Je poursuis ma période Pastoureau avec ce titre, consacré à l'histoire de la couleur bleue de l'Antiquité à nos jours.
Après les mises en garde et la contextualisation de rigueur sur la difficulté d'écrire cette histoire, nous plongeons dans l'Antiquité pour constater que le bleu en est absent. Certes, il existe bien dans les décors de lapis-lazuli ou d'azurite de l'Egypte et de l'Orient. C'est une couleur bénéfique, associée à la protection du mort. Mais chez les Grecs et les Romains, c'est à peine si le terme existe. Jusqu'à la fin du Haut Moyen Age, le bleu reste discret. Son émergence progressive est liée à son assimilation à la lumière et au ciel. Il devient donc la couleur de la Vierge, reine du ciel. Mais s'il se trouve dans l'art, cela ne signifie pas qu'il devienne une couleur du quotidien. Au contraire, le bleu est repris par les grands personnages : le roi de France l'introduit dans ses armoiries "d'azur semé de fleurs de lis d'or" au XIIe siècle, bientôt suivi par sa noblesse. Mais le rouge a toujours la primauté, notamment dans le textile. Les teinturiers du rouge et du bleu ne sont d'ailleurs pas les mêmes et tentent de se nuire les uns aux autres. Le rouge devient l'un des opposés du bleu, de la même façon que le blanc s'oppose au noir et au rouge.
Au XVe siècle, le noir domine. C'est la couleur morale et riche par excellence, un noir profond mais vertueux. A celui-ci s'opposent les couleurs vives, qui permettent d'identifier les êtres à l'écart de la société : prostituées, juifs, acteurs, etc. Des règlements ont même été mis en place dans beaucoup de cités qui attribuent à chacun sa couleur. Le noir, c'est aussi celui de la Réforme. Les protestants se posent la question de l'art et des couleurs, détruisant ce qu'ils trouvent trop vif ou trop riche. Parmi les couleurs qui trouvent grâce à leurs yeux, le bleu. Celui-ci demeure et se nuance dans les pays protestants, pensez aux bleus de Vermeer par exemple (qui, même s'il était catholique vivait en territoire protestant).
Mais c'est au XVIIIe siècle que le bleu s'impose. D'abord dans le vêtement avec la teinture à l'indigo qui remplace la guède. C'est aussi la couleur de Werther, qui influence toute l'Europe. Le bleu n'est plus uniquement une couleur mariale, c'est la couleur de la mélancolie, de l'amour blessé, du rêve... et du blues. Et dès la fin du XIXe siècle, le bleu c'est le jean, le pantalon des travailleurs avant d'être celui du jeune des années 70 et l'uniforme des années 90.
A travers des exemples précis et bien datés, M. Pastoureau nous fait voyager dans le temps afin de déterminer les moments phares de cette couleur en occident. Il s'intéresse à la fois à sa construction symbolique (bleu marial, bleu royal, bleu conservateur), artistique (vitraux, peinture), historique (de l'inexistence à l'omniprésence) et matérielle (pigments). Une lecture passionnante !
A noter : un excursus passionnant sur le drapeau français.
Vermeer, Femme lisant une lettre, 1663 |
Il est dans ma wishlist. J'avais bossé à une époque sur son ouvrage sur l'héraldique et la symbolique des couleurs, c'était... lumineux !
RépondreSupprimerCela ne m'étonne pas, c'est très fluide comme lecture.
SupprimerCoincidence, j'ai noté récemment cet auteur (pour un livre sur les rayures, mais les autres ont l'air à lire aussi!)
RépondreSupprimerOui, beaucoup de ses écrits valent le détour !
SupprimerTu as dû apprendre pleins de choses.
RépondreSupprimerOh oui !
Supprimer