jeudi 29 août 2019

ça sera comme ça et autres pièces courtes

C'est un recueil de petites scènes par Claire Lasne Darcueil. 

ça sera comme ça : est composé d'interviews de jeunes femmes : comment voient-elles leurs vies ? Quels sont leurs rêves ? Les réponses attristent ou effraient...
Georges Marchall : il s'est marié et remarié. Et vient de planter la dernière amoureuse au pied de l'autel.
La consultation : Elle est chez le médecin. Et les rôles s'inversent.
La demande : C'est le matin de leur mariage. Ils s'avouent ce qu'ils se cachaient depuis le début de leur relation.
La  visite : Il visite la maison. Il s'y est visiblement passé quelque chose de grave. Elle lui fait visiter. On ne sait pas qui elle est.
Toi et moi : Ils attendent un train. Ils parlent d'eux à la troisième personne. C'est bizarre de laisser passer les trains.
Bach, toi et moi : Elle joue de la musique. Il est sur la table d'opération.

Ces textes courts, souvent sous forme de dialogues, sont ajustés et drôles. C'est clair, court, ça va droit au but. On est presque dans une nouvelle avec les points de suspension qui closent certaines scènes. Chouette à lire, doit l'être plus encore à voir jouer. 


lundi 26 août 2019

Un long chemin vers la liberté

Nelson Mandela est un homme que j'admire et ça faisait longtemps que je souhaitais lire son autobiographie. C'est désormais chose faite, même si n'a pas été sans mal. A vrai dire, j'ai trouvé ça long. Mais édifiant !

Cette autobiographie retrace le parcours de Mandela, depuis son enfance jusqu'à son élection comme président en 1994. Né à la campagne, éduqué pour devenir conseiller royal, il fuit un mariage arrangé pour poursuivre des études de droit à Johannesburg où il travaille pour devenir avocat. Il s'engage bientôt dans le Congrès national africain (ANC) pour soutenir les droits des africains - et des métis - et réclamer le droit de vote. C'est, je crois, la partie que j'ai trouvée un peu longue : les manifestations, les déplacements, la création de la charte pour la liberté et les arrestations. On est encore dans la non-violence jusqu'aux années 60 où Mandela part se former pour mener des actions de sabotage et introduire la lutte armée par l'ANC. Puis c'est l'arrestation, le procès de Rivonia et l’incarcération à Robben Island. Là, tu t'inquiètes du nombre de pages qu'il reste. Et en fait, il se passe plein de choses en prison. Le racisme y sévit autant qu'à l'extérieur, les sujets de lutte sont toujours là. Et Mandela ne renonce pas. C'est dingue cette force, cette persévérance ! C'est d'ailleurs là qu'il commence cette autobiographie. Enfin, les dernières pages parlent des négociations, entamées sous la pression internationale, et menées avec tact et discrétion par Mandela et le gouvernement. C'est un jeu de finesse pour parvenir à faire tomber l’apartheid. On ne saura pas comment se vit l’accession au pouvoir et le démantèlement d'un système oppressif. 

Ecrit avec beaucoup de précision et de détails, notamment sur tout ce qui est politique, cette autobiographie fait surtout ressortir la puissance du personnage. On ne saura rien ou presque de sa vie personnelle, de ses sentiments, c'est très factuel et donc assez froid. Heureusement, quelques pages, dont les dernières, laissent transparaître l'homme et ses valeurs derrière ses actes et déclarations. Édifiant comme je le disais !

" J’ai toujours su qu’au plus profond du cœur de l’homme résidaient la miséricorde et la générosité. Personne ne naît haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de son passé, ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer, car l’amour naît plus naturellement dans le cœur de l’homme que son contraire. Même aux pires moments de la prison, quand mes camarades et moi étions à bout, j’ai toujours aperçu une lueur d’humanité chez un des gardiens, pendant une seconde peut-être, mais cela suffisait à me rassurer et à me permettre de continuer. La bonté de l’homme est une flamme qu’on peut cacher, mais qu’on ne peut jamais éteindre". 

mercredi 21 août 2019

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Voilà un joli pavé lu en quelques jours seulement - quelques jours de vacances. Retrouvailles heureuses avec Paul Auster, beaucoup lu ado. Retrouvailles autour d'un jeu enfantin et très humain : "que se passerait-il si ?". Jeu décliné quatre fois avec les quatre vies d'Archie Ferguson, héros de ce roman.

