vendredi 28 avril 2017

Pourquoi êtes-vous pauvres ?

C'est le titre qui a attiré mon attention. C'est une bonne question, ne trouvez-vous pas ? C'est la question que pose William Tanner Vollmann aux pauvres qu'il rencontre, dans divers pays du monde. Cela va de la Colombie, à la Chine, en passant par le Kazakhstan, le Mali, la Thaïlande, les US... Ce livre, ce sont des discussions avec ces pauvres, souvent possibles grâce à des interprètes (qui font leurs petits commentaires), et des photos d'eux. 

Inondations Asuncion


Tout commence par des chiffres, histoire de comparer les niveaux de vie selon les pays, et par une courte introduction sur les intentions de l'auteur. Il affirme qu'il n'écrit pas ce livre parce qu'il se sent coupable. Ni même comme un essai sociologique. Peut-être juste pour donner une parole à ces pauvres au sujet de leur pauvreté. Et un visage à travers les photos. On suit donc Vollmann, distribuant son argent aux quatre coins du monde, recueillant des propos, des histoires, des interprétations, des superstitions, des mensonges peut-être... On ne sait pas bien. Car on croise nos personnages quelques jours ou quelques instants, selon que l'auteur ou l'interrogé s'attarde. C'est donc une démarche assez étonnante, qui parait ou naïve ou brutale. En tous cas, qui pose question au lecteur !

J'ai donc suivi notre auteur, parfois à reculons, fatiguée de l'absence de sens, de l'absence d'espoir parfois. J'ai du mal à garder une vision synthétique de ce livre, ce sont plutôt des visages et des morceaux d'histoires qui s'accrochent à la mémoire. Pourtant, ça marche par thème, notamment sur les phénomènes liés à la pauvreté comme l'invisibilité ou la dépendance. Mais non, ce n'est pas ça qui restera. 
Intéressant de lire aussi le rapport de l'auteur aux pauvres qui vivent près de sa maison, à Sacramento. Son respect mais aussi sa méfiance. 

Un drôle d'objet littéraire.

"J'en vins donc à me demander si l'une des caractéristiques de la pauvreté ne serait pas l'acceptation de la défaite"

mercredi 26 avril 2017

Cinq amoureuses

Afin de suivre, de loin en loin, le mois japonais proposé par Lou et Hilde, j'exhume de ma PAL cet ouvrage de Saikaku Ihara. J'avais peur de ce qu'il me réserverait. J'ai en effet lu, dans la même collection, le très fameux Je suis un chat qui m'avait plutôt pesé. Oui, ça tient à pas grand chose les a priori sur les livres chez moi.

J'ai donc découvert cinq histoires d'amoureuses sous la plume d'un écrivain japonais du XVIIe siècle et ça m'a bien plu. C'est toujours tragique, bien sûr.

