnes qui vibrent dans l'air d'été comme tes premières lettres
tracés d'un bout à l'autre sur la ligne du haut
inaugurant solennellement le cahier d'écriture
Tu as désormais la page entière devant toi
et tu réentends derrière ton épaule 
les sages voix qui t'ont appris à lire
tressées avec ta propre voix pour épeler la vie
dans cet alphabet aux couleurs bouleversantes
où les lettres n'ont pas toutes le même âge
et suivent les pleins, les déliés des jours
le pâté du petit bois, l'accent du toit rouge
l'initiale droite du clocher et les italiques frissonnantes des noisetiers
La terre a si longtemps gardé tous ses mots dans la bouche
avec les cailloux de l'Arve, en apparence incapable 
d'articuler son vœu profond, sa parole humaine
l'écume des neiges aux lèvres : elle s'exerçait
pour les prononcer clairement aujourd'hui
en sommets, en arbres, en hommes distincts
et tu es l'un d'eux, toi aussi, en paix avec le paysage
ayant enfin appris leur nom et le tien
Tu démêles dans ta voix le fil d'or, le fil d'argent, le fil d'azur
et la veine silencieuse de la Sagesse
comme la ligne pâle des anciens cahiers :
Quand tu chantes on doit les entendre tous

Mer bleu sombre, inentamable
dont le mouvement ne dévoile rien
comme la femme qui a dit non
et redevient dans tous ses gestes
autonome, ignorante, étrangère
antérieure à la question même

Quand on longe les murs
on trouve un jour des hommes-portes
des hommes-fenêtres
par qui l'on voit le monde
le paysage et les autres hommes
ainsi parfois à l'infini
En passant derrière eux
on finit par suivre
sans savoir un chemin
au bout duquel peut-être
tu t'ouvriras aussi

L'autre message

Quand il a lu le dernier mot
il cherche encore au creux de l'enveloppe
autre chose, un signe impalpable
plus fin qu'une épingle, un souffle
qui serait venu clandestinement
ici, loin de la mer, comme des grains de sable
recueillis au fond d'un soulier obscur

Ite missa est

Sous le porche à la sortie
les gens clignent des yeux
Ils partent comme des oiseaux
chacun vers son dimanche
en passant chez le fleuriste ou le boulanger
A la maison, ils referment la porte
déposent leurs clefs
accrochent leur imperméable
Quand on demande d'où ils viennent
ils s'aperçoivent soudain
qu'ils ont ensemble traversé la mer
Leurs souliers sont mouillés
Ce ne sont pas les mêmes

Un coup de vent a soufflé les pétales
des cerisiers de la cité jusqu'à la porte des immeubles
et sur le seuil les gens s'arrêtent
se demandent, le temps d'un battement de cœur
quel jour nous sommes ce matin
quel lendemain de fête

Si tu peux tenir debout sans excuse
une minute au bord de ton vide béant
supporter le vertige intime sans masque
tu me verras et tu te verras presque
avant d'ouvrir les yeux, comme Adam
par les volets de sa poitrine endormie
dont Dieu venait d'enlever une lame
reconnut Êve dans le jardin
Ne comble pas l’excavation de ton cœur
où les cyclamens brûlent à feu couvert
Garde l’entaille vive en ta mémoire
si tu veux donner une chance à mes paroles
Moi, je reste blessée pour te recevoir
par le coup de lance et la marque des clous
J'ai greffé dans mes plaies le souci des hommes
et la Résurrection ne les a pas fermées

On m'ôte à la fin ce que je n'avais pas
comme au serviteur de la parabole
qui ne croyait plus au retour de son Maître
et moins encore au sens de toutes ces années
En creusant sa tombe, il a découvert
l'argent que le Maître lui avait confié
avant de partir pour l'étranger, jadis
ainsi qu'à tous les autres. Lui avait eu peur
Il l'avait enterré à l'époque des troubles
À présent, le Maître ne va pas tarder
mais c'est lui qui croit revenir de voyage
et trouver dans sa poche, en tirant ses clefs
la monnaie qu'il n'a pas dépensée là-bas
une pièce brillante, étrangère, indéchiffrable
qu'il ne peut même plus donner à la quête

Devant la mer

Tu cries devant la mer comme devant un chien
un grand animal que tu veux caresser
qui aboie et te lèche avec sa langue froide
Tu cries et tu ries, moins craintive que nous
et la mer semble avoir à nouveau ton âge
quand elle était encore apprivoisée



Accroupie sur le seuil et nous tournant le dos
tu lèves le nez vers les acacias
pour parler aux oiseaux ; nous, de la pénombre
nous tâchons de suivre la conversation
vive, sensée, intraduisible
où tu racontes en langue indigène
tout ce que les parents ne peuvent entendre
depuis qu'ils sont sortis du ciel en grandissant

Les jouets

Quand tu es partie, dans la maison muette
nous butons encore souvent sur un cube
un animal le nez contre le sol
une balle qui va rouler sous un meuble
émus comme devant les signes épars
d'une civilisation disparue
figée par ton départ au milieu d'un jour
une Atlantide aux métaux mystérieux
dont nous sépare un âge de la terre
et nous avons peur, en rangeant la pièce
de brouiller par mégarde un ordre immémorial
d'effacer le message naïf et secret
que tu nous laissais jusqu'à ton retour

En ce temps-là, les boiteux, les aveugles
t'imploraient sans cesse au bord de la route
et tu les guérissais. Aujourd'hui, c'est nous
infirmes, qui marchons au milieu de la foule
et toi qui attends sur notre passage
pour échanger le jour contre nos rêves
l'avenir contre nos chagrins d'enfant
si nous voulons faire un pas de côté
comme on sort du chemin pour cueillir une fleur

L'habit que nous revêtirons au banquet du Royaume
sera celui de tous les jours
qui nous aura gênés tant que nous le portions

Il était fait à nos mesures
et nous ira si tard, merveilleusement bien
quand nous aurons retouché le miroir...