Premier chapitre, tout va bien. La famille d'Archie arrive aux USA en 1900, et la seconde génération y demeure, les parents d'Archie se rencontrent - Rose et Stanley. Ensuite, c'est plus Archie que ses parents que l'on suit. Archie qui, au fil des chapitres, va vivre quatre vies différentes. Différences et choix qui semblent mineurs au départ, mais qui très vite entrainent des vies assez éloignées. Et à travers la vie d'Archie, une bonne page de la vie de l'Amérique s'écrit : guerre du Vietnam, assassinat de JFK, chasse aux sorcières du communisme, racisme, révoltes étudiantes. C'est aussi l'histoire culturelle et sportive à travers les films (de Laurel et Hardy mais aussi une quantité astronomique d'autres) et les matchs de base-ball ou de basket. Bref, c'est un livre planté dans son temps.
Mais ce n'est pas ce qui m'a le plus intéressée. J'ai plutôt chassé les différences et les similitudes de la comédie humaine, les personnages qui jouaient dans les vies d'Archie, à commencer par l'immanquable Amy, l'amie, la soeur, l'amour. Mais aussi Rose, la mère, Gil, beau-père ou ami de la famille… Et les personnages secondaires.
J'ai aimé aussi l'apprentissage de l'écriture, journalistique ou littéraire. On retrouve là aussi des clins d'oeil à des oeuvres antérieures, des petites musiques ou anecdotes qui résonnent.
"Comme ton cher ami Edgar Poe l’a conseillé un jour à un écrivain en herbe : Soyez audacieux - lisez beaucoup - écrivez beaucoup - publiez peu - tenez-vous à l’écart des petits esprits - et n’ayez peur de rien."

Jeu littéraire qui me fait penser à Perec ou à Balzac - la langue en moins, jeu semi autobiographique certainement - relation à la France, écriture, base ball, yiddish, etc., jeu pour le lecteur qui se laisse entrainer dans ce drôle de puzzle (à moins qu'il ne choisisse de prendre des notes pour s'y retrouver, ce qui perdrait du charme de la lecture), jeu mené d'une main de maître par Auster qui nous livre la clé de son oeuvre avant de la clore :
"Il suivait toujours les deux routes qu’il avait imaginées quand il avait quatorze ans, il marchait sur les trois chemins en compagnie de Lazlo Flute et tout du long depuis le commencement de sa vie consciente il avait le sentiment persistant que les embranchements et les routes parallèles que l’on a pris ou pas étaient tous empruntés par les mêmes personnes au même moment, les gens visibles et invisibles et que le monde réel ne pouvait jamais être davantage qu’un simple fragment du monde car le réel se composait aussi de ce qui aurait pu arriver mais ne s’était pas produit, qu’une route n’était ni pire ni meilleure mais le tourment de vivre dans un corps singulier faisait qu’à tout moment on ne pouvait se trouver que sur une seule route même si on aurait aussi bien pu se trouver sur une autre, en train de se diriger vers un but complètement différent"

lundi 19 août 2019

Ma double vie

Ce titre était sur ma LAL depuis des années ! La vie de Sarah Bernhardt - et sa façon de la raconter - m'intriguaient fortement. Au hasard d'un tour en biblio, je tombe dessus et ni une, ni deux, je le dévore. Bon, je suis aussi restée sur ma faim, car j'attendais quelque chose autour de la double vie... et c'est surtout sa vie publique que Sarah conte.

Petite fille sauvage, fragile, colérique, espiègle, Sarah veut être bonne sœur. Elle sera finalement actrice, contre son gré. Avec elle, on fait le tour des théâtres de Paris, à toute vitesse. Les succès, les échecs, les étudiants qui la soutiennent, les veilles tragédiennes qui la détestent, les écrivains, la Comédie Française, bref tout le petit monde du théâtre de fin du XIXe siècle. On la suit dans ses passions et ses éclats, comme infirmière, sculpteur ou actrice. Par contre, on ne saura pas grand chose de sa vie personnelle : sa mère et ses sœurs apparaissent, son parrain, ses tantes... mais les amours de la belle restent mystérieux, à tel point qu'un petit Maurice est mentionné sans qu'on ne nous présente un père ou une vie amoureuse. Idem sur le plan politique : on comprend qu'elle aime Napoléon III et que la Commune n'est pas du tout son truc. Mais c'est tout. C'est surtout le théâtre qui est au coeur, et Sarah qui parle d'elle, de ses occupations, de ses rôles, de ses tournées, en Amérique et en France. C'est une aventure à toute allure mais il lui manque de la profondeur, des sentiments, du personnel finalement. On ne sait rien d'elle si ce n'est ce qu'elle montre. Dommage !


jeudi 15 août 2019

Salina

Zéro esprit critique quand je lis Laurent Gaudé. C'est comme si je retrouvais un univers dans lequel tout est à sa place. Pourtant, ses ouvrages sont tout sauf reposants ou doux. C'est âpre, c'est violent. Je crois que c'est surtout la voix de l'auteur qui me plait, son côté épique, comme dans les contes et légendes. C'est d'autant plus vrai avec ce titre qui est véritablement pensé comme un conte.

