Un peu de poésie arabe, je crois que c'est ma première fois. Adonis dans ce recueil, m'ouvre les portes d'une poésie amoureuse, langoureuse, qui parle des corps et de la passion, du désamour et du manque. Composé de plusieurs recueil, cet opus comporte La forêt de l'amour en nous, Les feuillets de Khaoula, Commencement du corps fin de l'océan et Histoire qui se déchire sur le corps d'une femme. J'ai aimé ses jeux avec les lettres arabes, ce lexique de l'amour.
Si la dernière partie, poème à plusieurs voix, aux airs d'épopée maritale ne m'a pas convaincue, à part ces vers "l'herbe est lignes, La terre un cahier et je suis l'encre de ce lieu" d'autres poèmes ont marqué mon attention. En voici quelques uns !
Corps qui veille : masque
Dois-je jeter un pont
Entre le feu qui embrase mon corps
Et l’argile des mots
Pour traverser la traversée des désirs ?
Qui suis-je? Tu demandes
La réponse est mon corps
Tu connais ses légendes
Mon corps ce voyageur
Dans un nuage de terre
Les larmes suspendent leurs miroirs cassés
Sous ses cils
J’étreins le tronc. Nuit
Et les étoiles déplacent leurs troupeaux
Dans les prairies. Comme moi, le ciel
A la nostalgie du tronc
Un olivier
Fruit est sa taille
Fruits, sa poitrine
Fruits, ses seins
J’étreins le tronc. Nuit
J’offre mes mains à ses passions
Un rêve dans lequel j’erre
Et qui erre dans mes yeux
Son amour : nuage
Qui s’évapore de cet océan
Dessiné par la tragédie
Seule - Le thé est sans saveur. Nous en avons bu hier. Il était exquis.
Mon amour -
respire par le poumon des choses
accède au poème
dans une rose dans un rai de poussière.
Il confie ses états à l'univers
comme le vent et le soleil quand il fendent la poitrine du paysage
versant leur encre sur le livre de la terre.
Je n'aime pas les lettres
Je ne veux pas de cette insomnie pour notre amour
ni qu'il soit trainé par les mots.
Je n'aime pas les lettres
Je ne veux pas que nos corps voyagent
dans une barque de papier.
Mes chemins m'ont apparentée à toi, mes chemins vers toi
sont ruines et déserts.
Je ne puis arriver
mon lieu est étrange.
Même les saisons se sentent en pays inconnu entre ses jours.
Prends-moi par la main
donne-moi de nouveau la tienne
je n'arrive pas.
Revenons
aux rues qui furent notre refuge un jour.
Regardons
le monde s'ancrer dans nos respirations, le temps aller et venir
dans les fenêtres brisées.
Nous marchons sur le miroir de nos pas
dans le lexique des feuilles mortes.
Pas d'autre bruit que celui de nos pieds
nous marchons dans les plus hauts jardins.
Maintenant je blesse un rêve et m'interroge : un rêve peut-il saigner ?
Pourtant
rien entre mes paupières et mes rêves
ne pouvait le démentir.
J'ai dormi dans les draps de mon amour
voué à ses déesses
était-ce ton cœur qu'elles ont blessé ou le mien ?
Le plus beau en toi : tes larmes
entre les vagues
voguent les navires.
J'ouvre dans mes paumes des chemins sur leurs traces
puise mon encre dans le halètement de leur source
et écris !
les larmes de la femme que j'aime sont blessures à la langue de l'espace.
Je visiterai les lieux de l'été après notre départ
entre les rivages d'Ulysse, dans la nuit de Delphes et le soleil d'Hydra.
Je marcherai comme je marchais
laissant aux fleurs le pouvoir d'éveiller le parfum de nos rencontres
C'est sûr
qu'elles me demanderont de tes nouvelles. Qu'es-tu devenue ?
où es-tu ? quel est ton visage maintenant ?
Mais que leur dire
les saisons ont effacé les saisons.
J'ouvre la porte au vent
il visite les dessins suspendus
effleure leurs contours
puis baille et s'en va le dos courbé.
Notre amour n'était pas là, ses spectres
ont emporté tout ce qu'ils avaient dessiné sur
le lit, les coussins, la poignée de la porte
sur son cadenas avant de disparaitre.
Ai-je tout imaginé ? Pourtant
un nuage a tout confirmé
un nuage qui passe à l'instant.
Pas de vent visiteur personne pour dire à ces dessins
comment raconter les légendes
comment s'écrit l'histoire de ces nuages.
Souvent la nuit
j'inspecte ma maison, allume les lampes
mais elles n'éclairent pas
j'ouvre les fenêtres, mais
elles n'éclairent pas
trouverai-je une lueur dans la porte ?
je cours vers la porte, la supplie, mais
elle n'éclaire pas
l'obscurité en ces lieux est blessure
même guérie elle continue à saigner.
Ô amour
d'où vient la lumière
quand le ciel trahit le ciel ?
Cela te console que les nuages arrivent partent
laissent la place à d'autres nuages ?
Cela te console de savoir que les tombes sont des demeures
et qu'entre leurs murs les hommes sont égaux ?
Cela te console que l'œil ne voit
que ce qui a été dessiné par les nuages ?
Ma consolation : c'est que le lieu d'où je viens
continue de confier ses secrets au
temps, et que le temps auquel j'appartiens
ne cesse de renouveler ses couleurs
de feuilleter les pages
du livre des arbres.
Nos deux corps
un seul temple mes pas vers sa porte sont aussi les siens
pas une seule fois je n'ai voulu
pas une seule fois elle n'a voulu
être reine
et que je sois prisonnier
alors que je suis captif de la mémoire.
Celle-ci est le point central de la numération de mon amour
de sa calligraphie
de ses formes.
ن nun
Il est rare
que l'errance regroupe ses vieilles carioles
et les tire entre ses membres
de sa lumière la lune tissait un oreiller
le conviait à s'y appuyer
la nuit étendait ses vêtements autour de lui, sur les arbres
alors qu'il était à l'écoute du halètement des fleurs qui s'ouvraient.
Ils prétendent que je ne fus créée que pour être le récipient
du sperme comme si j'étais seulement champ et labour,
que mon corps n'est fait que de menstrues et de vomi
et que ma vie coule,
mime parfois, et parfois cri.
Pour quelle raison alors le monde écrit-il ses secrets
avec les mains d'un amant ?
Et pourquoi les prophètes naissent-ils tous
dans la couche d'une femme ?