Le lecteur entre dans les textes comme au théâtre, avec le titre et une description rapide des chapitres, puis s'engage dans un court roman, ou une nouvelle d'amour et de passion. Oui, la forme est un peu étrange à nos yeux. L'histoire est toujours assez réaliste et s'inspire d'aventures vécues. Par contre, pour comprendre la beauté de la langue et des mots choisis, il faut se reporter sans cesse aux très nombreuses notes (en fin de volume et avec des sous-catégories a) et b) et c) etc., vive le bouquin avec deux marque-ta-page), ce qui, in fine, te dégoute de la langue plus qu'autre chose. Je te donne un petit exemple pour que tu comprennes bien :
"Le titre même de ce chapitre "Koi wa yami yoru wo hiru no kuni" est un exemple du style de Saikaku.
(Là, je me dis "chouette, je commence par une œuvre exemplaire")
"Koi wa yami", littéralement : "L'amour, ce sont les ténèbres", est un proverbe signifiant que cette passion obscurcit l'intelligence. Si l'on ajoute "yoru" (la nuit), comme "yami yoru" signifie "une nuit de ténèbres", la phrase ainsi allongée signifie à son tour : Pour ce qui est de l'amour, une nuit de ténèbres (est propice à ses mystères)" (Koi wa yami yoru).
(Ah, oui, ça va, c'est logique. Je ne sais juste pas d'où sortent les mystères mais soit)
Si l'on prend maintenant "yoru" comme pivot en l'incorporant à la fin de la phrase,
(Mais pourquoi voudrait-on faire ça ?)
 cela donne "yoru wo hiru no kuni" ou "le pays (kuni) qui fait de la nuit (yoru wo) le jour (hiru)" expression qui veut dire "lupanar".
(Ah oui, quand même ! C'est joli comme expression)
L'ensemble correspond ainsi à : Le lupanar de Murotsu où le héros de l'histoire, plongé dans les extravagances de l'amour, perd la tête, dans les mystères de la nuit ténébreuse qui remplace le jour dans ce quartier.
(Là, c'est de la traduction ! t'es sûr que tu triches pas parce que tu connais l'histoire ?)
On relève ainsi le procédé de style cher aux poètes haïkaïstes chez qui les rebondissements de mot à mot, ou d'expression à expression, forment chaines d'évocations. Ce genre d'association en chaine d'images ou d'idées rend parfois difficile l'interprétation des titres de chapitres dans les œuvres de Saikaku. On en trouve aussi des exemples dans le texte même, surtout au commencement et à la fin des chapitres"
(Et ce n'est que la première note... on n'a pas fini ! C'est gentil de tout vouloir expliquer mais c'est un peu dense pour un petit titre de chapitre. Vive le traducteur disert). 

Alors, voyons nos cinq récits.

Histoire d'une belle de Himeji et de Seijuro. 

Seijuro est un pilier de lupanar. Son père ne supporte plus son fils débauché et le chasse. Mais en d'autres lieux aussi, il reste un joli coeur... Ce qui ne lui porte pas chance.

Histoire du tonnelier tombé amoureux. 

O-Sen attire tous les regards. Mais c'est finalement le tonnelier qui l'épouse après un étonnant pèlerinage. Mais la jalousie va perdre notre héroïne.

Histoire de l'éditeur d'almanachs. 

La jeune épouse O-San assiste sa servante O-Rin dans ses correspondances amoureuses. Pour se moquer du prétendant, elle imagine une farce qui se retourne contre elle.

Histoire de la fille du marchand de légumes. 

Réfugiée dans un temple, la jolie O-Sichi s'amourache d'Onogawa Kichisaburô. Les jeunes amants rusent pour se voir mais n'y tenant plus, O-Sichi commet un crime.

Histoire de Gengobei. 

Histoire d'un bel homosexuel qui voit mourir ses amants et se retire loin du monde. Jusqu'à ce qu'une jeune femme déguisée lui rende visite. Avec un happy end. 

Toutes les histoires se ressemblent un peu, on sent que l'adultère, c'est vraiment pas bien, mais que toutes ces braves hommes et petites dames ont envie d'y goûter. Et forcément, ça se passe mal.
5 amoureuses

Eh alors, avec toutes ces histoires, tu as fait le plein de littérature érotique ?! En fait, si tu t'attends à des textes aussi détaillés que les estampes japonaises, ce n'est pas le bon bouquin. Cela reste très chaste, on se glisse parfois dans un lit, grand max. Pas de voyeurisme, juste des comportements choquants pour la morale de l'époque. Et quelques petites images mignonnes pour nous illustrer tout ça !

lundi 24 avril 2017

Les livres prennent soin de nous

J'ai cru voir cet ouvrage de Régine Detambel sur pas mal de blogs lors de sa parution. Il fait le lien entre livres et thérapie. Attention, pas tous les livres ou les livres de développement personnel. Non, on parle de littérature ici. De livres qui n'ont pas pour objectif de soigner : "Car il faut qu'un livre soit plurivoque, un épais feuilletage de sens et non une formule plate, conseil de vie ou de bon sens, pour avoir le pouvoir de nous maintenir la tête hors de l'eau et nous permettre de nous recréer".
Livres en vitrine

