Oui, l'humanitaire est un sujet qui me questionne en ce moment. Entre le roman de Rufin et les VSI, ça commence à faire pas mal de lectures sur le sujet en peu de temps !
Pierre Micheletti, président de Médecins du Monde entre 2006 et 2009, s'interroge sur la dégradation de l'image de l'humanitaire, sur la violence et de la méfiance envers les ONG. Il explore le contexte des interventions, les scandales et les difficultés auxquels sont confrontées les associations.
Voilà comment cet ouvrage s'organise.
I. La remise en cause
1. Quand les rôles de chaque intervenant se brouillent
2. Quand l'amateurisme se heurte à la complexité
3. Quand la religion devient une cause d'insécurité
4. Quand la violence mêle les luttes politiques et les rivalités ethniques
5. Quand la transparence financière fait débat
6. Quand la connaissance du terrain est indispensable
II. Le refus du modèle occidental
7. La disparité des organisations
8. La génération des "sans frontières"
9. Les French doctors : l'exportation d'un modèle
10. L'humanitaire et les médias : une dépendance croisée
11. La puissance symbolique et son envers
12. Un lourd parfum d'Occident
13. Bernard Kouchner, une paternité dangereuse
14. Vers un nouvel équilibre
15. Le dogme du "choc des civilisations"
16. Gaza, prison à ciel ouvert
17. La lutte contre le sida : un piège humanitaire
III. Pour une métamorphose
18. Comprendre et expliquer
19. Affirmer son identité
20. Faire évoluer ses pratiques
21. Vers un humanisme mondial
22. Agir ici et faire changer là-bas
Je ne vais pas entrer dans le détail de la première partie qui revient sur les difficultés et les scandales qui ont éclaboussé le monde humanitaire des années 2000 : l'arche de Zoé, le tsunami de 2004, les enlèvements, etc. De même, je n'évoquerai pas les cas pratiques étudiés comme la lutte contre le sida ou la situation à Gaza.
Par contre, la seconde partie m'intéresse plus puisqu'elle décrypte les crispations autour de l'humanitaire. Parmi les types d'ONG, on retient quatre grands sujets : l'environnement, le développement, la défense des droits de l'homme et l'aide humanitaire d'urgence. Ces associations sont essentiellement occidentales et interviennent dans des pays émergents ou en conflit (ce sont, sans étonnement, les américains qui représentent les plus gros budgets). Ce qui est problématique, c'est qu'une aide humanitaire et médicale ne semble plus pouvoir apparaître comme neutre. Elle semble systématiquement cacher des visées politiques, économiques ou culturelles. N'est-ce pas de la diplomatie déguisée ? Et ces visées semblent à la fois utilisées par les associations et leurs bénéficiaires : quel meilleur moyen qu'une crise pour mettre en avant des conditions de vies inhumaines, initialement cachées ? Quelle meilleure caisse de résonance ? Mettre en lumière, c'est en partie protéger. Mais ça ne résout pas la situation de conflit ou de violence. Cette relation entre les ONG et les médias est très sensible. En effet, la caisse de résonance fonctionne aussi bien pour les réussites que pour les échecs. Elle permet à la fois de sensibiliser la population au sort des démunis et d'augmenter les dons (cf. le tsunami de 2004) mais fustige tout autant les mauvaises pratiques ou les dépenses mal gérées. Tant mieux, cela responsabilise les asso. Et leur impose la transparence.
Parmi les questions, il y a celle des valeurs et de la culture que véhiculent les ONG. Certaines sont par exemple très attachées aux droits de l'homme. Pour nous, ils constituent une référence. Mais ailleurs ? Doit-on les imposer sachant qu'ils émanent d'une construction occidentale ? Sont-ils réellement universels ? A contrario, peut-on être relativiste dans ce domaine ? Cette confusion entre les ONG et la culture occidentale est très facile à faire et peut passer pour de l'ingérence. Et elle est abondamment utilisée par les belligérants : en enlevant des humanitaires, ne s'attaque-t-on pas à l'Occident ? Pour limiter les amalgames, Micheletti suggère de décorréler les interventions armées des interventions humanitaires et de limiter l'ingérence militaire.
Alors comment continuer à travailler et à soigner dans ces conditions ? L'auteur met l'accent sur la connaissance du contexte local, la formation des humanitaires, le dialogue avec les différentes forces en présence. Il n'appelle pas à la fin des interventions mais à des interventions raisonnées et bien comprises. Il suggère également de commencer à changer les choses chez nous en alertant et en informant plus largement dans nos pays, en accueillant mieux l'étranger et le pauvre. Pour lui, l'humanitaire a encore de beaux jours devant lui car il doit trouver des moyens de soigner en dehors des grandes pandémies. Favoriser l'hygiène, la prévention et la nutrition permettraient d'agir plus durablement. Implanter des systèmes de soins locaux ne permettrait-il pas donner une réponse pérenne à ces problématiques ?
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