C'est un livre dont on m'a parlé. C'est un livre que j'ai vu. C'est un livre que j'avais noté sur ma LAL. C'est un livre de Clarissa Pinkola Estes que j'ai senti urgent de lire, il y a quelques semaines. C'est étrange.
C'est un livre dense. C'est un livre aux origines et influences diverses. Il parle de femmes, surtout. De femmes qui ont perdu la route de leur âme. De femmes louves, qui ont besoin de hurler à la lune, de créer, d'exister. Il s'appuie sur des contes, des rencontres, des analyses. Il plonge dans les mythes grecs, les contes mexicains, les rêves des femmes d'aujourd'hui. Il invite au courage, à la réalisation de soi, au repérage des prisons sociales et intérieures. Je l'ai lu d'une traite, ou presque. Et je pense que j'aurai envie de le relire. Alors certes, certains passages sont répétitifs. Certes, c'est plutôt symbolique et donc ça ne donne pas de solution toutes faites. Mais cela questionne et re-questionne. Qu'est-ce qui fait mon âme ? Que fais-je de mon âme ? Qu'est-ce qui me nourrit ou me pompe de l’énergie ?
Bien entendu, j'ai souligné des tas de citations, que je garde ici en mémoire. Elles ne vous intéresseront peut-être pas. Ou elles vous donneront envie de lire le livre...
Introduction. Chanter au dessus des os
"La vie sauvage et la Femme sauvage sont toutes deux des espèces en danger.
Au fil du temps, nous avons vu la nature instinctive féminine saccagée, repoussée, envahie de constructions. On l'a malmenée, au même titre que la faune, la flore et les terres sauvages. Cela fait des milliers d'années que, sitôt que nous avons le dos tourné, on la relègue aux terres les plus arides de la psyché. Au cours de l'histoire, les terres spirituelles de la Femme Sauvage ont été pillées ou brûlées, ses tanières détruites au bulldozer, ses cycles naturels forcés à suivre des rythmes contraires à la nature pour le bon plaisir des autres.
Ce n'est pas un hasard si les étendues sauvages de notre planète disparaissent en même temps que la compréhension de notre nature sauvage profonde s'amoindrit. On voit aisément pourquoi les vieilles forêts et les vieilles femmes sont tenues pour des ressources négligeables. Et si les loups, les coyotes, les ours et les femmes sauvages ont le même genre de réputation, cela n’a rien d’une coïncidence. Tous correspondent à des archétypes instinctuels proches. C’est pourquoi on les considère à tort, les uns et les autres, comme peu amènes, fondamentalement dangereux et gloutons.
Ma vie et mon travail en tant qu’analyse jungienne, poétesse et cantadora, gardienne des vieilles histoires, m’ont appris que l’on pouvait restaurer la vitalité faiblissante des femmes en se livrant à des fouilles « psycho-archéologiques » des ruines de leur monde souterrain. Ces méthodes nous permettent de retrouver les voies de la psyché instinctive naturelle et, à travers sa personnification dans l’archétype de la Femmes Sauvage, de discerner de quelle manière fonctionne la nature innée de la femme. La femme moderne est un tourbillon d’activité. On lui demande d’être tout, pour tout le monde. Il y a longtemps que la vieille sagesse n’a plus cours.
[...]
On éprouve cette aspiration à la Femme sauvage lorsqu'on croise une personne qui a établi cette relation sauvage, lorsqu'on prend conscience de s’est trop consacrée à la flamme mystique ou à la rêverie, au détriment de sa propre créativité, de l’œuvre de sa vie ou de ses amours vraies"
[...]
Désormais, si elles sont fatiguées à la fin de la journée, c’est suite à des tâches satisfaisantes, non parce qu’elles étaient enfermées dans un travail, un état d’esprit ou une relation amoureuse étriqués. Elles savent instinctivement quand les choses doivent vivre et quand elles doivent mourir. Elles savent partir, elles savent rester.
[...]