A travers une promenade de bibliophile, Régine Detambel cherche à nous convaincre que les livres peuvent agir sur nos maux. Vont-ils les apaiser ou les accentuer ? Seul le lecteur le saura. Mais il sera un miroir, un compagnon. "Lire est un moyen de résister à l'exclusion, à l’oppression. Dans son essai, Éloge de la lecture, l’anthropologue Michèle Petit explique que lire est un moyen de "reconquérir un position de sujet, au lieu d'être seulement objet de discours des autres". Les histoires réparent ; dans un livre, on est toujours chez soi". Jusque là, pas de souci, on est d'accord.

Il n'y a pas vraiment de prescription et d'ordonnance, à tel chagrin, telle lecture, mais plutôt un appel à lire de beaux textes. C'est un plaidoyer pour la lecture, une ode au livre. Mais pour la lecture d'oeuvres littéraires... avec un regard un peu dédaigneux sur des livres d'accès plus facile du type best-seller. Bref, c'est un peu le snobisme agaçant du lecteur qui préfère avouer qu'il lit Montaigne plutôt que Coelho.

C'est un plaisir de débuter ce ouvrage, lui-même bien écrit, qui ne se présente pas du tout comme un guide pratique de la bibliothérapie mais plutôt comme une réflexion poétique sur ce thème, permettant répétitions et imprécisions. Mais, malgré son peu de pages, il donne l'impression de tourner en rond, de faire passer le même message avec quelques variantes. J'en sors donc un peu déçue mais intéressée par le concept thérapeutique... Même s'il n'est pas nouveau de dire que les livres nous font du bien ou du mal. Il est d'ailleurs fréquent que mes proches me demandent ce que je lis lorsque je sors déprimée d'un bouquin pour éviter le livre... et les mêmes effets.

"Trop de beaux arts donnent la nausée. Dans un grand musée, on peut faire l'expérience de la triste stupéfaction, de l'admiration désespérée qu'on peut éprouver parfois devant la beauté [...] Les hospitalisations en psychiatrie ne sont pas rares après une confrontation directe avec l'oeuvre d'art".

"Dans une langue neuve, on se refait à neuf. Quoi de mieux pour démarrer une nouvelle vie où l'on n'aurait encore vécu ni douleur ni chagrin d'amour ? En cultivant une langue étrangère dans laquelle on n'a ni chagrin ni mémoire, on peut enfin s'oublier [...] En débarquant dans un pays où je n'appartenais pas à un passé commun, ni à un groupe de personnes, ni à une langue, j'ai goûté à l'anonymat : il n'y avait plus autour de moi de repères, de modèles, d'exigences de représentation. J'eus le soupçon qu'en adhérant à cet état clandestin, j'aurais la chance d'entrevoir mon visage". 

"Si l'écrivain publie, c'est d'abord parce que la littérature a commencé par modifier sa propre vie. Il est un lecteur averti, qui sait qu'un livre, un seul, peut parfois changer la donne, transformer le regard, ouvrir des horizons, mobiliser des énergies inconnues, infléchir la direction d'une existence"

"Un livre, c'est une hospitalité qui est offerte, une sorte d'abri que l'on peut emporter avec soi, où l'on peut faire retour, un refuge où résonne l'écho lointain de la voix qui nous a bercés, du corps où nous avons séjourné"

mercredi 19 avril 2017

Abandons


Je profite de ce mois japonais chez Lou et Hilde pour découvrir des auteurs que j'ignore totalement comme Hiromi Kawakami. J'entre dans son univers par le biais de nouvelles.

