Si l'expo Van Gogh/Artaud m'a semblé un peu expédiée, je suis charmée par cette rétrospective autour du sculpteur de la Danse de l'Opéra Garnier. A travers un parcours fluide sur 10 salles, nous redécouvrons les créations de Carpeaux, de ses croquis à ses commandes officielles.
Carpeaux, La rieuse, 1873, |
On commence avec la formation du sculpteur dans l'atelier de Rude, ses difficultés à décrocher le prix de Rome, son séjour en Italie où il découvre les sculptures de Michel-Ange. Est déjà en germe cette ambivalence entre sujets plaisants et coquets, comme le Pêcheur à la coquille, et thèmes sombres, comme Ugolin. L'histoire de cette sculpture, qui a hésité entre la ronde bosse et le relief, entre le marbre et le bronze et dont le nombre de figure a beaucoup varié, est documentée par des esquisses nombreuses. C'est moins le cas d'autres projets comme la Danse, la Fontaine de l'observatoire ou le décor du pavillon de Flore au Louvre. On retrouve par contre ces mêmes hésitations pour la statue de Watteau à Valenciennes.
Carpeaux est un homme très occupé. Outre sa participation à divers concours pour des monuments publics, il produit énormément de portraits et passe du temps à la cour impériale : il saisit à grands traits les séries des Compiègne. Il y réalise notamment le fabuleux portrait en pied du prince impérial : celui-ci y apparaît comme un jeune garçon sympathique, au regard doux et intelligent. Comme son Pêcheur à la coquille ou sa Jeune fille à la coquille, cette statue est destinée à être reproduite et vendue, déclinée dans divers matériaux et à différentes échelles.
Mais c'est véritablement dans l'art du portrait, inspiré du XVIIIe siècle galant, que le sculpteur excelle. D'une grande vivacité, ses bustes sont à la fois fidèles (à tel point qu'une commanditaire refuse son portrait qu'elle juge trop marqué par l'âge) aussi bien dans les traits du visage que dans le détail des vêtements et d'un abord chaleureux et amical. Le portrait d'Amélie de Montfort apparaît sensible et délicat, donnant à la jeune fille un air rêveur. Par contre, dans le genre de l'autoportrait, que pratique régulièrement Carpeaux, le sculpteur est beaucoup moins indulgent avec lui-même qu'avec ses clients. Il y apparaît dur et exigeant. Son côté sombre et romantique, déjà perceptible dans Ugolin est d'ailleurs mis en lumière dans une partie de l'exposition (dessins de têtes coupées, scènes de combats).
Celle-ci se clôt ensuite sur les figures dansantes et souriantes de la Danse et de la Fontaine de l'Observatoire, saluant la liberté et l'équilibre de ses figures (qui choquent).
C'est une belle rétrospective qui propose des analyses détaillées d’œuvres clés du sculpteur et qui rend bien la diversité de ses activités (figures religieuses, portraits, décor architectural, etc.). Une incursion dans l'intimité du personnage, dans ses rapports avec sa famille et avec ses contemporains, est également bien documentée sans plonger dans l'interprétation psychologique. Il ne manque qu'une partie sur ses suiveurs, la façon dont il a pu ou non inspirer d'autres sculpteurs. Rodin est cité au détour d'un cartel mais qu'en est-il de Dalou (et d'autres ?). Par ailleurs, il serait intéressant de poursuivre cette exposition par "Carpeaux, peintre" puisque le sculpteur a aussi beaucoup barbouillé. Quelques toiles sont présentées mais elles ne montrent pas la variété des sujets retenus par le sculpteur. Mais dans l'ensemble, c'est une expo bien construite qui complète la connaissance de cet artiste.
Déjà repérée... On en a parlé sur France Musique.
RépondreSupprimerElle vaut le détour !
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