Le mot sauvage n’est donc pas utilisé ici en son sens moderne, péjoratif, d’"échapper à tout contrôle", mais en son sens originel de "vivre une vie naturelle", une vie où la criatura, la créature, a une intégrité foncière et des limites saines. Les mots femme et sauvage créent une métaphore qui décrit la force fondatrice de l’espèce féminine"
Les histoires
1. Hurler avec les loups : résurrection de la femme sauvage
2. Traquer l'intrus : un début d'initiation
"Dans Barbe-bleue, nous voyons comment une femme tombée sous le charme du prédateur se secoue et lui échappe - elle sera plus avisée la prochaine fois. Le conte traite de la transformation de quatre introjections qui sont autant de sujets de discorde pour les femmes : manquer de perspicacité, n'avoir ni vision propre, ni voix originale, ni action décisive. Pour bannir le prédateur, il faut ouvrir les choses ou nous-mêmes afin de voir ce qu'elles recèlent, user de notre perspicacité, de nos capacités pour supporter ce que nous découvrons, clamer la vérité à voix haute et nous servir de notre tête pour agir comme il se doit en fonction de ce que nous voyons"
3. Découvrir les faits au flair : le rétablissement de l'intuition en tant qu'initiation
"Tout ce que nous gagnerons à nous montrer simplement gentilles lorsque nous sommes opprimées, c'est d'être encore plus maltraitées. Une femme a beau avoir l'impression qu'elle va s'aliéner les autres si elle est elle-même, cette tension psychique là est nécessaire pour que l'âme se renforce et pour provoquer le changement"
"Toute femme sage fait le ménage de son environnement psychique, en gardant les idées claires et en veillant à la netteté du lieu où elle travaille, et réfléchit à ses projets.
Pour certaines femmes, cette tâche signifie qu'elles devront se réserver chaque jour un peu de temps pour la contemplation et garder propre un espace bien à elle, avec du papier, des crayons, de la peinture, des outils, des conversations, du temps, des libertés uniquement destinés à cet usage. Pour beaucoup, c'est la psychanalyse, la contemplation, la méditation, le choix de la solitude et autre s expériences de descente et de transformation qui vont procurer le temps et l'espace particulier à cette tâche. Chaque femme a ses préférences, sa manière à elle"
"Toutes les femmes qui se réapproprient leur intuition et les pouvoirs de Baba Yaga sont à un moment tentées de les rejeter. À quoi sert, en effet, de voir et de savoir tout cela ? La lumière du crâne ne pardonne rien. Les gens âgés apparaissent comme des vieillards, la beauté devient de la luxuriance, la sottise de l’imbécillité, l’ivresse de l’ivrognerie, l’infidélité de la trahison, les choses incroyables des miracles. La lumière du crâne est celle de l’éternité. Elle brille au front des femmes, comme une présence qui se porterait en tête et reviendrait leur dire ce qu’elle a vu. Elle est perpétuellement en reconnaissance.
Or, voir, sentir de la sorte oblige à agir sur ce que l’on découvre : une bonne intuition, un bon pouvoir, c’est du travail en perspective. […] Je ne vais pas vous mentir, il est plus facile, c’est vrai, de jeter au loin la lumière et d’aller dormir. Avec la lumière devant nous, nous voyons parfaitement tous les aspects de nous-mêmes et des autres, du disgracié au divin en passant par tous les états intermédiaires.
C’est pourtant avec cette lumière que viennent à la conscience les miracles de la profonde beauté du monde et des êtres. Elle permet de dépasser la mauvaise action et de voir le cœur rempli de bonté, de découvrir l’esprit délicat écrasé sous la haine, d’être compréhensive au lieu de ne pas comprendre. Elle peut faire la différence entre diverses couches de personnalité, d’intentions, de motivations chez les autres, entre conscience et inconscience, chez soi-même comme chez les autres. C’est la baguette magique de la connaissance, le miroir où l’on sent et où l’on voit toute chose. C’est la nature sauvage profonde"
4. Le compagnon : l'union avec l'autre
5. La chasse : quand le coeur est un chasseur solitaire
"La larme de compassion apparait lorsqu'on prend conscience de la blessure malodorante, dont l'origine et la forme diffèrent selon les personnes. Chez les unes, il peut s'agir d'une longue et pénible ascension effectuée jour après jour - jusqu'au moment où elles s’aperçoivent qu'elles ont escaladé la mauvaise montagne. Chez les autres, ce sont les abus subis dans l'enfance et laissés sans traitement d'aucune sorte. Ou bien ce peut-être une perte cruelle [...] Dans les contes de fées, les larmes changent les êtres. Elles leur rappellent ce qui est important et sauvent leur âme. Seule la sécheresse du cœur inhibe les larmes et l'union"
6. Découvrir sa vraie bande : les bienfaits de l'appartenance