Frôlements. Sakura et Mezaki ne se connaissent pas très bien mais sont allés manger des cigales de mer dans un lieu isolé. Ils boivent. Le restaurant ferme. Et les voilà ensemble dehors.
Abandons. Mori et Komaki jouent les amants en fuite. Ils se déplacent, gagnent un peu leur vie, bougent à nouveau.
Le chant de la tortue. Ils sont ensemble de puis longtemps. Elle l'admire. Elle le suit et lui est soumise. Elle ne fait rien d'autre. Et elle vit dans l'incomplétude, ne termine jamais rien. Et écoute le chant de sa tortue.
Pauvre petite. Une relation dangereuse, où l'on flirte entre eros et thanatos.
Le dindon. Elle l'aime. Il lui raconte ses histoires, notamment celle du dindon qui a élu domicile sur sa poitrine.
Cent ans. Des amants en fuite décident de se suicider. Mais lui ne meurt pas.
L'insecte-dieu. Elle reçoit d'Uchida, son amant, un insecte de métal. Mais Uchida et Tsubaki la désirent également...
Avidya. Ils sont amants depuis des centaines d'années et, immortels, poursuivent leur vie tranquillement. 

Je sors de cet ouvrage un peu étonnée, déboussolée. Ces nouvelles sont toutes curieuses, tranches de vie pas entières, relations bizarres, parfois malsaines. Les histoires et les relations de ces couples restent souvent esquissées, cotonneuses, sans contours. Et les atmosphères flirtent avec le glauque. Bref, je ne suis pas très emballée. 

lundi 17 avril 2017

La Gestalt : l'art du contact

Fourtou, Maison tombée du ciel, Lille 3000
On continue dans les lectures psy avec un livre de Serge Ginger. J'avais vaguement entendu parler du gestalt mais j'avais envie d'en savoir plus. Et puis, j'ai bien aimé le sous-titre "Nouvelle approche optimiste des rapports humains". 

Cet essai, très lisible par un public amateur, est parfois jargonnant, parce qu'il y a tout un vocabulaire avec cette pratique thérapeutique. C'est une approche globale de Fritz Perl, un juif américain, qui s'est diffusée aux USA, dans un climat de rejet de l'avoir pour retourner à l'être. 

Notre auteur résume les notions de cette méthode en 20 points : 
now and how, le processus, l'awareness, la frontière-contact, champ et système, l'ajustement créatif, le cycle de l'expérience, les gestalts inachevées, les résistances, l'homéostasie, la responsabilisation, l’expérimentation, le droit à la différence : l'originalité de chacun, l'attitude de sympathie, l'approche holistique de l'homme, les polarités complémentaires, l'implication émotionnelle et corporelle, l'agressivité, la créativité et l'imaginaire et enfin, l'individu dans un groupe. Yep, c'est parfois un vocabulaire spécifique.

Ce que j'en retiens : c'est une approche qui s'intéresse aux faits avant de s'intéresser à leur interprétation, mais qui s'intéresse aussi aux ressentis, aux attentes, à ce que cache ou évite le patient/client (oui, Ginger parle surtout de client), à son environnement. Le thérapeute n'est pas en retrait mais en échange avec le client, il dialogue avec lui pour le faire avancer. Il peut l'amener à mettre en scène des situations, à les théâtraliser pour les résoudre, le plus librement possible. 

Me voilà plus renseignée... mais comme souvent, j'ai l'impression qu'il faut pouvoir expérimenter pour comprendre vraiment ! Pas sûre de tenter un jour l'aventure...

vendredi 14 avril 2017

Une autre vie est possible

Cet essai de Jean-Claude Guillebaud invite à regarder notre réalité avec plus de bonne humeur, à chasser la morosité, à retrousser nos manches, et à changer les choses ! C'est vrai, quoi, si on n'est pas contents, pourquoi juste râler ? On peut agir aussi. 

Avec le premier chapitre, "Renverser la montagne" il s'agit de questionner le propos du livre. Pourquoi vouloir revaloriser l'espérance ? A quoi ça sert ce truc ? C'est pas un peu vieillot ? Et puis, c'est agaçant la morosité de nos contemporains, qui ne sont pas si mal lotis, lorsqu'on compare avec d'autres régions du globe. 