Entre hiver et printemps
sur l'arbre simplifié devant la montagne
on distingue plus nettement que jamais
la gorge orange du bouvreuil
ou celle, noire et jaune, de la mésange.
Les nuages restent bas
la pâleur des sommets se perd encore en eux.
Après la neige, avant les feuilles
examine ta vie.
Ne remplis pas les marges.

Le grand océan revient frapper aux portes
en octobre, très loin à l'intérieur des terres.
La lumière est salée, on trouve des barques
au fond des jardins et le vent excessif
froisse les tourterelles comme des mouchoirs.
Mobilisation éphémère, exaltante
et tu veux cette année être du voyage
quoique mal préparé, comme une péniche
qui voudrait affronter les vagues de la mer.

Avant tout

Les maisons, les arbres sont tournés vers l'est
regardant la lumière qui vient d'Italie
comme si chaque chose était une aiguille
attentive au passage d'un fil de lumière

à l'intérieur de soi. Les hommes déjà
sont partis en tous sens, et toi qui essaies
de surprendre en chacun l'ouverture secrète
tu dérobes aussi le chas de ton cœur

au fil lumineux. Si tu l'as manqué
il se présentera peut-être à la fin
de l'autre côté, rouge avant de se rompre.
A la dernière heure comme à la première

il faudra lever les yeux de ton ouvrage
accepter le regard de ce qui t'éclaire
- et tu t'endormiras, selon qu'il est passé
ou non par ton âme, uni et dispersé.

Le mimosa

Odeur du mimosa dans l'appartement
quand les invités sont partis : poudre d'or
qui éclaire la nuit, les meubles. En rêve
ne surgiront pas les collines de Nice
mais les façades qu'on voyait du train
donnant sur les voies, jaunes, décrépies.
On imaginait, on enviait presque
ces vies pauvres passées devant un citronnier
parmi les cris d'enfants et le linge aux balcons
avec le ciel bleu qu'on ne remarque plus
mais qu'on sent au fond des arrière-cours.

Les pissenlits

Un rayon du soir traverse le pré,
éclairant une file de pissenlit :
petite procession aux têtes enfantines,
vives, ébouriffées, chacune penchant
d'un côté ou de l'autre, et sages cependant,
comme il convient à l'heure solennelle.
Les autres fleurs du pré regardent, immobiles.
Eux seuls paraissent aller quelque part,
croisent un merle. Et tu voudrais les suivre.

Pierre

Il est le pasteur confirmé du troupeau
mais il n'a pas besoin qu'un ange le soufflette
pour rester humble. Il lui suffit d'entendre
le coq chaque matin. 

La ménagère

Quand elle a fini de cirer les meubles,
d'essuyer les vases, le dos des vieux livres,
elle s'assied, la tête vide.
Les grains de lumière ont partout remplacé
les grains de poussière
mais qui verra la différence ?
Le soleil seul
la félicite.

Matthieu, 13

La perle précieuse
qu'il faut acheter en vendant ses biens
petit à petit, tu la vois briller
noire, dans les yeux d'une sœur Annonciade ;
si jeune, elle a déjà tout donné pour l'avoir.
Ainsi le Royaume entre-t-il en ce monde
par ceux qui ont osé le choix vertigineux
et nous gravitons autour de sa lumière,
éblouis, dispersés, 
cortège de poussières,
hésitation d'étoile.

Annonciation

Dieu
si petit en moi
hors de moi si grand.

Cana

Ce mariage était un printemps sans oiseaux :
les gens ne chantaient plus, parlaient à mi-voix
tandis que le vin baissait dans les coupes.
Nous connaissions bien les mariés, nos voisins,
heureux, insouciants comme tous les mariés
qui promettent plus qu'ils ne peuvent tenir,
commencent bravement par le vin d'amour
et finissent par l'eau de l'indifférence.
Alors je me suis tournée vers la source
encore scellée. Plus tard j'ai compris
son premier refus et j'en ai pleuré :
c'était son sang déjà que je lui demandais
au nom de nos voisins, de nos frères tristes
et c'était, au-delà du pressoir de la croix,
pour le banquet futur, quand la joie coulerait
à pleins bords, ranimant les oiseaux dans les branches,
faisant refleurir le buisson où la rose
blanche de la mort aurait disparu.

jeudi 3 mars 2022

Klara and the sun

Bienvenue dans un magasin qui vend des AF (artificial friend). Klara est l'une d'elle et se charge au soleil. Elle est aussi douée d'une capacité d'apprentissage et d'observation qui lui permet d'interpréter - parfois de comprendre - le monde. Choisie par Josie, une adolescente malade, elle découvre le monde à travers ses yeux. Vivant dans une belle maison isolée, elle interagit principalement avec la mère de Josie, une gouvernante, Rick (un ami de Josie) et Josie elle-même. Elle va surtout tout mettre en œuvre pour la sauver, en ayant recours à un culte étrange, sans imaginer qu'elle n'est guère qu'un jouet pour la jeune fille. 

Sympathique histoire du point de vue de ce robot, avec ses pixels dans la vue. Dommage que certains aspects de cette société futuriste n'aient pas été plus développés comme les "lifted children", la place des robots et des êtres humains ou certains personnages.