Avec Salina, plongée dans l'Afrique des sables et du désert, il fait chaud, on marche sous le soleil, loin des hommes. 
Un bébé est abandonné par un cavalier, pleurant et criant, sous un soleil de plomb, devant la tribu des Djimba. Le face à face dure toute la journée. Au crépuscule, les hyènes approchent mais ne touchent pas l'enfant. Une femme se précipite pour le recueillir. 
Ce bébé, c'est Salina, que l'on retrouve à quelques jours de sa mort, marchant dans le désert. Et ce sont les seuls moments où on la verra vivante. Le reste de sa vie, c'est son fils Malaka qui la dira lors de trois soirées vers un cimetière qui n'ouvre ses portes qu'aux morts qu'il choisit. Trois nuits sur des barques remplies de citadins qui aiment les histoires et où Malaka se fait conteur d'une histoire de violence, d'amour, de vengeance et de mort. Une histoire de trois enfants, comme trois moments de la vie d'une femme bannie et mystérieuse. Une histoire de femme luttant pour sa vie dans une tribu patriarcale où elle reste étrangère. Splendide !


lundi 12 août 2019

La trahison des dieux

C'est une relecture d'un livre de Marion Zimmer Bradley lu à l'adolescence. Vous le savez, j'aime ce qui tourne autour des mythes, et plus spécialement de la guerre de Troie. C'est avec joie que j'ai recroisé le personnage de Cassandre, au centre de ce roman. 

Cassandre, c'est la fille de Priam et Hécube, prêtresse d'Apollon, condamnée à voir l'avenir et à le raconter, sans jamais être crue. Élevée chez les amazones, c'est aussi une guerrière et une guérisseuse. Et bien sûr, c'est une amoureuse - inévitable, chez Marion Zimmer Bradley. Ce qui est chouette dans ce roman, c'est de suivre un personnage très incarné et vivant, alors qu'il est plutôt discret dans d'autres textes. Le revers, c'est qu'Hector est humanisé aussi et devient un mec qui se la pète. Tout comme Achille. Bon, remarque, Achille était déjà relou à bouder dans sa tente dans les sources antiques. 

L'écriture par contre n'est pas dingue, faut pas s'attendre à de la grande littérature. Mais c'est entraînant, ça me plonge dans l'Antiquité... et voilà !


mercredi 7 août 2019

Faire écrire les enfants

C'est typiquement le genre de livres que je ne mentionne pas habituellement ici, je me dis que ça n'intéresse personne. Mais celui de Faly Stachak m'a tellement plu que j'ai envie de vous en parler. Il s'adresse aux enfants mais ça marche aussi pour les plus grands ! 

Sous-titré "300 propositions pour écrire des histoires", c'est un joli petit ouvrage qui propose plein de petits exercices et jeux d'écriture, répartis en plusieurs thèmes : histoires du réel, le monde de l'imaginaire, jeux d'écriture à plusieurs mains, comment écrire ton histoire. L'auteur propose des pistes d'écriture : un petit hyène qui détestait la viande s'enfuit du terrier un jour de chasse. Où va-t-il ? Qui va-t-il rencontrer ? etc. Il y a aussi des petits jeux d'inventaires et de listes, des jeux de sons, de mots, des jeux à plusieurs façon cadavres exquis, bref, plein de ressources pour braver les pages blanches !


lundi 5 août 2019

Le dernier gardien d'Ellis Island

Après la belle découverte de Gaëlle Josse, je sors de ma PAL des titres plus anciens. Celui-ci n'a pas eu autant d'intérêt pour moi que le premier, peut-être parce que le sujet ne m'enthousiasmait qu'à moitié. 

Nous sommes à Ellis Island, auprès de John Mitchell, responsable du site, à quelques jours de sa fermeture. Et celui-ci, en rangeant ses derniers papiers, en faisant une fois de plus le tour de ces bâtiments où il a vécu toute sa vie, se livre aux souvenirs. Il écrit un journal posthume des lieux - et de sa propre vie, si attachée au lieu qu'elle ne semble pouvoir continuer loin de lui. On croise des figures aimées, Liz, son épouse et son frère, des collègues de travail, des migrants anonymes, sauf une, la sombre Nella. 
C'est toute la vie de l'île qui jaillit sous sa plume : les foules anonymes et craintives, fatiguées et sales, les fonctionnaires qui les trient et les questionnent… Et John, dans sa tour d'ivoire, faisant tourner la machine américaine sans trop se mouiller. En oubliant parfois les singularités derrière la masse débarquée. Quelques rencontres plus particulières sortent du lot. Quelques noms et visages pour 45 ans de service.

Quelle plaisir de retrouver la plume précise et ciselée de l'auteure pour nous raconter cet homme, ce lieu, cet esprit des lieux entre histoire et imaginaire.