"Comment la flamme a faibli" se propose de suivre l'histoire de cette désespérance. Comment l'idéal européen a perdu de son attrait. Comment les grandes idéologies ont semé le doute.
"Quiconque se préoccupait de l'inégalité grandissante se voyait renvoyé au désastre communiste, voire au goulag"
"Le marché était jugé plus "raisonnable" que la politique, toujours soupçonnée de démagogie"
Bref, comment toutes nos jolies valeurs se sont retrouvées perverties, transformées, compromises à tel point que les grands mots ne déclenchent plus que méfiance ou haussement d'épaules. 

On enchaine sur "Un mensonge a chassé l'autre". Vaste programme. Après les mensonges du communisme, ceux du capitalisme érigé comme religion :
"Credo n° un : il est moins dangereux de défendre des intérêts que des convictions. Crédo n° deux : l'efficacité des marchés (on parle doctement de leur efficience) est supérieure à celle de la décision politique. Credo n° trois : l'intérêt général n'est rien d'autre que la combinaison concurrentielle des intérêts particuliers puisqu'"une société, ça n'existe pas" comme disait Margaret Thatcher. Credo n° quatre : il faut ramener l’État à un étiage minimal et privatiser le reste, y compris les anciens services publics"
 " Une société qui n'est plus "tirée en avant" par une valorisation de l'avenir, une société sans promesse ni espérance est vouée à se durcir. Ramené à lui-même et cadenassé sur sa finitude, le présent devient un champ clos. Y prévalent les corporatismes inquiets, les frilosités communautaires, les doléances, le chacun-pour-soi et le cynisme impitoyable"
 Mais "Comment la flamme fut mise à l'abri" va nous redonner un peu d'espoir. Oui, oui, la société va mal mais il y a pas mal de monde qui se démène pour que ça aille mieux. 
"L'extraordinaire effervescence du bénévolat est à la fois magnifique et politiquement embarrassante. Les bénévoles en sont conscients. En tempérant les cruautés de la société marchande, le mouvement associatif permet de panser les plaies, mais, du même coup, il aide le système à perdurer"
"Quand nous flanchons", c'est le moment nostalgie, le passage à vide, entre laideur du bitume et vide des campagnes. Mais on ne reste pas longtemps dans ce chapitre pour passer à "Un autre monde respire déjà". Il passe par des changements géopolitiques, le centre n'est plus seulement là où l'on le voit/le croit, par des changements dans l'échelle économique, par des progrès biologiques et numériques ainsi que par une révolution écologique. Yeah ! Il y a des perspectives, des outils qui vont nous permettre d'écrire une nouvelle page.
Puis interlude sur l'Europe "Qu'avez-vous fait du rêve européen ?" Réponse : une bureaucratie bien loin de l'utopie rêvée. 

"Souviens-toi du futur !" propose de renouer avec un projet commun, avec une vision réjouissante au lieu de râler ou de tout tourner en dérision :
"La parole prophétique bouleverse de fond en comble le sens de l'aventure humaine. La vie ne sera plus soumise au destin, à la fatalité, mais avancera en direction d'un projet [...] il n'y a pas d'autre destin que choisi et construit. Et cette construction s'enracine dans une tradition attentivement transmise et constamment revisitée". 
"Tous ces signes, mesures et indices sont autant de leurres. Ils colonisent notre esprit. Ils détournent notre attention des véritables questions : où allons-nous ensemble ? Quelle sorte de société voulons-nous construire ? Comment échapper à la violence de tous contre tous ?"
"Un pessimisme à front de taureau" et "Affaire de décision" montrent les effets pervers du pessimisme ambiant, du catastrophisme qui laisse croire que tout va toujours plus mal. Alors que nous pourrions choisir l'espérance !
"Ce que nous "ressentons", et qui alimente en continu notre pessimisme, ne correspond pas à la réalité, mais le ressenti l'emporte. La vérité, en somme, ne fait plus sens"
"L'optimisme retrouve une dimension réflexive et volontariste qui le rapproche de l'espérance. Il devient choix personnel, aventure intérieure, assentiment intime. Il n'est plus une simple tournure d'esprit ou une disposition à la bonne humeur. Comme l'espérance, il devient le moteur d'un engagement. Je propose d'appeler "optimisme stratégique" ce parti pris. Il est stratégique car il repose sur l'idée, mille fois vérifiée, selon laquelle le pessimisme est autoréalisateur"
Par quoi cela passe-t-il ? Certainement par un regard bienveillant et confiant sur le monde. Mais aussi par l'action pour ce en quoi l'on croit. Ces petits gestes qui semblent des riens mais qui changent le monde, qui nous changent.