"Si vous avez tenté, en vain, de vous couler dans un moule, réjouissez-vous plutôt. Vous êtes peut-être une exilée, mais du moins vous avez mis votre âme à l'abri. Lorsqu'on échoue à se conformer à quelque chose, il se produit un étrange phénomène. L'exilée que l'on chasse tombe sur ce qui forme sa véritable appartenance psychique, que ce soit des études, une forme d'art ou un groupe de gens. Rester auprès de ceux avec qui l'on n'a aucune affinité est pire que d'errer pendant quelques temps à la recherche des affinités d'âme et d'esprit dont on a besoin. On n'a jamais tort de chercher ce dont on a besoin, jamais"
"L'ultime tâche de l'exilée qui a retrouvé les siens va donc être non seulement d'accepter son individualité propre, son identité spécifique, mais d'accepter sa beauté... la forme de son âme et que la vie auprès de cette créature sauvage nous transforme, ainsi que tout ce qu'elle touche. Quand nous acceptons notre propre beauté sauvage, nous la mettons en perspective ; nous ne sommes donc plus douloureusement conscientes de son existence, mais nous ne devons pas pour autant la délaisser ou la rejeter"
7. Le corps joyeux : la chair sauvage
8. Instinct de conservation : identifier les pièges, cages et appâts empoisonnés
"Si l'on considère les différents aspects du conte de fées comme autant de composantes de la psyché d'une seule femme, il est visible que la réalisation des souliers rouges par l'enfant est un acte d'une importance cruciale : elle prend vie en passant du statut d'esclave/sans chaussures - marchant sans lever le nez, ni regarder autour d'elle - à une conscience qui va s'arrêter un moment pour créer, une conscience qui remarque la beauté, éprouve de la joie, de la passion, connait l'assouvissement et tout ce qui constitue cette nature intégrale que nous appelons sauvage.
La couleur rouge des chaussures indique que le processus va être celui d'une vie palpitante, où le sacrifice est inclus. Il doit en être ainsi. Ces chaussures sont faites à la main, à partir de bouts de tissus, ce qui signifie que l'enfant, orpheline pour une raison ignorée, est le symbole de l'esprit créateur qui a pu les réaliser en suivant son instinct, sans que personne ne le lui ait appris"
"La joie simple des souliers rouges est submergée par le scénario du carrosse doré. On pourrait bien sûr voir là la quête d'un confort matériel, mais il s'agit le plus souvent de l'expression du désir psychologique de ne plus avoir à lutter autant pour arriver à créer [...] Nous devons veiller à conserver notre lien avec le sens, la passion, la nature profonde, c'est essentiel pour notre psychisme. De nombreux éléments essaient de nous enlever nos souliers rouges, des choses aussi simples que se dire : "Plus tard, je ferai ceci ou cela, je danserai, planterai, embrasserai, trouverai, apprendrai, nettoierai, plus tard..." Ils sont autant de pièges"
"La vieille femme en prenant l'enfant avec elle, permet à l'attitude sénescence de détruire la nouveauté, l'innovation, au lieu de lui donner force [...] cette valeur unique se fonde avant tout sur le respect de l'opinion collective, ce qui va étouffer les besoins de l'âme sauvage individuelle"
"Il est de la plus grande importance de mettre sa vie et son esprit à l'écart de l'uniformisation de la pensée collective et de développer des talents qui lui sont propres, car elle va ainsi éviter que son âme et sa psyché ne glissent vers la servitude [...] Il est important de garder les yeux ouverts et d'évaluer soigneusement toute proposition d'une vie plus facile, libre de tout souci, surtout si on nous demande en échange de laisser notre joie créatrice périr dans les flammes au lieu d'allumer notre propre feu"
9. Rentrer chez soi : retour à soi-même
"Elle croit faire ce qu'elle a décidé, mais entre ses mains le trésor est tombé en poussière. Ce mécontentement est un signal d'alerte, il est l'ouverture secrète sur un changement vers une vie porteuse de sens"
10. L'eau claire : nourrir la vie créatrice
11. La chaleur : retrouver une sexualité sacrée
12. Marquer le territoire : les limites de la rage et du pardon
13. Cicatrices de guerre : faire partie du clan des cicatrices
14. La selva subterranea : initiation dans la forêt souterraine
15. Suivre comme une ombre : canto hondo, le chant profond
"Nous quittons cette terre sauvage pour enfiler nos vêtements diurnes, nos vies diurnes, pour nous installer devant nos ordinateurs, nos fourneaux, nos livres, nos professeurs, nos clients. Nous soufflons le Sauvage dans notre profession, nos décisions, notre travail artistique, nos opinions politiques, nos projets, notre commerce, notre vie de famille, notre éducation, nos libertés, nos droits, nos devoirs"