"C'est la culture qui ne sert à rien qui, seule, rend une société capable de se poser des questions sur les changements qui s'opèrent en elle et de leur imprimer un sens" André Gorz

jeudi 13 avril 2017

Cy Twombly

Ce nom ne te dit rien ? Mais si, c'est le plafond bleu intense de la salle des bronzes grecs au Louvre. C'est cette peinture mythologique pleine de soleil. Regarde !

Cy Twombly, Coronation of Sesostris, 2000, Coll. Pinault
Cy Twombly, Coronation of Sesostris, 2000, Coll. Pinault
 Bien entendu, cette rétrospective te montrera que tout ne commence pas par la couleur et l'intensité des années 2000. Dans les années 50, Cy Twombly travaille à la mine de plomb sur des toiles beiges. Ce n'est pas forcément ce qui va retenir ton attention. Tu vas peut-être t'aventurer plus loin, (re)découvrir combien c'est un peintre classique, nourri de littérature et de peinture. Qui fait des clins d'oeil à l’École d'Athènes par exemple. Qui joue avec les couleurs, leur intensité. Parfois, c'est à la façon des ardoises couvertes de craie. D'autres, c'est comme du sang qui éclabousse la toile. 

Ton premier choc, ta première pause contemplative, un peu longue, parfois nauséeuse, sera sans doute devant les Nine discourses on Commodus. L'empereur Commode, qui est tout sauf cela. Cela commence doucement, avec ce fond gris, apaisant, ce nuage/cerveau blanc dans son quadrillage, qui se floute et se colore de rouge et de jaune, cachant cette forme blanche, s'accumulant et dégoulinant sur la toile. C'est une série qui te dérangera peut-être, qui te questionnera à coup sûr !

Tu t'attacheras peut-être aux sculptures, comme des faux marbres, aux photos. Ou tu t'arrêteras devant ces fenêtres de verdure et d'écume que sont Bassano in Teverina. 

Cy Twombly, Sans titre (Bassano in Teverina), 1985, Cy Twombly fondation
Cy Twombly, Sans titre (Bassano in Teverina), 1985, Cy Twombly Fondation
Mais d'autres surprises t'attendent. Il y a un cycle des saisons qui va t'attirer le regard. Qui va te donner envie de traverser la pièce. N'y cède pas, tu pourrais manquer le cycle 50 days at Iliam. Si tu es fan de l'Iliade ou de la Grèce antique comme moi, c'est un endroit que tu vas adorer. Le bouclier d'Achille qui tourbillonne, la colère et la tristesse du héros, les ombres qui errent après la guerre... Tu peux prévoir un peu de temps pour profiter de chaque œuvre et de la vue d'ensemble du cycle, de la violence à la mort. 

Cy Twombly, 50 days at Iliam, Shades of eternal night, 1978, philadelphia museum
Cy Twombly, 50 days at Iliam, Shades of eternal night, 1978, Philadelphia museum
Voilà, maintenant, tu peux te perdre dans les saisons. C'est une nouvelle pause. Ce qui t'attends derrière, c'est un autre cycle. Alors patiente un peu, tu vas passer de la Grèce à l'Egypte. Oui, dans le bain de soleil du début. Et l'abstraction des formes, explicitées par des mots, par des couleurs qui déclenchaient tant d'émotions en toi va s'effacer. Plus de petit nuage rageur d'un Achille en colère, d'éclaboussures sanglantes. Tu retrouves dans The Coronation of Sesostris le voyage d'une barque, tu devines des corps, tu te réchauffes devant le soleil éblouissant. C'est plus doux. C'est une traversée où l'on se laisse glisser, sans tempête. Mais pas sans nerfs. L'omniprésence du gribouillis, sur telle ou telle partie des cycles, rappelle le bouillonnement initial. 

Et puis, tu te glisseras dans les dernières salles, où l'on croise de glauques nymphéas, aux couleurs de chambre d'enfant. Tu verras Blooming, qui captive les visiteurs. Peut-être resteras-tu comme moi, coincé dans les toiles antiques, assommé par le choc des couleurs et la taille des œuvres suivantes. Et tu ressortiras en rêvant de replonger dans des lectures gréco-romaines... Bonne visite !

mercredi 12 avril 2017

Pays de neige

J'aime plonger de temps à autre dans l'atmosphère toute particulière de la littérature japonaise. Est-ce la langue ou la culture ? Toujours est-il que je m'y sens toujours un peu déplacée, bousculée. Il y a quelque chose de mystérieux et de beau dans les romans japonais que je croise et c'est à nouveau le cas avec cette oeuvre de Kawabata

Avec ce titre, il nous entraîne au pied d'une montagne, dans un établissement de bains où son héros, Shimamura, aime à venir se délasser de Tokyo. Il y vient et revient à différentes saisons, découvrant le lieu sous des jours différents. Il y a surtout rencontré Komako, une jeune et jolie geisha, attachante et spontanée. Et il surveille du coin de l’œil Yoko, une jeune fille qu'il a observé longuement dans le train pour accéder aux montagnes.

Dans ce roman, pas d'histoire à proprement parler, mais des rencontres, entre nos protagonistes. Des jeux et des échanges, subtils et discrets. Difficile de dire ce qu'il se passe entre eux. Mais ce n'est pas cela qui compte ici, c'est plutôt de prendre le temps, de s'imprégner d'une atmosphère, d'un rythme plus doux, de se soumettre aux saisons, au pas du marcheur...


lundi 10 avril 2017

150 petites expériences de psychologie pour mieux comprendre nos semblables

On ne cesse de diversifier nos lectures, n'est-ce pas ? En ce moment, je suis dans un mood très psycho et socio, et ce sont ces rayons de la bibliothèque qui on tendance à attirer mon attention. Nous voilà partis sur un essai de Serge Ciccotti. Ce dernier convoque des expériences de psycho pour répondre à 93 questions plus étranges les unes que les autres. 

Rodin; le penseurOrganisé en 7 chapitres, cet ouvrage de vulgarisation a pour objet de permettre de mieux comprendre comment nous fonctionnons, souvent de façon peu rationnelle et très instinctive. S'appuyant sur des recherches publiées (dans des revues sérieuses) sur le sujet et organisées, dont l'auteur nous dit qu'elle sont bien scientifiques, nous découvrons diverses facettes de l'homme.

L'ouvrage se déroule ainsi :

1. Perception, attention, mémoire et intelligence

2. Jugements, attributions et explications

3. Gestion de l'image de soi

4. Influence des schémas (stéréotypes, heuristiques) sur les jugements et les comportements

5. Influences sociales, pouvoirs et manipulation

6. Motivation, émotion et personnalité

7. Quelques différences hommes/femmes 

Parmi les questions amusantes, dans leur formulation, et intéressante dans les phénomènes qu'elles expliquent, j'ai noté : Pourquoi vos amis ne suivent-ils pas vos conseils et préfèrent-ils persister dans l'erreur ? Pourquoi tout ce que vous prédisez se réaliste-t-il si souvent ? Pourquoi regardez-vous sous votre lit après avoir vu l'exorciste ? Peut-on se laver la conscience avec du savon ? Pourquoi est-ce si difficile de sortir de la rue en chaussons ? Pourquoi l'oncle Picsou vit-il tout seul ? Les filles sont-elles plus disciplinées que les garçons devant un pot de fleurs ?

Je ne vais pas vous décrire les expériences en question mais sachez que c'est écrit de façon simple, ce n'est pas jargonnant ni planant, et ça peut parler à chacun puisque cela part de comportements classiques chez l'être humain. Bien entendu, c'est un livre à lire à petites doses, à feuilleter selon ses intérêts plus qu'à engloutir d'une traite. 

vendredi 7 avril 2017

Je résiste aux personnalités toxiques (et autres casse-pieds)

Ce petit manuel souriant de psychologie de Christophe André et Muzo décline sept personnalités difficiles à supporter : les narcissiques, les négativistes, les paranos, les histrioniques, les hyperactifs, les pervers et les passifs-agressifs. Vous croyez qu'ils s'acharnent contre vous ? Ne seriez-vous pas un peu parano ?

A travers des bd et des descriptions d'attitudes récurrentes des différents profils, le psychiatre et le dessinateur nous présentent avec humour tous ces casse-pieds. Ils nous donnent des clés pour les repérer et pour survivre à leur sale caractère.

Bien vu, accessible et sympa, voilà qui me permet de mettre des mots sur des comportements. A voir si je parviens à désamorcer les situations explosives car cela reste très basique et pas très scientifique.


lundi 3 avril 2017

Belle de jour

Gervex, Rolla, 1878
J'ai beaucoup aimé ce roman de Joseph Kessel. J'ai eu l'impression de lire une autre version de La petite dame de la grande maison. Ni pour les lieux, ni pour le thème, mais pour cette question de l'attirance sensuelle, au-delà de l'amour.

Séverine et Pierre Sérizy forment un joli couple. Il admire sa force et son énergie, elle est fascinée par son intelligence et sa douceur. Tout semble rouler. Mais dans la chambre conjugale, Pierre déplore la frigidité de son épouse. 
"Il met le goût de la chair jusque dans la folie et la mort. Et il n'y a pas d'art plus contagieux que le charnel. Tu n'es pas de mon avis ?
Comme elle tardait à répondre, il reprit pensivement :
-Tu ne peux pas savoir, c'est vrai".

Après une longue maladie, Séverine regoûte au monde. Elle vit de mondanités : diners, robes et promenades avec ses amies. C'est avec Renée qu'elle entend parler d'une jeune femme, Henriette, qui se rend dans des maisons de rendez-vous. Cela la trouble profondément.

Dans son entourage, elle est gênée par Husson, un ami de Pierre, qui aime la perversité, les jeux psychologiques. Lui, l'observe comme un petit animal curieux, endormi, qu'il cherche à stimuler. Mais il n'a pas vraiment besoin de le faire car Séverine est obsédée par cette idée des maisons de rendez-vous, à tel point qu'elle se rend dans l'une d'elles. Elle y sera connue comme Belle de jour. Et commence la découverte de la chair. Et le goût de l'avilissement, des ordres, de la brutalité. Et bientôt le plaisir charnel. 

Divisée entre ses sentiments pour Pierre et l'appel de ses sens, Séverine marche sur une corde raide. Et oscille entre l’apaisement et l'inquiétude d'être découverte, d'être entrainée toujours plus loin de sa vie bien rangée.

Est-ce par amour ou par haine des femmes et de la chair que Kessel écrit ce roman ? Avec ce roman, Kessel explore les tensions entre les sentiments et les sens, entre la tête, le cœur et le corps. Il crée une héroïne fascinante de naïveté et la suit le long de son apprentissage du corps, avec plus de bienveillance qu'Husson. L'engrenage qu'il nous présente est prenant pour le lecteur qui accompagne Séverine jusqu'à l'abime.